Dans une première critique de l’article d’Elisabeth Roudinesco nous avions commis une erreur de lecture (du livre de Bénesteau). En effet, nous accusions Roudinesco d’avoir inventé de toutes pièces une phrase que l’on pouvait suspecter d’avoir été soutenue par des motivations antisémites de la part de Jacques Bénesteau, pour mieux accuser ce dernier d’antisémitisme et de négationnisme, notamment. Nous accusions Elisabeth Roudinesco de manœuvre grossière en ayant mis, de surcroît, cette phrase entre guillemets.
Or, en relisant encore un fois le livre de Jacques Bénesteau de la page 189 à 192, nous constatons notre erreur : Elisabeth Roudinesco a bien cité une partie du texte qui se trouve bien dans le livre de Jacques Bénesteau et en a inventé une autre de toute pièces. En effet, la phrase « entre la fin du XIX siècle et l’Anschluss » (que Roudinesco met entre guillemets) ne se trouve pas dans le livre de Jacques Bénesteau.
Les rapprochements qu’elle fait entre ces parties sont fallacieuses et utilisées pour une argumentation infondée et que nous jugeons toujours diffamatoire contre Jacques Bénesteau.
Comme les récalcitrants éclairés pourront s’en rendre compte, en lisant les longues citations directement tirées des Mensonges freudiens écrit par Jacques Bénesteau, certes, Roudinesco a cité correctement une seule partie et en a inventé une autre pour mettre ainsi les deux en rapprochements où la seconde serait l’élément explicatif de la première.
Comme on le verra c’est surtout ce passage du livre de Bénesteau, où celui-ci critique la méthode de pensée d’Elisabeth Roudinesco qui concerne notre propos. Les parties du texte citées par Roudinesco et qu’elle met en concordance sont en gras, mais la première ne correspond pas à la "citation" de Roudinesco :
« (…)On peut se résoudre à affirmer, avec Elisabeth Roudinesco, que le prosémite est aussi antisémite, car "dans les deux cas de figure se cache un discours antisémite. Il est avoué et évident dans l'attitude dénigrante, il est voilé et refoulé dans le comportement philosémite. Décrier l'esprit juif ou l'inférioriser, cela revient au même que de l'étiqueter supérieur". Quoi que vous fassiez, vous êtes antisémite. En poursuivant ce raisonnement, si Freud avait été honoré plus tôt, il aurait dû ce privilège à l'antisémitisme, s'il l'obtint si tard c'est encore à cause de l'antisémitisme, la "métaphore de tous les racismes". L'antisémitisme est donc responsable du fait qu'à la fin du XIX° siècle, à Vienne, plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs." (In : Jacques Bénesteau, Mensonges Freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire. Editions Mardaga, 2002, pages : 189 - 190).
1. Donc, voici ce qu’écrit Jacques Bénesteau, par rapport à la première partie « citée » (…) par Roudinesco :
« (…) qu’à la fin du XIX° siècle ».
Voici maintenant ce qu’a écrit Elisabeth Roudinesco dans son article :
« entre le fin du XIX siècle et l’Anschluss ».
2. Ensuite, pour la deuxième partie citée par Roudinesco, sa citation correspond parfaitement aux faits. En effet, Roudinesco et Bénesteau écrivent bien que (l’une dans son article et l’autre dans son livre) :
« plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs. »
Mais là où commence l'inacceptable, c’est bien entendu en tentant d’attribuer à Jacques Bénesteau un argumentaire négationniste en lui faisant dire qu’il aurait nié la réalité de l’antisémitisme à Vienne à cette époque, parce « plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs. »
En fait, dans son argumentaire où Jacques Bénesteau s’en prend de manière justifiée à la méthode de Roudinesco pour défendre l’accusation d’antisémitisme, il lui reproche son côté irréfutable, c’est-à-dire impossible à prendre en défaut. Quoique l’on fasse, on peut toujours être taxé d’antisémitisme selon Roudinesco.
Il utilise donc le côté foncièrement absurde et non valide de la méthode de Roudinesco, non pour nier l’antisémitisme de fait à Vienne à cette époque, mais pour souligner que si, « plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs » ce ne peut être imputable, ni au fait que l’époque fut effectivement antisémite, pas plus qu’elle aurait été favorable aux juifs, mais pour montrer que même dans un climat indiscutablement antisémite (et Bénesteau se sert de l’exemple du Maire de Vienne Karl Lueger), « plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs ».
Donc, l’argument de Jacques Bénesteau consiste à bien souligner l’absurdité de celui de Roudinesco : à force de vouloir attribuer toujours tout et n’importe quoi à des causes ou des motifs antisémites (comme le fait Roudinesco), l’on finit par perdre de vue et occulter d’autres causes socio-historiques qui peuvent expliquer pourquoi « plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs », lesquelles n’ont rien à voir, ni avec l’antisémitisme, ni avec un contexte favorable aux juifs.
== Polémique avec Jacques Bénesteau ==
En 2002, paraît "Mensonges freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire", ouvrage écrit par Jacques Bénesteau. Le livre obtient le Prix de l'histoire de la médecine délivré par la Société Française d'Histoire de la médecine à l'unanimité du jury. Puis Elisabeth Roudinesco se voit décerné le Prix Lyssenko par le Club de l'Horloge. Suite à la parution de ce livre et à l'obtention de son Prix Lyssenko, Elisabeth Roudinesco écrit un article dans la revue "Les temps modernes" (revue fondée par Jean-Paul Sartre) intitulé : "[http://vdrpatrice.pagesperso-orange.fr/Roud_Diffa.pdf Le club de l'horloge et la psychanalyse, chronique d'un antisémitisme masqué]", où elle accuse le livre de Bénesteau et son auteur de négationnisme et d'antisémitisme en citant entre guillemets des propos dont certains ne se trouvent pas dans le texte de Jacques Bénesteau et dont ce dernier ne fait aucun rapprochement. En effet, Elisabeth Roudinesco écrit : "(...) Mêlant les deux textes, l'auteur des Mensonges affirme qu'il n'existait aucun antisémitisme à Vienne "entre la fin du XIX siècle et l'Anschluss", puisque je cite, "plus de la moitié des avocats et des médecins étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlés par des Juifs".". Elisabeth Roudinesco poursuit en écrivant que : "(...) Fort de ce raisonnement qui nie l'existence d'une réalité pourtant parfaitement établie, et tout en s'appuyant sur une "comptabilité" franchement nauséabonde, Bénesteau en vient alors à accuser Freud d'être l'inventeur d'une persécution antisémite dont on ne trouverait nulle trace en Autriche jusqu'en 1938, mais qui lui aurait permis de se faire passer, en tant que Juif, pour la victime d'un complot fabriqué par les non-juifs." | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Une lecture attentive de l'ouvrage de Bénesteau permet par contre de livrer les citations suivantes tirées de son livre, lesquelles permettent de mettre en questions les affirmations et autres rapprochements réalisés par Elisabeth Roudinesco. L'on constate en particulier qu'à aucun moment de ce texte, ni même dans le reste de son livre, Jacques Bénesteau ne prononce le moindre propos antisémite, pas plus qu'il ne nie l'existence de l'antisémitisme à Vienne de la fin du XIX° siècle jusqu'à l'Anschluss (ou même plus tard ou dans d'autres contextes) : | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
P. 189 - 190 : | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
"(...) Une autre bonne raison invoquée par Freud aux embûches dressées sur son chemin vers la célébrité mondiale est l'antisémitisme endémique. Depuis que Sigmund Freud a évoqué les sources de l'opposition à la psychanalyse, conçues comme une pathologie mentale, et surtout dans un célèbre article rédigé en septembre 1924 immédiatement dans la foulée de la sa mensongère ''Selbstdarstellung'', les historiens se sont penchés, mais surtout après la seconde guerre mondiale, sur la question de savoir si, comme il l'écrivait lui-même, sa "qualité de Juif (...) n'a pas été pour une part dans l'antipathie générale contre la psychanalyse", et ces problèmes sont abondamment documentés. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Pour ceux qui nous occupent précisément, une réception antisémite de son allocution du mois d'octobre 1886 est difficile à admettre : trois de ses quatre contradicteurs (von Bamberger, Rosenthal, Meynert, Leidesdorf) étaient juifs eux-mêmes. En 1888, Freud voulut démissionner de la "société des médecins" car cette "honorable Chrétienté est très indécente" : elle voulait en effet inciter ses membres à souscrire pour la revue ''Wiener klinishe Wochenschrift'', laquelle devait soi-disant soutenir "depuis longtemps oublié le sens du mot travail". Le bureau éditorial de ce journal, dirigé par Heinrich von Bamberger, était en réalité composé de nombreux Juifs, y compris Ernst Fleischl von Marxow, l'ami de Freud, et n'avait pas beaucoup d'honorables Chrétiens ''"très indécents"'' à sa disposition. Freud était en fait très susceptible sur ces questions. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
D'autre part, une persécution antisémite retardant sa nomination comme Professor Extraordinarius est également improbable dans son cas particulier à ce moment-là. L'Empereur avait la réputation méritée d'être le protecteur des Juifs, qui venaient s'établir à Vienne depuis 1860, et surtout depuis la loi d'émancipation de 1867 accordant liberté de logement, de circulation, et l'égalité des droits. François-Joseph refusera quatre fois la nomination du maire ''élu'' de Vienne, le social-chrétien Karl Lueger, du fait de la réputation antisémite de celui-ci. L'Empereur ne pouvait supporter les querelles antisémites et exprimait son mécontentement, au point de quitter avec un ostentatoire fracas sa loge impériale du théâtre lorsque des spectateurs osèrent scander des slogans hostiles aux Juifs. Le ministre responsable des affaires universitaires, Son Excellence l'incorruptible Wilhelm ''Freiherr ''von Hartel, avait condamné l'antisémitisme devant le parlement, et puis était attaqué à cause de son zèle prosémite car ''soixante-dix pour cent'' des candidats gratifiés ces années-là par la ''Dozentur'' et promus à des postes élevés de l'enseignement étaient juifs, ce qu'on considérait comme une injustice eu égard à la démographie. Car, selon David Klein, on dénombrait à Vienne, un an avant la naissance de Freud, environ 6000 Juifs, soit 1% de la population de la capitale, puis, en 1900, 147.000, soit un peu moins de 9%. A la fin du XIX° siècle, 1,5% de la population de tout l'empire Anstro-Hongrois et moins de neuf pour cent des Viennois étaient juifs. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
On peut se résoudre à affirmer, avec Elisabeth Roudinesco, que le prosémite est aussi antisémite, car "dans les deux cas de figure se cache un discours antisémite. Il est avoué et évident dans l'attitude dénigrante, il est voilé et refoulé dans le comportement philosémite. Décrier l'esprit juif ou l'inférioriser, cela revient au même que de l'étiqueter supérieur". Quoi que vous fassiez, vous êtes antisémite. En poursuivant ce raisonnement, si Freud avait été honoré plus tôt, il aurait dû ce privilège à l'antisémitisme, s'il l'obtint si tard c'est encore à cause de l'antisémitisme, la "métaphore de tous les racismes". L'antisémitisme est donc responsable du fait qu'à la fin du XIX° siècle, à Vienne, plus de la moitié des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et la quasi-totalité de la presse étaient contrôlées par des Juifs." (In : Jacques Bénesteau, Mensonges Freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire. Editions Mardaga, 2002, pages : 189 - 190). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Toujours à propos des véritables motifs qui auraient retardé la nomination de Sigmund Freud au poste de Professor extraordinarius, l'on constate qu'Henri Ellenberger évoque lui aussi des légendes au sujet de prétendus motifs antisémites. Il est par ailleurs notable de remarquer que jamais Elisabeth Roudinesco ne qualifia les propos d'Henri Ellenberger de négationnisme ou d'antisémitisme, mais qu'au contraire elle donna plutôt une point de vue favorable au travail d'Ellenberger. En effet, de la page 476 à 478 de son livre, il évoque très clairement le problème, en écrivant par exemple : "(...) Que Freud n'ait pas été nommé plus tôt ne saurait, dès lors, être attribué à de l'antisémitisme." (In : Henri Ellenberger. Histoire de la découverte de l'inconscient. Editions Fayard, Paris, 1994, pages : 476 - 478). Dans ce livre qui est considéré comme pionnier dans ce que Roudinesco nomme le "révisionnisme", Ellenberger remarque que les légendes au sujet de Freud et de la psychanalyse sont tellement nombreuses qu'il faudrait même édifier une "science des légendes". Il est normal que cette première mouture ait été annulée, parce qu'elle contenait des citations trop longues, mais voici la suivante qui a également été censurée, alors qu'elle respectait en tous points les exigences de neutralité de Wikipédia.fr :
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