Quelques citations tirées du fameux livre d'Henri F. Ellenberger : "Histoire de la découverte de l'inconscient", Fayard, Paris, 1994 (1970).
page 446 :
"Ecrire une biographie objective de Freud est une tâche extrêmement difficile et ingrate, en raison de l'abondante littérature dont il a été l'objet et la légende qui s'est créée autour de lui. Malgré cet amoncellement de matériaux, authentiques ou légendaires, subsistent encore de vastes lacunes dans notre connaissance de sa vie et de sa personnalité. Par ailleurs, certaines sources connues sont inaccessibles, celles en particulier de archives Freud déposées à la Bibliothèque du Congrès de Washington."
page 479 :
"(...)Ceci nous conduit à examiner la signification de cet isolement, dont Freud se plaignit tant. Dans son autobiographie, il parle de "dix ans ou même plus d'isolement", sans préciser à quelles dates il en situe le début et la fin. Ce prétendu isolement ne concernait certainement pas le cercle de ses connaissances immédiates : il était heureux dans sa vie familiale et Jones parle de son cercle de relations "étonnamment étendu". Il ne semble pas qu'en général ses collègues se soient montrés envieux ou mesquins à son égard. Pour ceux chez qui l'animosité prit la pas sur l'amitié (comme ce fut le cas de Meynert, de Breuer et de Fliess), il est difficile de décider à qui en incombait la faute. Pour autant que l'on sache, aucun article de Freud ne fut jamais refusé, ni aucun des ouvrages par un éditeur. Contrairement à ce que l'on prétend habituellement, ses publications ne se heurtèrent pas à un silence glacial ni à une critique hostile. En fait, l'accueil fut généralement fovarable, bien qu'il s'accompagnait parfois d'un mélange de surprise et de perplexité. Ce fut rarement un rejet proprement dit, et, à cet égard, d'autres n'eurent pas un meilleur sort que lui. Il se peut que le sentiment d'extrême et amer isolement, caractéristique de la névrose créatrice, ait persisté chez Freud et se soit trouvé renforcé par le fait que, pendant toutes ces années, il s'était nettement tenu à l'écart du monde médical viennois."
page 543 :
"Les récits habituels de la vie de Freud racontent que la publication de ses théories sexuelles suscita la colère contre lui à cause de leur nouveauté inouïe dans une société "victorienne". Les documents dont nous disposons contredisent nettement cette assertion. Les Trois Essais de Freud parurent au milieu d'un flot d'écrits contemporains sur la sexologie et reçurent un accueil favorable. L'originalité de Freud fut essentiellement de synthétiser un certain nombre d'idées et de notions, dont la plupart existaient déjà à l'état isolé ou partiellement organisés, et de les appliquer directement à la psychothérapie."
pages 586 - 587 :
"Il est extrêmement difficile d'apprécier objectivement l'influence de Freud. Il s'agit d'une histoire trop récente, déformée par des légendes et dont toutes les données n'ont pas encore été éclaircies.
L'opinion générale est que Freud a exercé une puissante influence, non seulement sur la psychologie et la psychiatrie, mais sur tous les domaines de la culture, et que cette influence a été profonde au point de transformer notre façon de vivre et nos conceptions sur l'homme. La question devient plus complexe et plus controversée dès qu'on cherche à établir jusqu'à quel point cette influence a été favorable ou non. Nous avons d'un côté ceux qui voient en Freud l'un des libérateurs de l'esprit humain et qui estiment même que l'avenir de l'humanité dépendra de son acceptation et de son refus des enseignements de la psychanalyse. A l'opposé se trouvent ceux qui affirment que les effets de la psychanalyse ont été désastreux. La Piere, par exemple, prétend que le freudisme a ruiné l'éthique de l'individualisme, la discipline de soi et le sens des responsabilités qui régissait le monde occidental.
[...] La seconde difficulté, plus grave encore, vient de ce que la psychanalyse, dès ses origines, s'est développée dans une atmosphère de légende, si bien qu'une appréciation objective ne sera guère possible avant que l'on ai pu dégager les données authentiquement historiques de cette brume de légendes. Il serait d'un intérêt inestimable de découvrir le point de départ de la légende freudienne et d'analyser les facteurs qui ont permis son développement. Malheureusement l'étude scientifique des légendes, de leur structure thématique, de leur développement et de leurs causes reste l'une des provinces les moins explorées de la science, et jusqu'à ce jour rien n'a été publié sur Freud qui soit comparable à l'étude d'Etiemble sur la légende qui se développa autour du poéte Rimbaud."
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