Contre la pluralité de la méthode, Karl Popper soutient, que toutes les sciences sont obligées, d'un point de vue logique, de progresser par « conjectures et réfutations », en soumettant sans cesse leurs meilleures théories corroborées à de nouveaux tests inédits.
« Toutes les sciences théoriques ou généralisantes (...) font usage de la même méthode » [1].
Cependant, Popper « ne prétends pas qu'il n'y ait aucune différence d'aucune sorte entre les méthodes des sciences théoriques de la nature et celles de la société (...) mais que les méthodes dans les deux domaines sont fondamentalement les mêmes. » [2]
L'argument essentiel de Popper, à l'appui de sa thèse, tient à ce qu'aucune observation d'aucun phénomène et/ou d'aucun problème quel qu'il soit, et dans quelque domaine que ce soit, n'est possible, sans la possession, apriori, de termes et d'énoncés universels au sens strict [3].
Tous les organismes vivants, seraient, (« de l'amibe à Einstein », écrit-il dans « La Connaissance objective »), obligés de faire des essais de solution à leurs problèmes et de les soumettre à des tests plus ou moins complexes. De ce fait toute connaissance est le fruit de la même et unique méthode par « conjectures et réfutations », ou, plus simplement, par essai et correction progressive de l'erreur. Toutefois, reconnaît Popper, il y a une différence fondamentale entre l'amibe et Einstein, c'est que l'« amibe fuit devant la falsification (réfutation) : son attente constitue une partie d'elle-même » [4], elle court donc le risque d'être anéantie par la réfutation de l'hypothèse. Alors qu'Einstein, explique Popper, « objective son hypothèse. (...). Elle représente quelque chose d'extérieur à lui : le scientifique peut anéantir son hypothèse par sa critique sans disparaître avec elle » [5].
Karl Popper, qui considérait que l'étude de la méthode scientifique, n'était qu'un cas particulier de la philosophie de la connaissance, pensait donc que « toute vie est résolution de problème » [6], et que l'apprentissage, donc aussi l'acquisition de la connaissance objective, s'agissant de la formation de la Science, nécessitait la formulation d'hypothèses sur la solution des problèmes, hypothèses qui ne pouvaient éviter d'être soumises à des tests pour en être renseigné sur leur valeur informative. Selon ce philosophe, qui croyait en l'intelligence animale, compte tenu de l'observation des comportements de certaines espèces (comme l'enseignement-apprentissage de l'échouage volontaire chez les orques pour chasser le phoque, ou les techniques complexes de chasse du Martin-pêcheur adaptées en fonction des difficultés), quiconque veut apprendre et établir un loi générale, doit donc en passer par une mise à l'épreuve de ses « attentes théoriques » voire de certains préjugés.
Par ailleurs, dans son livre, « Conjectures et réfutations », Popper souligne que la science est aussi tradition, en ce que les hommes ne peuvent véritablement s'engager sur la voie d'un véritable travail scientifique qu'en reprenant, de manière critique et intersubjectivement contrôlée, les tests de leurs prédécesseurs, en essayant d'imaginer de nouveaux tests sur la base d'éléments inédits. Il est donc impensable que les scientifiques puissent travailler de façon totalement isolée et subjective, ils doivent, selon Popper, et dans tous les cas possibles, constamment soumettre les théories qui leur sont les plus chères au risque d'une falsification (ou réfutation) empirique réalisée par d'autres.
Par conséquent, le rationalisme critique, est la cheville ouvrière de toutes les sciences. Il s'actualise concrètement dans l'existence des laboratoires, des tests intersubjectifs qui y sont réalisés, dans la remise en question constante de ces tests grâce à la discussion critique entre les scientifiques (séminaires, conférences, publications, etc.), et par des institutions qui, favorisées par les systèmes démocratiques, permettent leur échange et leur divulgation dans le monde, créant ainsi ce que l'on nomme couramment la « communauté scientifique ».
Karl Popper ne peut imaginer que les scientifiques puissent faire évoluer leurs théories sans avoir recours à des tests dont la qualité fondamentale est d'être reproductibles de manière intersubjective, à condition bien sûr, que cette intersubjectivité soit elle-même organisée et contrôlée par des institutions (la prétendue intersubjectivité dont nous parlent dernièrement des psychanalystes comme Roland Gori, et qui aurait lieu au cours de l'analyse, situation privilégiée de recherche scientifique, selon eux, en psychanalyse, comme le pense Daniel Widlöcher, n'est donc que fort éloignée, sinon diamétralement opposée avec la conception de l'intersubjectivité qu'a toujours défendue Karl Popper). Parce que les théories de la science, si elles sont générales donc objectives, ne peuvent jamais être autre chose que des énoncés universels stricts, lesquels sont tous logiquement réfutables et invérifiables donc incertains [7]. C'est-à-dire des énoncés dont il est nécessaire d'en réévaluer sans cesse le contenu par des tests, suite aux problèmes nouveaux qui surgissent inévitablement des plus récentes réfutations, et aussi des nouvelles corroborations, qui, elles mêmes, concourent directement à l'accumulation du savoir scientifique, laquelle est, pour Popper, le résultat, et non la méthode de la science.
Références bibliographiques :
[1] Karl Popper. « Misère de l'historicisme ». Edition Agora Presse Pocket, Paris, 1988, section 29 : « L'unité de la méthode », pages 164 (et suivantes).
[2] Karl Popper. « Misère de l'historicisme ». Edition Agora Presse Pocket, Paris, 1988, section 29 : « L'unité de la méthode », pages 164 - 165.
[3] Karl Popper. « La logique de la découverte scientifique ». Edition Payot, 1979. Chapitre 3 : « Les théories », Pages 57 à 74.
[4] Karl Popper. « Toute vie est résolution de problèmes. Questions autour de la connaissance de la nature ». Edition Actes Sud. Paris 1997. Tome 1. Page 25.
[5] Karl Popper. « Toute vie est résolution de problèmes. Questions autour de la connaissance de la nature ». Edition Actes Sud. Paris 1997. Tome 1. Page 25.
[6] Karl Popper. « Toute vie est résolution de problèmes. Questions autour de la connaissance de la nature ». Edition Actes Sud. Paris 1997. Tome 1.
[7] Karl Popper. « La logique de la découverte scientifique. Edition Payot, 1979. Chapitre 3 : les théories ». Pages 57 à 74.
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