mardi 20 janvier 2015

Les freudiens et Karl Popper.




Chers récalcitrants éclairés,

"Les freudiens et Karl Popper". A la lecture de ce billet vous penserez que le titre est mal choisi. "Karl Popper expliqué aux freudiens" conviendrait sans doute mieux. Mais il n'est de pire sourd...

Tout d’abord, on relève de façon régulière que les freudiens font toujours allusion à la dimension politique du personnage poppérien, et sa préférence pour le “néo-libéralisme” (cette tendance à “politiser” leurs critiques, voire à les “pathologiser” est, hélas, assez coutumière, chez beaucoup de freudiens). Mais c’est aussi oublier, que, toute sa vie, en matière de politique et de philosophie politique, Karl Popper fut un combattant acharné et parfois passionné de toutes les formes de totalitarisme, lesqulles sont difficilement identifiables à du "néo-libéralisme",  (Cf. “La société ouverte et ses ennemis”) ;  également un défenseur avisé et lucide de la démocratie, contre l’Etat paternaliste (Cf. “La leçon de ce siècle”, “Etat minimal ou état paternaliste ?”, “La télévision, un danger pour la démocratie”). Par conséquent, cette attaque contre Popper, via ses orientations et choix politiques ne peut que sembler suspecte.

Les psychanalystes les plus orthodoxes et les plus fermés à la critique, reprochent aux critiques de la psychanalyse, d’utiliser l’épistémologie de Karl Popper comme une « machine de guerre » contre la psychanalyse. Il est cependant démontrable, malgré l’appel aux émotions et au jugement négatif contre les critiques que revêt l’emploi d’une telle formule, que l’œuvre de Karl Popper, recèle des arguments dévastateurs contre les principales revendications de la psychanalyse, comme par exemple, la scientificité, et que ces arguments peuvent donc, s’ils sont bien employés, constituer de véritables « armes » contre le corpus freudien. (Les thèses développées par Karl Popper, contre ce qu’il nomme le « déterminisme scientifique », dans son livre « L’univers irrésolu, plaidoyer pour l’indéterminisme », sont d’une efficacité redoutable, sinon fatale contre toutes les prétentions de la psychanalyse, que ce soit pour ce qui concerne ses principaux fondements théoriques, ou même les prétentions de sa technique thérapeutique).

Karl Popper a toujours affirmé, contre l’avis d’un autre critique particulièrement virulent de la psychanalyse en la personne d’Adolf Grünbaum, que l’ensemble du corpus freudien était non scientifique, parce que non falsifiable par l’expérience. Mais, même si Grünbaum paraît avoir raison pour quelques unes des affirmations de Freud (qui, du reste ont toutes été réfutées), il est permis de penser qu’il se fourvoie sur le sens de ce que voulait dire Popper. Il écrit par exemple dans son livre : 

« La psychanalyse à l’épreuve » :

« Dans un ouvrage consacré à la philosophie de Popper, ce dernier soutient – une fois encore – que la psychanalyse est une métaphysique psychologique empiriquement non-testable, qui n’ “exclut pas de comportement humain physiquement possible”. De cette allégation d’irréfutabilité empirique, il tire immédiatement l’inférence fallacieuse selon laquelle la psychanalyse peut, en principe, expliquer tout comportement réel. Ainsi, juste après avoir dit que les théories de Freud et d’Adler n’excluent pas de comportement humain possible, Popper nous dit que “quoi que ce soit que quelqu’un puisse faire, cela est, en principe, explicable en termes freudiens ou adlériens”. Mais si une théorie, en conjonction avec des conditions initiales particulières, n’exclut aucun comportement, comment peut-elle expliquer déductivement un comportement particulier quel qu’il soit ? Car l’explication déductive revient à exclure : comme l’a souligné Spinoza, affirmer (dériver) p revient à nier tout proposition incompatible avec p. » (A. Grünbaum).

Pourquoi Grünbaum se trompe sur le jugement que Popper porte sur les prétendus pouvoirs explicatifs des théories freudiennes ? Parce qu'il lit, en l'occurrence, bien trop superficiellement ce qu'a écrit Popper. Ce que veut dire Karl Popper, c'est qu'en voulant "expliquer" tout et n'importe quoi, la psychanalyse n'explique plus rien du tout. Lorsqu'il emploie l'expression "explicable en termes freudiens", Popper, pense, évidemment que les explications freudiennes, ne sont en fait que de pseudo-explications, ce qui fait d'elle une pseudo-science. C'est aussi simple que ça.

Le défaut majeur de la psychanalyse, souligné justement par Popper, et remarqué plus tard par…Jacques Lacan (!), c’est que “la psychanalyse explique trop”. Popper dit qu’une théorie qui explique tout, n’explique plus rien du tout, jetant ainsi un doute justifié sur ses prétentions explicatives, et sur ses prétendues “explications” abouties.

En rapport avec l’irréfutabilité comprise comme certitude (puisqu’une théorie irréfutable est logiquement certaine), on peut citer Popper, dans “Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance” aux éditions Hermann, page 10 : “dans la mesure où les propositions de la science se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines et dans la mesure où elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité !” [Il cite également, par analogie, Albert Einstein : "Si la mathématique est certaine elle ne s'applique pas à la réalité, et, si elle n'est pas certaine, elle s'applique à la réalité"]. Par cette citation, on se rend bien compte que Popper considérait que dans la mesure où une théorie (ou une doctrine quelconque) revendique un pouvoir explicatif illimité, lequel ne peut exclure aucune possibilité, elle ne possède  en fait, aucun pouvoir explicatif. On retrouve, dans la même veine, cet argument dans un autre livre de Popper intitulé, “L’Univers irrésolu plaidoyer pour l’indéterminisme”, aux éditions Hermann, où il écrit, page 24, que : “(…)Et, s’il est vrai qu’en science je préfère les théories les plus fortes aux plus faibles, c’est parce qu’elles se laissent plus aisément argumenter, c’est-à-dire critiquer. Toujours est-il que celui qui propose la théorie la plus forte accepte par là même la charge de la preuve. Il doit alléguer des arguments pour appuyer sa théorie – en montrant, pour l’essentiel, son pouvoir explicatif. Mais de déterminisme, “scientifique” ou non, n’appartient nullement à la science, et n’a aucun pouvoir explicatif”.

Ce que Popper a très clairement souligné dans sa "Logique de la Découverte Scientifique", c’est qu’une authentique théorie scientifique ne peut avoir de valeur informative et explicative que sur ce qu’elle proscrit ou interdit, donc sur ce qu’elle revient à exclure comme le souligne justement Grünbaum en se fondant sur Spinoza…! Une théorie scientifique ne peut nous renseigner que sur les interdictions qu’elle corrobore, sur les énoncés permis elle ne nous dit rien (Popper). Dans “La Logique de la Découverte Scientifique”, Popper écrit, page 67 : “(…)l’on voit que les lois naturelles pourraient être comparées à des “proscriptions” ou à des “prohibitions”. Elles n’affirment pas que quelque chose existe ou se produit, elles le dénient. Elles mettent l’accent sur la non-existence de certaines choses ou de certains états de chose : elles les excluent. Si nous reconnaissons pour vrai un énoncé singulier qui enfreint en quelque sorte la prohibition en affirmant l’existence d’une chose (ou l’occurrence d’un événement) exclue par la loi, la loi est réfutée.”

Une théorie irréfutable n’exclut donc aucun comportement possible et n’a donc pas de base empirique identifiable, il est donc aussi impossible de cerner son contenu empirique dans des limites qui soient testables puisqu’elle fournit des prétentions (pseudo) explicatives illimitées.
Certes, constatait Popper, les freudiens ou les adleriens prétendaient fournir d’authentiques explications scientifiques, mais ce que voulait nous dire Popper, c’est que ces explications-là ne pouvaient être que des pseudo-explications et surtout qu’elles n’étaient pas scientifiques. Donc Grünbaum a raison de dire, en se fondant sur Spinoza, qu’une théorie qui fournit de véritables explications exclut logiquement certains comportements (c’est, en fin de compte, très exactement ce qu’a toujours affirmé et démontré Popper dans son oeuvre !), mais il se trompe sur ce que voulait dire Popper. Ce dernier pensait que les explications de la psychanalyse étaient de pseudo-explications qui ne pouvaient être tenues pour scientifiques, notamment à cause de l’attitude de leurs défenseurs qui, par leurs arguments n’excluant pas les explications potentiellement contradictoires, rendaient leur nombre logiquement illimité, faisant ainsi de la psychanalyse un corpus irréfutable.

Les thèses de Popper en épistémologie sont connues et reconnues dans le monde entier, et plus particulièrement dans les pays anglo-saxons. Le Gotha des Prix Nobel du XX° siècle a reconnu la validité de ses thèses, et nombre d’entre eux, dont Lorentz, Monod, Medawar, Eccles, Hayek, on admis explicitement leur dette méthodologique envers Popper. En France, par contre, de l’aveu même de Jacques Monod, Prix Nobel de Médecine, qui écrivit la préface de l’œuvre maîtresse de Karl Popper : « La logique de la découverte scientifique » (dans laquelle on trouve aussi une correspondance avec Albert Einstein), il y a eu carence, qui ne fut que très tardivement comblée. Et, selon Jacques Bouveresse, ce n’est pas pour autant que la France soit davantage versée dans le rationalisme critique, qui demeure pourtant, la cheville ouvrière de toutes les sciences empiriques. Malgré la notoriété internationale qu’ont, à juste titre, conquis les thèses poppériennes sur la méthode scientifique, la démarcation entre science et métaphysique, le déterminisme, l’induction et la notion de propension, les freudiens continuent, en France, le plus souvent à afficher une grande ignorance quand ce n’est pas un mépris non feint pour l’oeuvre de celui qui fut considéré par Medawar (Prix Nobel) comme, “le plus grand philosophe des sciences de tous les temps”.

Les freudiens, contestent, bien entendu, la généralisation à toutes les sciences de « La logique de la découverte scientifique ». Pourtant, Popper, a surtout démontré, de manière magistrale, qu’il ne pouvait y avoir, en toute logique, qu’une seule et unique méthode scientifique, procédant à l’aide de tests intersubjectifs, reproductibles et indépendants, par « conjectures et réfutations ». En effet, par la logique, il est démontrable, de manière certaine, que toutes les théories scientifiques, qui prétendent avoir une portée universelle, tout en ayant des pouvoirs descriptifs, explicatifs et prédictifs sur des phénomènes empiriques, doivent aussi avoir la forme logique d’énoncés universels au sens strict. C’est-à-dire, comme l’explique Popper, d’énoncés logiquement invérifiables, mais également logiquement falsifiables (ou réfutables). Il est à souligner que Popper a toujours bien précisé que son critère de démarcation était avant tout un critère méthodologique de démarcation entre les énoncés scientifiques et les énoncés métaphysiques (Cf. “La logique de la découverte scientifique” et “Le réalisme et la science” où Popper déplore, encore une fois, les mécompréhensions sur les aspects logiques de la falsifiabilité et les contresens typiques qui furent effectués à partir de ses thèses).

Seuls les positivistes du Cercle de Vienne, (dont Popper, selon ses propres dires, ne faisait pas partie, mais était seulement admis comme « l’opposition officielle ») considéraient que les énoncés universels au sens strict ne pouvaient être les énoncés de la science, parce qu’ils étaient « vides de sens ». « Vides de sens », parce que logiquement invérifiables de manière empirique. Les membres du Cercle de Vienne qualifiaient donc les énoncés universels au sens strict de “pseudo-propositions” ou de “pseudo-énoncés”. Popper in : “Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance”, édition Hermann, page 62 : “(…) les positions de la pseudo-proposition (…) soutiennent en même temps l’idée qu’aucune valeur de vérité ne peut en principe être attribuée aux “énoncés universels portant sur la réalité”, dans la mesure où leur vérité ne peut jamais être établie de manière définitive. Et elles en tirent la conséquence que ces énoncés ne sont pas de véritables énoncés. (…) D’après cette conception, les énoncés universels portant sur la réalité doivent être considérés, du point de vue logique, comme des pseudo-propositions.” Ces énoncés ne pouvaient donc être utilisés, pour fonder un critère de démarcation basé sur la vérifiabilité entre science et métaphysique (que rejetaient les philosophes du Cercle de Vienne, et non Popper), mais seulement les énoncés vérifiables comme les énoncés singuliers.

Popper a donc démontré que, certes, les énoncés universels au sens strict, n’étaient pas logiquement vérifiables, mais par contre, logiquement falsifiables par l’observation de certains énoncés singuliers potentiellement contradictoires et acceptés comme tels par la communauté scientifique (Popper insiste sur le rôle des “énoncés de base acceptés”). C'est sur la base de cette acception "méthodologique" de la communauté scientifique, que Popper justifie le caractère essentiel du critère de démarcation.  Popper in : “Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance”, édition Hermann, page 140 : “Pour pouvoir juger correctement de la démarche réelle de la science quand il s’agit de décider sur des propositions particulières, il est nécessaire d’avoir une fois de plus présent à l’esprit la signification de ces propositions dans les sciences de la nature. D’après la conception déductiviste, les propositions particulières (singulières) servent à contrôler les lois, les systèmes théoriques et donc les propositions générales. Le contrôle des propositions générales s’effectue par la déduction de prédictions particulières qui peuvent être vérifiées ou falsifiées. Si, par conséquent, des difficultés se présentent pour décider de la vérification ou de la falsification d’une prédiction particulière donnée quelconque, on s’en tire la plupart du temps, dans l’activité scientifique pratique, en renonçant à décider dans ce cas particulier et en déduisant d’autres prédictions, qui ne présentent pas de telles difficultés, afin de contrôler les lois.”

Mais Popper démontra que si le but de la science est de parvenir à produire des lois, ces lois ne peuvent être qu’universelles. Si elles sont universelles, elles ne peuvent jamais être vérifiées empiriquement parce qu’elles ne peuvent avoir d’autre forme logique que celle d’énoncés universels au sens strict.

Ainsi, aucune science ne peut jamais vérifier ses lois avec certitude, et toute volonté de faire science, ou toute démarche qui se veut scientifique est donc logiquement obligée d’en passer par la mise à l’épreuve de ses lois. Les sciences humaines ne peuvent échapper à cette règle fondamentale. Voilà la leçon démontrée par Popper avec les arguments de la logique. Or, toute science vise à vérifier des lois, dans le sens où ces lois sont sensées s’approcher toujours mieux de la vérité certaine. Ces lois ne peuvent donc être que « corroborées » à l’issue de tests indépendants et intersubjectifs. Ceci à comme conséquence, que puisque les scientifiques cherchent aussi, et ne peuvent se passer de rechercher des lois causales, précises, (tout comme des lois fréquentistes), aucune loi ne peut être fondée, à priori, par un déterminisme absolu, comme en psychanalyse. (Puisque Freud a, pendant toute sa carrière, affirmé sa « foi inébranlable », dans le déterminisme psychique absolu).

Tout agent qui souhaite appréhender le réel, ne peut le faire sans l’aide de lois et de termes universels, lesquels ne peuvent jamais, être « parfaitement constitués » (Popper), donc répondre à un déterminisme prima faciae et absolu. “…Nous ne pouvons exprimer aucun énoncé scientifique qui n’aille au-delà de ce qu’on peut connaître avec certitude “sur la base de l’expérience immédiate”. (L’on peut se référer à ce fait comme à la “transcendance inhérente à toute description.”) Chaque fois que nous décrivons, nous utilisons des noms (ou symboles ou notions) universels; tout énoncé a le caractère d’une théorie, d’une hypothèse. L’énoncé “voici un verre d’eau” ne peut être vérifié par aucune espèce d’observation. En effet, les termes universels qui apparaissent dans cet énoncé ne peuvent être mis en corrélation avec aucune expérience sensible spécifique. (Une “expérience immédiate” n’est “donnée immédiatement” qu’une seule fois; elle est unique.) Par le mot “verre”, par exemple, nous dénotons des corps physiques qui présentent un certain comportement régulier (quasi légal) ceci vaut également pour le mot “eau”. Les termes universels ne peuvent être réduits à des classes d’expériences; ils ne peuvent être “constitués”. (Karl R. Popper, in: “La logique de la découverte scientifique.” Chapitre 5: “Le problème de la base empirique.” Section 25: “L’expérience perceptive comme base empirique: le psychologisme.” Édition: Payot. Page: 94.)

Ainsi, quel que soit l’objet de recherche, et quel que soit l’agent (fut-il analyste, biologiste, ou physicien), les exigences formées par la corroboration de lois, obligent l’agent à tenter de soumettre ses lois imaginées et formulées a priori,  à l’épreuve de tests. Mais pour cela, il faut tout d’abord, que les dites lois soient formulées de manière à pouvoir permettre les tests.

On ne peut donc éviter le modèle épistémologique de Popper qui met ainsi en lumière le fait qu’il est vain de vouloir être scientifique là où l’on ne peut l’être. Popper : « Le concept d’unique s’oppose à celui de typique: le typique se laisse apercevoir dans l’homme individuel lorsqu’on le considère d’un point de vue général donné. C’est pourquoi tout changement de point de vue entraîne un changement dans l’aspect typique. Il semble dès lors impossible à une psychologie, à une sociologie, quelles qu’elles soient, ou à tout autre espèce de science, de venir à bout de l’individuel; une science sans point de vue général est impossible. » (citation de Arne Friemuth Petersen, in: “Popper et la psychologie: les problèmes et la résolution des problèmes”. Colloque de Cerisy, Karl Popper et la science d’aujourd’hui. Editions: Aubier. 1989. Page: 377 – 378).

Popper n’a jamais écrit, dit, ou affirmé que les théories scientifiques pouvaient être définitivement vérifiées, ni même définitivement réfutées s'écartant ainsi, dès le début de tout falsificationnisme naïf (Cf. Popper in : "Le réalisme et la science"), mais le contraire. Il n’a jamais dit non plus que ce qui n’était pas scientifiquement corroboré n’avait aucune valeur, (le cas la théorie de Charles Darwin sur l’évolution, très utilisée par Popper dans sa conception “évolutionniste” de la connaissance est particulièrement remarquable. Voir dans “La connaissance objective”, le chapitre intitulé : “l’évolution et l’arbre de la connaissance”) mais a, au contraire, défendu la métaphysique contre les positivistes du Cercle de Vienne, en démontrant que toute la physique moderne, sinon toutes les sciences dites « dures », prenaient leur origine dans des considérations et conjectures métaphysiques audacieuses (Cf. in “Conjectures et réfutations”). C’est sans doute la raison pour laquelle, il considérait la psychanalyse non comme une science, mais comme une “pré-science intéressante” d’un point de vue métaphysique. Cependant, son point de convergence de vues avec le Cercle de Vienne repose sur le fait qu'il jugeait comme faisant partie des objectifs essentiels de la Science, que d'éliminer progressivement les énoncés métaphysiques, ou de les transformer en énoncés scientifiques testables.

Par ailleurs Popper ne niait pas l’existence d’un inconscient, (bien qu’il réfuta avec la rigueur que l’on sait toute forme de déterminisme absolu), et il trouvait même, dans la psychanalyse, “une grande part de vrai”. Il pensait, enfin, que Freud était loin d’être aussi dogmatique que la plupart de ses disciples. Popper, in : “Le réalisme et la science”, édition Hermann, page 186 : “(…) Ce que j’entends critiquer plutôt, c’est la manière dont Freud rejette la critique. J’ai même la conviction que Freud aurait pu renforcer considérablement sa théorie s’il avait adopté une autre attitude envers la critique – en particulier celle que les psychanalystes aiment appeler la “critique non informée”. Il ne fait pourtant aucun doute que Freud était loin d’être aussi dogmatique que la plupart de ses disciples, lesquels ont été portés à faire de la nouvelle théorie une religion – avec tous les attributs d’une religion : martyrs, hérétiques, schismes – et à voir dans tout critique un ennemi – ou pour le moins quelqu’un de “non informé” (c’est-à-dire qui aurait besoin d’être analysé).” Le problème, c’est que Karl Popper n’a pu lire les plus récentes et accablantes révélations des Freud scholars, comme celles de Bénesteau, de Borch-Jacobsen, de Jacques Van Rillaer, de Crews, et de tant d’autres…

Enfin, pendant toute son œuvre épistémologique, Popper n’a cessé de mettre en exergue l’importance de l’erreur, sa prise en considération dans le processus d’élaboration de toute connaissance. La conception de la méthode scientifique par Karl Popper repose, selon lui, sur ce qu’il nomme le “faillibilisme critique”, c’est-à-dire, l’examen rationnel et critique des erreurs et de leurs conséquences possibles. La démarche scientifique, consiste, pour Popper, en une élimination de l’erreur, en un remplacement des théories erronées ou démontrées comme telles à l’issue de tests, par des théories qui ont mieux résisté aux tests. La science, en éliminant l’erreur de manière intersubjective, tend toujours à s’approcher de la vérité certaine, (son idée directrice), sans toutefois, jamais l’atteindre. C’est en ce sens, par son analyse fine et très détaillée du statut de l’erreur (voir par exemple, dans « La connaissance objective »), que Popper s’affirme aussi, et avant tout, comme un philosophe de la connaissance, la connaissance scientifique n’étant pour lui qu’un cas particulier du domaine.


(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).









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