dimanche 7 décembre 2014

Popular depiction of psychoanalysis in late 1940s. Puis, Allan HOBSON.











J. Allan Hobson. "Le cerveau rêvant". Edition Gallimard, 1988. (J. Allan Hobson, professeur de psychiatrie à la Havard Medical School, est directeur du Laboratoire de neurophysiologie du Massachusetts Mental Health Center).


P. 28 :

"Dans son chapitre introductif à l'Interprétation des rêves (1900), Freud, ensevelit ces promoteurs de la tradition objective (ceux-là et quelques autres avec eux) sous une avalanche de discours polémiques, dénigrant ces études et la tradition médicale qui les inspire :

Au passage, nous ne nous étonnerons pas de la surestimation du rôle joué dans la formation des rêves par des stimuli qui ne proviennent pas de la vie mentale. Ceux-ci sont non seulement aisés à découvrir, et même susceptibles de confirmation expérimentale ; mais, de surcroît, le point de vue somatique sur l'origine des rêves reste parfaitement dans la ligne du courant de pensée qui prévaut en psychiatrie (1900, p. 75).

C'est une ironie de voir Freud, qui prétendait à une approche objective du rêve, uniquement sur des rapports subjectifs, et échouer complètement à se protéger, lui-même et ses patients, des effets de la distorsion du rêve par suggestion. Tout en faisant ainsi table rase pour installer sa propre théorie psychanalytique du rêve, Freud n'en reconnaissait pas moins que la science du cerveau était pleine de promesses pour l'avenir de la psychologie, et soutenait que, finalement, ses théories feraient place aux découvertes de la neurobiologie. Or, construite sur la doctrine du neurone, due au contemporain de Freud Ramon y Cajal, la science du cerveau se développait de son côté, avec son approche objective du sommeil et du rêve. L'unification en cours de ces domaines nous conduit à une théorie du rêve dont les caractéristiques sont étonnamment différentes de celles que Freud imaginait."


P. 30 :

"Mon but est de présenter [...] une théorie psychophysiologique de la manière dont les rêves se forment : plus précisément, de montrer que la forme du rêve est liée à la forme d'activité du cerveau pendant le sommeil. Au début de celui-ci, le cerveau est d'abord "allumé" (activé). Ensuite, il engendre et intègre (synthétise) ses propres informations sensorielles et motrices. Les signaux sensori-moteurs que le cerveau génère automatiquement constituent à la fois la force motrice et le vecteur directionnel de l'intrigue onirique, synthétique à la lumière des expériences passées, des comportements et des espérances de chaque individu.

L'hypothèse d'activation-synthèse propose ainsi un mécanisme cérébral nécessaire et suffisant pour qu'il y ait rêve. Ce mécanisme est à la fois plus déterministe et moins déterministe que celui que les théories antérieures postulaient.

Plus déterministe, parce que l'automaticité, d'où découle une qualité et une quantité données de rêve, fait du rêve une partie intégrante de la vie végétative plutôt qu'une simple réaction aux vicissitudes de la vie. Rêver est considéré, dans cette hypothèse, comme un processus endogène avec une dynamique propre, génétiquement déterminée. Il ne saurait y avoir de sens informatif caché dans ce processus. Au contraire, le traitement de l'information pourrait bien être l'une des multiples fonctions du rêve.
Moins déterministe, parce que la théorie d'activation-synthèse suppose un système de traitement de l'information ouvert, capable non seulement de reproduire et de déformer l'information en mémoire, mais également d'élaborer une information nouvelle. Cette théorie inclut donc la créativité dans ses présupposés."


P. 33 :

"La théorie des rêves de Freud nécessite une interprétation  : elle suppose que les désirs malvenus, en provenance de l'inconscient, sont transformés par l'esprit endormi qui fait du rêve vécu une pâle, obscure et même incompréhensible copie des pulsions sous-jacentes. Cette copie est ce que Freud appelle le contenu manifeste du rêve pour le distinguer du véritable instigateur et du véritable sens sur rêve qu'il nomme contenu latent. Pour opérer la traduction du manifeste en latent, il faut un interprète, puisque, par définition, le contenu latent est inacceptable pour la conscience du dormeur.

En énonçant les règles de cette traduction, Freud oscille entre une position extrêmement rigide où il considère certains objets rêvés comme des symboles spécifiques (en particulier, les symboles des organes sexuels) et une position relativement souple et plus ouverte. Certains rêves ne demandent aucune interprétation, d'autres en demandent beaucoup. Mais Freud n'a jamais défini les règles qui permettraient cette distinction.

La manière d'envisager les rêves change du tout au tout, aussi bien dans le domaine de la connaissance de soi que dans celui de la psychothérapie, quand on admet que leur signification est transparente pour la personne concernée. En faisant passer l'accent de l'opacité à la transparence, la théorie d'activation-synthèse considère le processus onirique comme plus progressif que récessif, plus positif que négatif, plus créatif que destructif. En un mot comme un processus plutôt sain que névrotique."


P. 62 :

"Quand on lit ces observateurs du XIX° siècle, on s'attend à ce que le développement des théories scientifiques du rêve ait suivi une ligne continue jusqu'à nos jours - mais cette ligne fut brisée, et leurs travaux furent non seulement éclipsés par le succès spectaculaire de la théorie psychanalytique [...], mais discrédités par Freud lui-même.

Voulant déblayer le terrain et ouvrir la voie à sa théorie radicale du rêve, Freud examine le travail de ses prédécesseurs immédiats. Quand on la regarde de près, sa critique est éclairante sous trois aspects : par son organisation systématique, elle établit clairement à quelles exigences doit satisfaire une théorie valable ; elle détaille les points forts et faibles de la concurrence contemporaine ; elle démontre l'habilité rhétorique de Freud à discréditer [et non à réfuter par des tests] toutes les hypothèses précédentes."


P. 63 :

"Freud introduit un principe unificateur [...] : le principe de la censure par déguisement. Ce principe est au coeur de a théorie du rêve. Dans la mesure où le censeur est contraint de déguiser des désirs psychiquement nocifs, le fonctionnement mental lié au rêve devient bizarre et diffère donc distinctement de la pensée éveillée. Quand la tension intrapsychique est moindre, le rêve est banal et semblable à l'état éveillé. Freud n'a fait aucune comparaison systématique et quantitative entre les états du d'éveil, et nous n'avons toujours pas beaucoup de données sur cet important problème."


P. 64 :

"[...] Tous ces auteurs, comme Freud lui-même, se servirent d'anecdotes et ne fournirent aucune preuve systématique de leur opinion."

"La manière dont opère la mémoire dans les rêves est sans aucun doute de la plus grande importance pour toute théorie de la mémoire en général", dit Freud. Voilà une affirmation à laquelle je souscris de tout coeur, bien que je ne puisse accepter la conclusion qui suit : la manière dont opère la mémoire dans les rêves "nous apprend que rien de ce que nous avons possédé mentalement ne peut être totalement perdu" (1900, p. 54). L'idée que l'information n'est jamais perdue est la conséquence logique de l'incapacité de Freud à admettre que le système nerveux construit sa propre information. On peut voir dans ces deux idées l'équivalent, chez Freud, de la deuxième loi de Newton concernant la conservation de l'énergie. Or on dispose aujourd'hui de preuves expérimentales montrant clairement que les souvenirs de la prime enfance (que les psychanalystes ont estimé être la source des conflits ultérieurs) sont en fait irrémédiablement perdus. Les enfants retiennent très peu de chose de toute expérience antérieure à l'âge de trois ans. Une fois démolis ces deux postulats jumeaux : l'information ne peut être construite ; l'information ne peut être perdue, beaucoup d'arguments freudiens s'effondrent de manière catastrophique."


P. 66 :

"Il est exact que l'interprétation des rêves fondée sur la physiologie est difficile, pour ne pas dire impossible ; mais le reconnaître signifie seulement que ce travail d'interprétation doit être précautionneux ; ce n'est certainement pas une raison pour rejeter une théorie physiologique. Les théories physiologiques doivent se développer ou s'effondrer selon leurs mérites propres ; et, en tant qu'elles subissent avec succès l'examen scientifique, elles obligent à réviser toute théorie psychologique qui les nie, les ignore ou s'y oppose. Ainsi, l'hypothèse de Schopenhauer sur le stimulus interne doit être considérée aujourd'hui comme encore plus solide que lorsqu'elle fut émise, quelque quarante ans avant que Freud ne la rejette."

"Pendant le rêve, le cerveau-esprit se trouve dans un mode de fonctionnement tellement ouvert qu'il peut être impossible d'en établir le déterminisme. Freud, continuant à polémiquer sur l'inadéquation des théories physiologiques, pose en principe l'existence de stimuli purement psychiques dans le cas des hallucinations "pures" ; une telle idée sous-entend qu'il pourrait exister des phénomènes mentaux sans corrélation physiologique. Je trouve cette assertion impossible à admettre pour des raisons de logique."


P. 67 :

"Dès le départ, la psychanalyse accorde à la philosophie une confiance injustifiée pour développer ses propres idées et s'appuie indûment sur l'organisation politique pour répandre ses idées. C'est au style d'autorité caractéristique de Freud que l'on doit attribuer, pour une large part, la stérilité actuelle de la psychanalyse. Et, la tendance concomitante à considérer le progrès comme résultant de la vision d'un génie, d'un héros éclairé, contribue également à isoler la psychanalyse de la recherche médicale scientifique. Ces deux caractéristiques expliquent l'embarras dans lequel se trouve aujourd'hui cette discipline. D'un côté, on y trouve la révision des herméneuticiens, doucereuse, humaniste, mais non technique et antibiologique - éclairante peut-être, mais non scientifique. De l'autre, une profusion d'élaborations linguistiques quasi techniques - obscurantistes et pseudo-scientifiques."

"[...]Je crois que la théorie psychanalytique du rêve n'est pas scientifique, parce qu'elle n'a pas de base empirique. Freud a émis son postulat sur le déguisement-censure à partir d'observations cliniques sur les patients chez qui la répression [le refoulement] des désirs sexuels et des idées qui y sont reliées lui a paru pathologique. Son idée de la répression découle, à son tour, d'une image erronée du système nerveux. Ce n'est pas un Freud impartial qui la conçoit, après avoir collationné systématiquement les relations de rêves de nombreux sujets. La théorie psychanalytique du rêve est donc largement spéculative, c'est une théorie a priori. Et, même si on tient compte de cet aspect, on trouve qu'elle ne repose sur aucune preuve, ou presque. Toutes les données de L'Interprétation des rêves sont subjectives : la plupart des rêves envisagés sont ceux de Freud lui-même ; ou alors ce sont des comptes rendus de seconde main ; et aucun n'est soumis à un traitement quantitatif.

Deuxièmement, la théorie psychanalytique n'est pas construite selon une logique qui la rende susceptible de vérification expérimentale. En fait, les psychanalystes n'ont jamais défini quelle sorte de preuve pourrait infirmer leur théorie. Il n'est donc pas surprenant que, en presque quatre-vingt-dix ans, la théorie des rêves de Freud n'ai donné lieu à aucun test critique expérimental".










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.

Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".

Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.

Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :

"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".

Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".

Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".

Archives du blog