mercredi 29 mars 2017

Hannah ARENDT, illustre récalcitrante très éclairée.





« Dans les régimes totalitaires la provocation, qui était autrefois l’apanage du seul agent secret, devient une façon de se comporter avec son voisin, méthode que chacun, bon gré mal gré, est obligé de suivre. Chacun est en quelque sorte un « agent provocateur » pour suivre les autres ; car naturellement chacun se qualifierait lui-même « d’agent provocateur », si jamais un échange familier et amical « d’idées subversives » (ou qui entre-temps le seraient devenues) venait à la connaissance des autorités. La collaboration de toute la population pour dénoncer les opposants politiques, ses offres de service pour le mouchardage, ne sont sans doute pas  faits nouveaux ; mais il sont si bien organisés dans les pays totalitaires que le travail des spécialistes est presque superflu. Dans un système d’espionnage omniprésent, où tout un chacun peut être un agent secret, où chaque individu se sent constamment surveillé ; dans des circonstances en outre où les carrières sont extrêmement périlleuses, où les ascensions aussi bien que les chutes les plus spectaculaires, sont devenues pain quotidien, chaque mot devient équivoque et susceptible d’une « interprétation » rétrospective. »

(In : Hannah ARENDT. « Les origines du totalitarisme. Le système totalitaire ». Editions du Seuil, Points, Essais, Paris, 1972, page : 163).






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