vendredi 26 décembre 2014

Jacques BOUVERESSE : comment Karl KRAUS est devenu un récalcitrant éclairé.






"(...) Pour comprendre les réticences de Wittgenstein à l'égard de la psychanalyse, il est bon de se souvenir que Freud et ses disciples avaient déjà donné quelques exemples remarquables, qu'il connaissait probablement, de ce qui peut certainement être considéré au minimum comme un manque de sagesse tout à fait caractéristique, dans leur façon d'utiliser sans la moindre gêne les méthodes de la nouvelle science de l'âme pour l'analyse d'un certain nombre de "cas" exemplaires d'écrivains et d'artistes du passé et même quelquefois du présent immédiat. Kraus, qui avait bénéficié lui-même d'un traitement de ce genre dans une séance du 12 janvier 1910, une opération que Thomas Szasz qualifie de "psycho-assassinat" perpétré par Wittels" (avec la complicité au moins passive de Freud), avait réagi à ce genre de "psychanal" (Psychoanale), retournant ainsi au psychanalyste, à travers un jeu de mots assassin, le genre de politesse qu'il exerce à l'égard de choses qui le dépassent. Ce qui a déclenché la révolte de Kraus et pour finir consommé sa rupture avec la psychanalyse semble avoir été essentiellement l'application inconsidérée et quelquefois franchement absurde de la technique de diagnostics aussi prétentieux que hasardeux à propos de créateurs qui auraient dû, selon lui, inspirer un peu plus de respect, ne serait-ce qu'en raison de l'incapacité dans laquelle se trouvent ceux qui sont morts d'opposer la moindre résistance à ce genre d'intrusion et de violence. Dans "Psychologie non autorisée" (1913), Kraus constate que les psychanalystes ne laissent, en fait, aucune échappatoire à leurs victimes, mortes ou vivantes).


(In : Jacques BOUVERESSE  "Mythologie, philosophie et pseudo-sciences, Wittgenstein lecteur de Freud". Éditions l'Éclat, Paris, 1991, page : 27).




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Commentaires :

Le mépris de toute forme de code de déontologie, du moment que "l'intérêt de la théorie" l'exige. L'intérêt, c'est-à-dire sa mainmise idéologique sur la société, et sur tous les sujets qui la composent, qu'ils soient morts ou vivants! Ainsi, la mentalité totalitaire de cette doctrine, s'étend même post mortem, niant le droit au "repos éternel" de toute créature humaine!... Faut-il rire de ces intentions totalitaires, tellement elles sont jusqu'au-boutistes, ou faut-il les mépriser ? Impossible de s'en sortir : l'ironie contre la psychanalyse, ou le mépris, ou tout autre jugement dirigé contre elle, est ... "psychanalysable" en faveur de la théorie! Alors, faut-il se taire ? Non plus! Le silence, lui aussi, est "psychanalysable". Ah, voici la solution, l'unique solution, en réalité : se plier, se soumettre à répéter  et  propager les incantations freudiennes ou lacaniennes, et se faire un big brother de son prochain, afin, le cas échéant, de "l'interpréter" jusqu'à ce qu'il s'énerve, pour que, belle aubaine (...), son énervement puisse être interprété comme un "symptôme"!

Pour un psychanalyste, pas de libre-arbitre. Celui qui y croît, hop! Psychanalysé! Celui qui résiste, et qui dit "non, je ne veux pas de vous", "psychanalysé". Ces gens-là, sont-ils dingues ?..



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Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.

Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".

Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.

Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :

"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".

Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".

Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".

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