mardi 9 juin 2020

Rien n’est « évident » ; rien ne « tombe sous le sens ». Tout n’est qu’hypothèses que l’on tente de mettre à l’épreuve.




Ce billet n’est qu’un extrait de notre article s’intitulant : “Christine Angot et ses problèmes avec les mots”.

(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).
 
 

 


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Pour résumer :

La notion d’évidence n’est qu’une illusion liée à la croyance (inductiviste) erronée qu’une observation soi-disant “directe” de la Nature, (nature humaine comprise), serait possible, parce qu’elle ne serait jamais rendue “indirecte” à cause du passage obligé et toujours a priori de l’évaluation de notre esprit lequel effectue nécessairement ses opérations de sélection grâce à tous les préjugés, les connaissances, etc., qu’il a engrangés dans sa mémoire à long terme. 
 
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Donc l’évidence serait possible parce que toute observation serait “pure” des faits, (donc “directe”), et ne souffrirait jamais de l’intermédiaire de nos aprioris quelconques. 

Croire en la possibilité de l'évidence rendrait donc illusoire de supposer un filtrage a priori de l’esprit, lequel serait une sorte de coquille vide, un organe passif et inerte recevant ses informations (passivement et directement) de l’extérieur, informations que pourtant il parviendrait à reconnaître instantanément (puisqu'elles seraient soi-disant "directes"...) ; et par conséquent sans qu'une mémoire à long terme ou à court terme ne puisse l'aider dans cette tâche d'identification, puis de sélection, donc en réifiant le mythe de l'immédiateté dans l'action de perception de l'information par les sens, mythe lié à celui de l'observation directe
 
L'esprit serait donc passif et tout à coup comme réactivé ou réveillé de sa torpeur par l'information reçue tout en l'identifiant instantanément de la bonne manière, puisque cette information serait donc soi-disant "évidente"... 
 
Et quand bien même l'esprit ferait une erreur dans cette forme de recognition, alors ce ne serait le fait que des organes sensoriels provisoirement défectueux et non le fait de l'esprit lui-même qui se rendormirait aussitôt après en attendant la prochaine information, mais dans une attente passive, inerte, totalement inactive... (absurde).

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Tout cela : l’évidence comprise comme prétendue “observation directe et pure des faits”, les “sense data”, sont des absurdités. Pour le comprendre, essayons un exemple dont nous croyons en la portée générale, mais nous y reviendrons plus bas dans cet article :

Comment un individu pourrait-il dire, "c'est un cheval", s'il ne disposait, a priori, dans son système d'attentes perceptives, donc dans sa mémoire à long terme, du terme universel (ou nom commun) : "cheval" ? Lorsqu'il voit un cheval, cet individu peut-il tout à coup inventer, (dans l'intérêt de la culture et de la science), le terme qui sert à désigner ce qu'il voit, de telle sorte que ce terme soit aussi d'emblée admissible objectivement pour que d'autres personnes puissent reconnaître d'autres chevaux, bref, de telle sorte qu'il soit culturellement et immédiatement admis ? 
 
Si cet individu a dit "cheval", (et que c'est bien d'un cheval dont il s'agit, donc s'il n'a pas commis d'erreur), alors c'est que le nom commun "cheval" se trouvait déjà a priori présent dans sa mémoire à long terme, avant que l'animal qu'il a observé ne lui ait suggéré de part certaines de ses caractéristiques physiques de rappeler dans sa mémoire le terme universel "cheval" et de l'utiliser à des fins de désignation de ce qu'il a vu. 
 
Comment aurait-il pu choisir de dire "c'est un cheval" à l'exclusion de toute autre chose qu'il connaisse déjà, sans avoir opéré une sélection ? Et à quel moment et à partir de quoi une telle sélection fut-elle possible si l'observateur ne fut d'abord doté d'une mémoire et de capacité de sélection, de discrimination, a priori de l'information ? 

Comment toute opération de sélection pourrait-elle être possible sans qu'elle ne se fonde, même très rapidement, sur une hypothèse mise à l'essai, quitte à ce qu'elle soit tout aussi rapidement, (mais jamais instantanément, sinon elle pourrait être qualifiée de "directe"), jugée réfutée ou corroborée par l'esprit de l'individu ? Et, de toute façon, comment mesurerions-nous à partir d'une précision absolue, la parfaite instantanéité dans le temps entre une information reçue par rapport à son identification réussie (identification qui ne soit donc pas une erreur) puisqu'il est totalement impossible d'avoir accès à la définition d'une mesure de quoique ce soit qui puisse être parfaitement précise (absolue), ainsi que le démontre Karl Popper dans "La logique de la découverte scientifique" ? (Voir à la section 37 de l'ouvrage, intitulée : "Domaines logiques. Notes sur la théorie des mesures).
 
Par conséquent, dans tout type d’observation, aussi rapide soit-elle, la seule solution envisageable est d'admettre qu'il y a toujours une action préalable de l’esprit (quoique si l'on envisage une identité entre la conscience et le cerveau, ou une identité entre les phénomènes de la conscience et les phénomènes neuronaux, nous pourrions invoquer le système nerveux central au lieu de "l'esprit"... Et si Karl Popper, partisan du dualisme interactionniste donc d'une existence de la conscience (l'esprit) à la fois distinguable du cerveau mais en relation avec lui nous le contestait, qu'est-ce que cela changerait ? A notre avis : rien de fondamental), même si cette action peut relever d’un automatisme cognitif et donc être très rapide en donnant l’illusion de son caractère instantané. 

Et nous répéterons encore qu'à cause du problème inévitable de l'imprécision dans tout type de mesure souhaitant opérer sur les faits de la Nature, l'hypothèse même de l'observation "directe" supposant une correspondance (ou une coïncidence) parfaite dans le temps entre l'information reçue et son identification ne peut donc pas être empiriquement vérifiée (de manière absolue) puisque toute vérification (absolue) nécessite l'impossible : l'accès à la précision absolue dans les mesures. Donc, personne n'a jamais rien su à propos de "l'observation directe", ne peut rien en savoir, ni n'en saura jamais rien.. (ce qui élimine pour toujours le problème de "l'évidence" et avec elle, le positivisme logique et la méthode inductive). Notons enfin qu’il serait bien entendu non recevable de prétendre soutenir encore la notion d’évidence en arguant d’une évidence, certes imparfaitement précise, mais quand même possible, (même s’il y avait un très léger décalage dans le temps entre la réception d’une information et son identification réussie) donc d’une observation pas parfaitement « directe » mais quand même admissible en tant que telle (« directe »).


(Puisque l'évidence par observation "directe" est donc non testable empiriquement, il devient totalement et définitivement impossible que toute forme de “collection de faits” (...) ne soit toujours guidée, a priori, (prima faciae), par une théorie ou un préjugé quelconque. Il ne peut jamais y avoir d’observation “pure” des faits, (nous ne pourrions le savoir) ; il n'y en a jamais eu, (nous n'avons jamais pu le savoir) et jamais nous ne saurons s'il peut en exister une : l'évidence est donc un mythe dans la théorie de la connaissance, et c’est toujours la théorie qui guide toute forme d’observation.  

Toute observation de toute chose, est donc une hypothèse plus ou moins rapidement mise à l’épreuve. 

Il n’existe donc pas d’autre moyen (et il n’y en a jamais existé ni n’en existera jamais d’autres..) que d’évaluer, de mettre à l’épreuve les théories ; autrement dit, de les critiquer. Par conséquent, l’on démontre ensuite de manière indiscutable et définitive, que toute critique doit consister en une mise à l’épreuve nécessitant logiquement une tentative de réfutation (ou de “destruction”) de la théorie, en espérant que cette tentative échoue ou réussisse, selon les cas. Mais, dans les deux cas, (échec ou réussite, réfutation ou corroboration), il y a toujours un accroissement de la connaissance si la théorie testée comportait un élément nouveau (inédit). En somme, la seule méthode d’apprentissage pour toute créature douée d’intelligence, est la méthode hypothético-déductive de contrôle (Karl Popper) et non la méthode inductive du positivisme logique par "collection de faits" (Naomi Oreskes).).


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Karl Popper :

« Presque tout est faux dans la théorie de la connaissance du sens commun. Mais l’erreur centrale, c’est peut-être le présupposé selon lequel nous serions engagés dans ce que Dewey appelait : la quête de la certitude. C’est ce qui conduit à isoler les données, ou éléments, ou “sense data”, ou impressions des sens, ou expériences immédiates, pour en faire le fondement assuré de toute connaissance. Mais ces données ou éléments sont bien loin de jouer ce rôle : ils n’existent même pas du tout. Ce sont les inventions de philosophes optimistes, qui se sont arrangés pour les léguer aux psychologues » (Karl Popper, 1991, p. 123). Puis : « (. . . ) la théorie du sens commun est conduite à accepter un certain critère de la connaissance “donnée” (relevée ?) ; elle est conduite à invoquer les données sensibles, ou “sense-data” ; ou l’impression que donnent certaines connaissances d’être immédiates, ou directes, ou intuitives. C’est la pureté de son origine qui garantit que la connaissance est exempte d’erreur, et donc que son contenu est pur. (. . . ) L’impression de “direct” ou “d’immédiat” (...) n’est qu’apparente : ce n’est qu’un autre aspect de la régularité et de l’efficacité miraculeuses de leur fonctionnement ; en fait, ils fonctionnent plutôt d’une manière extrêmement indirecte, en ayant recours à de nombreux mécanismes de contrôle intriqués entre eux et incorporés dans le système. Il n’y a donc rien qui ressemble à une certitude absolue dans tout le champ de notre connaissance » (Karl Popper, 1991, p. 141).



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Pour qu'un langage et sa structure puissent conditionner la pensée de quelqu'un, il faut nécessairement quelqu'un d'autre pour user de ce langage, afin qu'il produise ses effets de conditionnement et de structuration, ou il faut les préjugés, les connaissances, les représentations, tous les « a priori » de l’esprit du sujet.

Donc, il faut que quelqu'un, une personne, soit active, avec obligatoirement, ses préjugés, ses a priori, pour être réceptif aux possibles effets de conditionnement et de structuration du langage sur ses pensées. Pourquoi ?

Parce que l'esprit humain n'est pas un seau vide qui se remplirait passivement avec un langage ou toute autre chose théorique. La connaissance ou même les faits du monde extérieur ne "tombent pas dans l'esprit" comme si ce dernier n'était qu'un seau vide et passif. (Karl Popper, in : "La connaissance objective". La théorie du sens commun et de l'esprit seau). Il n'y a pas d'observation qui soit "pure des faits", (K. Popper ; ibid.), c'est-à-dire, qui ne soit d'emblée entachée des théories et des préjugés a priori de celui qui observe. (Karl Popper).

Sans notre esprit, les connaissances a priori et tous les préjugés qu'il contient, nos yeux sont aveugles, et nos oreilles sont sourdes, (nous pouvons, certes, voir et entendre des "choses"(...), mais ces "choses", n'ont aucun sens pour nous sans le fonctionnement a priori de notre esprit qui permet de formuler des hypothèses et de les mettre très rapidement à l'épreuve du réel).

Pour apprendre, pour observer, pour comprendre, nous devons être actifs, et toute observation a la valeur d’une hypothèse. (K. Popper ; ibid.). Toute prétendue « réception » passive, est en fait une action de l’esprit qui fonctionne comme une hypothèse. (Il n'y a pas de "réception passive" de l'information extérieure).

Par conséquent quelqu’un qui écoute ou qui lit un langage, qui utilise le langage, met avant tout en jeu son esprit et ses apriori, etc., pour être réceptif aux effets de ce langage. L’individu est donc premier.

L'observation ou l'écoute ne peuvent être "pures" et premières dans l'acte de connaissance et d'appréhension de l'environnement du sujet ; ce sont, la théorie, l'opinion, le préjugé, qui sont toujours "premiers" et qui guident donc toujours a priori l'observation et l'écoute ; ces a priori sont autant de questions ayant valeur d'hypothèses sur le réel. Il n'y a pas d'expérience (...) qui ne soit d’abord guidée par une théorie quelconque. Aucune prétendue "expérience" n'est réalisable ex nihilo, (à partir de rien) : notre esprit ne sait rien saisir du monde qui l'entoure sans "quelque chose" pour saisir "autre chose" (...) : il n'appréhende rien, à partir de rien.

Personne ne peut ni n’a jamais pu recevoir passivement aucun langage : ce qui tombe dans les oreilles de quelqu'un ou sous ses yeux, précisément, ne "tombe" jamais, "sous le sens". Il n'y a tout simplement rien qui "tombe sous nos sens" et de façon "évidente" et "pure". Il n'y a pas cette croquignolesque "chute" des informations essentielles à notre connaissance, qui seraient ainsi "saupoudrées" au-dessus de nos esprits par Dieu sait qui, à quel endroit, et à quel moment, comme ça, sans crier "gare" !?

Nous pouvons, certes, saisir une information qui apparaît de manière fortuite à nos organes réceptifs, mais lors de cette action très brève qui consiste à saisir l'information, il y a toujours l'action préalable, et souvent très rapide de notre cognition, qu'elle soit consciente, ou inconsciente.

Si l'on présente un objet très rapidement et par surprise devant les yeux d'un individu, celui-ci n'a pas beaucoup de possibilités : soit il reconnaît l'objet sans se tromper, (et il ne peut le reconnaître que parce que sa cognition aura très rapidement testé avec efficacité une hypothèse d'observation) ; soit il reconnaît un objet, mais il se trompe, (sa cognition aura donc très rapidement testé une hypothèse laquelle aura été réfutée, s'il reconnaît ensuite s'être trompé) ; soit il peut dire "objet inconnu" ; ou soit il peut tout simplement ne rien dire, et rester bouche bée, parce que sa cognition n'aura pas eu le temps de formuler une hypothèse d'observation quelconque.

Notre esprit opère donc toujours une sélection à partir de certains de ses préjugés, mais avant tout, cette sélection est de prime abord une hypothèse quant à la réception à faire sur ce qui est donc jugé être une "information".

Cette sélection est donc une véritable action de l'esprit et n'est pas, bien entendu, un processus "passif". Mais, que voulez-vous : pendant que certains s'échinent à faire comprendre que pour apprendre il faut être actif, d'autres en sont encore à convoquer le marchand de sable, allez donc savoir pourquoi ...

Les multiples opérations de sélection de l'esprit dont nous parlons, comment sont-elles possibles ?
 
Elles sont possibles, comme l'on s'en doute, grâce à nos mémoires. Et, en particulier, grâce à ce que le Prix Nobel de médecine, Eric Kandel, appelle la "mémoire implicite", forme de mémoire à long terme. Si notre mémoire est bien organisée, elle est parvenue à classifier les objets et les informations qu'elle a pu retenir. Et ces classifications ont été elles-mêmes possibles grâce à des critères généraux, eux-mêmes devenus de plus en plus riches en contenu et performants dans leurs fonctions.

C'est donc à partir d'un certain contenu de la mémoire, classifié de façon spécifique, qu'est possible l'identification et la sélection parmi tout autre type d'informations, d'un certain contenu, spécifique, d'information. Cette mémoire peut ainsi constituer ce que Karl Popper nomme notre “système d’attentes perceptives”. (K. Popper. “La connaissance objective”).

L'esprit ne peut appréhender "tout et n'importe quoi" ; il est bien obligé d'opérer une sélection, laquelle est impossible sans tous les a priori cognitifs qui sont le contenu même de la mémoire humaine.

Le filtre de notre esprit, de nos préjugés est toujours actif, a priori, pour qu'une observation ou une écoute qui ait du sens soit seulement possible ; et ensuite pour qu'elle soit jugée conforme ou non à certains de nos préjugés, donc vraie ou fausse, ou même "évidente". Et il n'existe donc pas davantage d'évidence qui soit "pure" ou "parfaite", puisque, comme nous venons de le voir, elle ne peut être forgée que par une hypothèse d'observation a priori et mise à l'essai, qui a seulement été plus ou moins rapidement jugée conforme à une évaluation particulière des faits qu'elle seule a pu justement permettre, en ayant été construite sur la base de certains de nos préjugés ou autres "attentes perceptives" (K. Popper).

L'on pourrait donc résumer les choses ainsi : puisque toute observation est une "mise à l'essai" sélective grâce au filtre de l'esprit (...), aucune observation n'est donc "évidente" (ou "directe") : il n’y a donc jamais “d’évidence”.

Notons, au passage, que la notion "d'évidence" est bannie par les psychanalystes dès qu'il est question pour leurs patients de revendiquer la vérité de leurs contenus conscients, de leur libre-arbitre, au profit de l'injonction de se soumettre, (via la suggestion, et tout autre procédé de manipulation mentale, d'endoctrinement, et de soumission), à la prétendue "évidence" que ces contenus conscients ne seraient que les produits sine qua non (...) d'autres "produits" inconscients ; tout en étant obligés d'admettre que rien n'est moins évident que cet "inconscient", puisqu'il nécessite, selon eux, toujours l'intervention d'un analyste pour être "mis en évidence" à la conscience du sujet ! Toutefois, tout sentiment "d'évidence" reçu comme une approbation, ou plutôt une soumission d'un analysant aux soi-disant "vérités" de l'interprétation psychanalytique, est bien entendu, toujours le bien venu...

Comme l'on s'en rend compte, tout cela n'est que procédure d'authentiques charlatans, puisqu'un charlatan ne souhaite à aucun prix que ce qu'il vous cache de faux ou d'infondé ou d'inexistant soit "évident" ; mais au contraire qu'il vous soit "évident" que sa présentation de la "vérité" ou de ce qu'il souhaite vous vendre ne souffre par la moindre suspicion quant à vos impressions d'évidence inculquées que c'est "vrai".

Pour ce faire, le charlatan, tout comme le psychanalyste, sont donc toujours obligés de se livrer à des interprétations présentées habilement comme d'authentiques explications ou démonstrations de la vérité, en sachant fort bien que le mode interprétatif offre, en particulier dans le cas de la psychanalyse et de "l'inconscient", toute latitude pour user du verbe, de la rhétorique, etc., pour maquiller, déformer, inventer, masquer, éluder, etc., la vérité qu'il faut cacher, ou des faits de "l'inconscient", qui n'existent tout simplement pas...


En somme, en psychanalyse, l'usage obligatoire et exclusif de l'interprétation constitue une preuve tangible du charlatanisme de l'analyste, compte tenu de "l'objet" de l'interprétation et de sa nature si spécifique : "l'inconscient". Autrement dit, ce qui démontre que les psychanalystes ne peuvent être rien d'autre que des charlatans est précisément le fait qu'ils soient rigoureusement obligés d'avoir recours à l'interprétation, et uniquement à cela, quoiqu'ils pourraient prétendre. Cependant, il en est tout autrement dans les interprétations de niveau scientifique.

La notion "d'évidence", en psychanalyse, n'est donc qu'une imposture, mais elle est idéale à l'usage des charlatans et des imposteurs. Et, comme nous l'avons souligné, les psychanalystes sont des charlatans et aussi des imposteurs permanents.

S'il fallait encore en rajouter, nous dirions maintenant que le recours à cette notion "d'évidence" est aussi particulièrement favorable à la sollicitation d'un mode de pensée erronée chez le sujet : il s'agit encore et toujours du mode inductif, lequel permet de solliciter à son tour, celui du "sens", des "sense data", et de façon plus indirecte l'usage délirant de la "méthode symbolique". L'évidence, les sense data, la théorie de l'induction, le symbolisme, tout cela appartient, disons, à la même "famille". Mais c'est une "famille" d'erreurs sur le plan intellectuel, tout autant que d'impasses, un univers du rien, du délire, tout comme la psychanalyse, ses théories, sa pratique, et ses praticiens.

Mais qui pourrait prétendre à la perfection dans ce qui relève de l'observation de la Nature ? En toute logique : personne.

En somme, l'évidence est une illusion de perfection liée à une autre illusion : la possibilité d'une observation prétendument "directe" de la Nature, Nature humaine comprise, laquelle serait indépendante ou "purifiée" de tout risque d'imperfection et d'imprécision lié à la nécessaire évaluation de conformité des faits avec nos "observations-hypothèses" issues de nos préjugés a priori lesquels permettent de les construire : l'observation "directe" pourrait ainsi se passer du filtre de notre esprit (?!), et serait la voie la plus assurée et la plus "pure", parce que soi-disant "directe" vers la connaissance..? ; et nous ne sommes même pas dotés des pouvoirs de mesure et de perception pour savoir si cela peut exister !..

Il n'y a donc pas de prétendues "sense data", comme le croyaient les philosophes du positivisme logique du Cercle de Vienne, pas plus qu'il n'y a, stricto sensu, d'évidence ; mais toujours l'apriori de la théorie, du préjugé, pour saisir le monde.

L'être humain est par conséquent un perpétuel expérimentateur, dans chacune de ses pensées et de ses observations, qu'elles soient orientées sur son environnement ou sur lui-même. Le contenu de ses expériences est toujours hypothétique et sujet à l'erreur, car l'infaillibilité, si l'on peut admettre qu'elle relève du divin ou du dogme, ne peut être "le propre de l'homme" !

Cependant, il n'est ni condamné par un tel statut de "perpétuel expérimentateur", ni par son faillibilisme "en nature" ; ce statut est au contraire la seule potentialité méthodologique dont il dispose, et ses erreurs les seules ressources également disponibles qui lui permettent d'apprendre.
 
Ce sont la croyance en la possibilité d'acquérir la certitude ou de défendre des connaissances qu'il croit certaines qui peuvent le conduire à s'égarer dans la quête stérile d'une prétendue vérité qui serait soi-disant obtenue en ressassant toujours sur le sens des mots, plutôt que dans leur rapport réel avec les faits, s'il continuait de penser, à tort, que le "sens" peut être assimilable à ses "sensations" ou des "sense data", et que ces dernières pourraient être "directes" et "pures" donc certaines.

Tout cela pour dire, qu'aucun langage, aucune langue, aucun texte, aucun écrit, et aucun mot, ne "parle", ne "conditionne" ou "n'agit" de lui-même, indépendamment de l’action de l'individu. Par "action", l'on peut par conséquent entendre celle de son esprit à formuler des hypothèses, grâce aux préjugés et aux opinions plus ou moins conscientes que l'individu met sans arrêt à l'épreuve du réel.
 
Les mots, les phrases, les textes, ne peuvent jamais « prendre la parole » ou divulguer le sens qu’ils contiennent sans un individu ; ils ne peuvent rien suggérer d’eux-mêmes sans l’esprit d’un individu dont les opérations cognitives indiquent comment doit être réalisée la suggestion et quel pourrait être son contenu.

Emmanuel Kant écrivait avec raison : "Nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes". Là où il avait tort, c’était de penser que la connaissance pouvait être valide a priori. La solution de Karl Popper a été de proposer, que certes, nous ne pouvons connaître sans a priori, mais que tout ce qui est a priori, ne peut l'être qu'à titre d'hypothèse. Dans le cas contraire, (comme par exemple avec la psychanalyse), l'on emprunte un chemin diamétralement opposé à la pensée scientifique, et même à la Raison, puisque l'on verse vers l'apriorisme, donc la pensée magique, tribale, sectaire ; et enfin, le dogmatisme, et l'obscurantisme. (Cf., in Jacques Bouveresse, "Philosophie, mythologie et pseudo-science. Wittgenstein lecteur de Freud. Ed. L'Eclat, Paris, 1991).
 
(Je reviens encore une fois sur le langage et ses "effets" : il n'y a jamais eu, il n'y a pas, et il n'y aura jamais de langage, ou d'écrit qui puisse avoir des "effets" sur l’individu, en toute autonomie, et sans l'individu, et l'apriori de son esprit, de toutes les connaissances, etc. qu'il contient.).

Pour conclure, la situation logique de tout langage par rapport à l'être humain est identique à celle de la société : les deux ne peuvent être des abstractions détachées des individus, sinon, elles sont creuses, inactives, inopérantes, car, je le répète, avec Ludwig von Mises : "Seul l'individu pense, seul l’individu raisonne, seul l'individu agit". Les mots, (comme la société...), ne pensent, ni ne raisonnent, ni n'agissent jamais seuls.

(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).


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