"Il
est immoral d'être prétentieux, ou d'essayer d'impressionner (...) en étalant
votre savoir. Car vous êtes ignorants. Nous pouvons être différents les uns des
autres dans le peu de choses que nous connaissons, mais, face à notre ignorance
infinie, nous sommes tous égaux."
(in:
William BARTLEY III, "Karl Popper science et philosophie", sous la
direction de Renée Bouveresse et Hervé Barreau. Edition: Vrin, Paris, 1991.
"Une moisson poppérienne", page: 69).
"(...)l'extrémisme est fatalement irrationnel, car il
est déraisonnable de supposer qu'une transformation totale de l'organisation de
la société puisse conduire tout de suite à un système qui fonctionne de façon
convenable. Il y a toutes les chances que, faute d'expérience, de nombreuses
erreurs soient commises. Elles ne pourront être réparées que par une série de
retouches, autrement dit par la méthode même d'interventions limitées que nous
recommandons, sans quoi il faudrait à nouveau faire table rase de la société
qu'on vient de reconstruire, et on se retrouverait au point de départ. Ainsi,
l'esthétisme et l'extrémisme ne peuvent conduire qu'à sacrifier la raison pour
se réfugier dans l'attente désespérée de miracles politiques. Ce rêve envoûtant
d'un monde merveilleux n'est qu'une vision romantique. Cherchant la cité divine
tantôt dans le passé, tantôt dans l'avenir, prônant le retour à la nature ou la
marche vers un monde d'amour et de beauté, faisant chaque fois appel à nos
sentiments et non à notre raison, il finit toujours par faire de la terre un
enfer un voulant en faire un paradis."
(in:
Karl R. POPPER, "La Société ouverte et ses ennemis". Tome 1:
"L'ascendant de Platon". Edition: Seuil, Paris, 1979. Page: 135).
"...Mais
le secret de la supériorité intellectuelle étant l'esprit critique,
l'indépendance d'esprit, il en résulte des difficultés insurmontables pour
toute forme d'autoritarisme, car l'autoritariste
choisit en général des êtres dociles et malléables et, par conséquent, des
médiocres. Il ne peut admettre que ceux qui ont le courage intellectuel de
contester son pouvoir puissent être les meilleurs."
(in:
Karl R. POPPER, "La Société ouverte et ses ennemis". Tome 1:
"L'ascendant de Platon". Edition: Seuil, Paris, 1979. Page: 114).
"...Cet
intellectualisme moral est cependant une arme à deux tranchants. Malgré son
caractère égalitaire et démocratique, repris et développé plus tard par
Antisthène, il peut aisément conduire à l'autoritarisme, à cause du rôle
important accordé au savoir dans l'éducation. Socrate semble avoir été
tourmenté par le fait que ceux qui ne sont pas instruits, donc suffisamment
sages pour connaître leurs lacunes, sont précisément ceux qui ont le plus besoin
d'instruction. Aussi lui semble-t-il nécessaire qu'une autorité stimule
l'ignorant pour le pousser à apprendre. Mais cet unique élément autoritaire est
admirablement compensé dans son enseignement par le fait que l'action de
l'autorité doit s'arrêter là. Le véritable maître ne démontre sa valeur que
si, à la différence de son élève, il est capable de se critiquer lui-même. Son
autorité tient à ce qu'il sait combien peu il sait. Pour Socrate, la
mission éducative est en même temps politique, et c'est parce qu'il cherchait à
développer le sens critique des citoyens au lieu de les flatter, qu'il se
déclarait "le seul politicien de son temps".
(in:
Karl R. POPPER, "La Société ouverte et ses ennemis". Tome 1:
"L'ascendant de Platon". Edition: Seuil, Paris, 1979. Page: 110 -
111).
"Le
langage est une institution sociale sans laquelle le progrès scientifique est
impensable, puisque sans lui il ne peut y avoir ni science ni développement et
progrès d'une tradition. (...) La méthode scientifique elle-même a des aspects
sociaux. La science, et plus spécialement le progrès
scientifique, est le résultat non pas d'efforts isolés
mais de la libre concurrence de la pensée. Car la science réclame toujours
plus de concurrence entre les hypothèses et toujours plus de rigueur dans les
tests, et les hypothèses en compétition réclament une représentation
personnelle, pour ainsi dire: elles ont besoin d'avocats, d'un jury et même
d'un public. (...) Cette incarnation personnelle doit être organisée
institutionnellement si nous voulons être sûrs qu'elle ait de l'effet. Et il
faut dépenser pour ces institutions et les protéger par la loi. Finalement, le
progrès dépend dans une large mesure de facteurs politiques, d'institutions
politiques qui sauvegardent la liberté de la science: la démocratie."
(in:
Karl R. POPPER, "Misère de l'historicisme". Edition: Agora, presses
pocket. 1988. Page: 194).
"...Ceci,
pouvons nous dire, est l'erreur centrale de l'historicisme.
Ses "lois d'évolution" s'avèrent être des tendances absolues;
tendances qui, comme des lois, ne dépendent pas de conditions initiales ,
et qui nous emportent irrésistiblement selon une certaine direction, vers
l'avenir. Elles sont le fondement de prophéties inconditionnelles,
contrairement aux prédictions scientifiques conditionnelles."
(in:
Karl R. POPPER, "Misère de l'historicisme". Edition: Agora, presses
pocket. 1988. Page: 162).
"...Nous
pouvons ainsi distinguer logiquement entre une méthode de critique erronée et
une méthode de critique correcte. La méthode erronée part de la question:
comment pouvons nous établir ou justifier notre thèse ou notre théorie ? Elle
conduit par là soit au dogmatisme; soit à une régression infinie; soit à la
doctrine relativiste des cadres de référence rationnellement incommensurables.
Par contraste, la méthode correcte de discussion
critique part de la question: quelles sont les conséquences de votre thèse
ou de votre théorie ? Sont elles toutes acceptables pour nous ?
Ainsi elle consiste à comparer les conséquences de différentes théories (ou, si vous voulez, de différents cadres de référence) et essaie de découvrir laquelle des théories en compétition (ou cadres de référence) a des conséquences qui nous semblent préférables. Elle est ainsi consciente de la faillibilité de toutes nos méthodes, et essaie de remplacer toutes nos théories par de meilleures théories. Ceci est, de l'aveu général, une tâche difficile, mais en aucun cas une tâche impossible."
Ainsi elle consiste à comparer les conséquences de différentes théories (ou, si vous voulez, de différents cadres de référence) et essaie de découvrir laquelle des théories en compétition (ou cadres de référence) a des conséquences qui nous semblent préférables. Elle est ainsi consciente de la faillibilité de toutes nos méthodes, et essaie de remplacer toutes nos théories par de meilleures théories. Ceci est, de l'aveu général, une tâche difficile, mais en aucun cas une tâche impossible."
(in:
Karl R. POPPER, "Le mythe de cadre de référence". Colloque de Cerisy,
Karl POPPER et la science d'aujourd'hui. Editions: Aubier. 1989. Page: 40).
"Bien
que je sois un admirateur de la tradition, je suis, en même temps, un partisan
presque orthodoxe de la non orthodoxie: je soutiens que l'orthodoxie est la
mort de la connaissance, puisque la croissance de la connaissance dépend
entièrement de l'existence du désaccord."
(in:
Karl R. POPPER, "Le mythe de cadre de référence". Colloque de Cerisy,
Karl POPPER et la science d'aujourd'hui. Editions: Aubier. 1989. Page: 14).
"Le
concept d'unique s'oppose à celui de typique: le typique se laisse apercevoir
dans l'homme individuel lorsqu'on le considère d'un point de vue général donné.
C'est pourquoi tout changement de point de vue entraîne un changement dans
l'aspect typique. Il semble dès lors impossible à une psychologie, à une
sociologie, quelles qu'elles soient, ou à tout autre espèce de science, de
venir à bout de l'individuel; une science sans point de vue général est
impossible."
(citation
de Arne Friemuth Petersen, in: "Popper et la psychologie: les problèmes et
la résolution des problèmes". Colloque de Cerisy, Karl POPPER et la
science d'aujourd'hui. Editions: Aubier. 1989. Page: 377 - 378).
"Les
notions d'orthodoxie et d'hérésie dissimulent les vices les plus vils, des
vices auxquels nous, les intellectuels, nous sommes particulièrement sujets:
l'arrogance, la certitude d'avoir toujours raison, le pédantisme, la vanité
intellectuelle. Ces vices sont vils, mais pas aussi graves que la cruauté. Or
la cruauté n'est pas non plus totalement étrangère aux intellectuels. Dans
notre domaine également, nous avons notre part des choses. Il suffit de penser
aux médecins nazis qui tuaient les personnes âgées et les malades alors
qu'Auschwitz n'existait pas encore, et à ce que l'on a appelé la "solution
finale" du problème juif.
C'est toujours nous, les intellectuels, qui, par lâcheté, vanité et orgueil, avons fait ou faisons les pires choses. Nous qui avons un devoir particulier à l'égard de ceux qui n'ont pas pu étudier, nous sommes les traîtres de l'esprit, comme l'a dit le grand penseur français Julien Benda. C'est nous qui avons inventé et diffusé le nationalisme, comme l'a montré Benda, et nous suivons les modes idiotes. Nous voulons nous faire remarquer et parlons un langage incompréhensible mais très impressionnant, un langage docte, artificiel, que nous tenons de nos maîtres hégéliens."
C'est toujours nous, les intellectuels, qui, par lâcheté, vanité et orgueil, avons fait ou faisons les pires choses. Nous qui avons un devoir particulier à l'égard de ceux qui n'ont pas pu étudier, nous sommes les traîtres de l'esprit, comme l'a dit le grand penseur français Julien Benda. C'est nous qui avons inventé et diffusé le nationalisme, comme l'a montré Benda, et nous suivons les modes idiotes. Nous voulons nous faire remarquer et parlons un langage incompréhensible mais très impressionnant, un langage docte, artificiel, que nous tenons de nos maîtres hégéliens."
(in:
Karl R. POPPER, "La leçon de ce siècle". Editions: Anatolia.
Collection: bibliothèques 10/18. 1993. Page: 139).
"La
relation entre une théorie (ou un énoncé) et les mots qui la composent est
analogue, à plusieurs titres, à celle entre les mots écrits et les lettres
employées pour les écrire.
Les lettres n'ont, à l'évidence, aucune "signification" au sens où en ont les mots, bien qu'il nous faille connaître les lettres (c'est-à-dire leur "signification" en un autre sens) pour pouvoir reconnaître les mots, et ainsi discerner leur sens. L'on peut dire approximativement la même chose des mots et des énoncés ou des théories.
Les lettres ne jouent qu'un rôle technique ou pragmatique dans la formation des mots. A mon avis, les mots, de même, ne jouent qu'un rôle technique ou pragmatique dans la formulation des théories. Lettres et mots ne sont donc que des moyens par rapport à des fins (des fins différentes il est vrai). Et les seules fins intellectuelles valables sont: la formulation des problèmes, l'essai de proposition de théories aptes à les résoudre, et la discussion critique des théories concurrentes. La discussion critique jauge les théories examinées en fonction de leur valeur rationnelle ou intellectuelle en tant que solutions au problème considéré, et de leur vérité, ou proximité à la vérité."
Les lettres n'ont, à l'évidence, aucune "signification" au sens où en ont les mots, bien qu'il nous faille connaître les lettres (c'est-à-dire leur "signification" en un autre sens) pour pouvoir reconnaître les mots, et ainsi discerner leur sens. L'on peut dire approximativement la même chose des mots et des énoncés ou des théories.
Les lettres ne jouent qu'un rôle technique ou pragmatique dans la formation des mots. A mon avis, les mots, de même, ne jouent qu'un rôle technique ou pragmatique dans la formulation des théories. Lettres et mots ne sont donc que des moyens par rapport à des fins (des fins différentes il est vrai). Et les seules fins intellectuelles valables sont: la formulation des problèmes, l'essai de proposition de théories aptes à les résoudre, et la discussion critique des théories concurrentes. La discussion critique jauge les théories examinées en fonction de leur valeur rationnelle ou intellectuelle en tant que solutions au problème considéré, et de leur vérité, ou proximité à la vérité."
(in:
Karl R. POPPER, "La Quête inachevée". Editions: Agora, pocket. 1986.
Page: 28).
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Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.
Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".
Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.
Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :
"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".
Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".
Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".