vendredi 26 décembre 2014

Renée BOUVERESSE-QUILLIOT. Sur l'introspection.





« (...) L'autre postulat pratique que la psychanalyse a beaucoup contribué à diffuser est celui selon lequel on ne peut résoudre les difficultés de l'existence si l'on n'a pas commencé par faire l'effort de se découvrir et de se comprendre soi-même. C'est là un préjugé qui tend à faire oublier cette évidence que dans la majorité des cas la solution de nos problèmes passe par une transformation réelle des situations dans lesquelles nous sommes placés, et que cette transformation ne peut s'obtenir que par l'action. L'auto-analyse, utile dans certains cas particuliers, peut être dans d'autres cas superflue ou même démobilisatrice, quand elle ne devient pas dans certaines circonstances source de difficultés psychologiques spécifiques : il y a des hommes qui souffrent de trop se regarder, et qui cherchent en vain évidemment, à échapper à cette souffrance par un surcroît de conscience. Le rêve d'une connaissance de soi garantissant le succès dans l'existence semble bien être un rêve idéaliste et naïf, inspiré par le désir d'éviter certains risques vitaux qu'il paraît pourtant nécessaire à tout homme d'assumer.» 


(In : Renée BOUVERESSE-QUILLIOT, "Les critiques de la psychanalyse", éditions Que sais-je ?, n° 2620, page : 86)




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Commentaires :

Si, d'une part, c'est par l'introspection de son propre inconscient psychique, guidée par un sherpa psychanalytique, que l'on dénouerait les liens inconscients et refoulés qui nous empêchent de vivre (comme aiment à l'ânonner les analystes et ceux pour qui ça a marché), et si, d'autre part, il est tout à fait rationnel de critiquer la psychanalyse dans ce rêve idéaliste et naïf d'une connaissance si profonde de soi-même, on peut aussi demander aux analystes de comprendre ce qui les poussent à croire à un tel rêve idéaliste et naïf lequel est justement au fondement de leur théorie!

Ainsi, l'argument de l'inconscient se retourne exactement contre lui-même : l'inconscient tel que l'a conçu Freud dévore la psychanalyse avant même qu'elle n'ait pu naître! Est-ce possible ? Bien sûr que non (d'une certaine façon), nous voulons dire, en jouant, certes, sur une ambiguïté, qu'il n'est pas possible pour une théorie d'être réfutée sans d'abord avoir pu vraiment proposer un contenu qui puisse l'être. Et bien sûr que oui : la théorie de l'inconscient de la psychanalyse est sans aucun fondement, car elle n'offre aucune pierre de touche testable qui puisse nous permettre de fonder une croyance, soit en sa fausseté, soit en sa proximité à la Vérité.

Il n'est donc pas possible que la psychanalyse ait pu seulement exister avec cette théorie de l'inconscient, c'est-à-dire, en étant réellement capable d'être dotée de pouvoirs descriptifs, explicatifs et prédictifs qui soient testables, donc réels. Ce qui se passe donc, comme nous l'avons si souvent martelé sur ce blog, c'est que la psychanalyse est un projet qui échoue, par nature, avant même d'avoir pu commencer.

Lorsque l'on cherche en soi des refoulés freudiens, on ne risque pas de ne pas trouver ce que l'on cherche. Si je veux chercher en moi des conflits jungiens, je suis sûrs d'en trouver. Tous les faits que j'observe en moi, et qui ne sont lus qu'à la lumière de la théorie qui me permet justement de les relever, ne pouvaient donc m'être étrangers dès le départ. Si donc les freudiens peuvent toujours trouver ce qu'ils cherchent dans les pensées de tout individu et qui soit conforme à leur théorie, c'est donc que leur théorie n'a aucune valeur prospective (donc aussi prédictive, descriptive et explicative), elle n'est qu'une illusion.




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