lundi 25 novembre 2019

Naomi ORESKES et sa conception relativiste et inductiviste (donc dangereuse et erronée) de la science, au profit du GIEC.







*



Résumé : 

Le but de Naomi Oreskes consiste à immuniser le "consensus" actuel sur les causes du réchauffement climatique prôné par le GIEC de tout risque de réfutation par de nouveaux tests, en croyant principalement pouvoir exclure la méthode hypothético-déductive de contrôle, donc la méthode par réfutation scientifique de Karl Popper et lui substituer la méthode du positivisme logique opérant par induction donc par la "collections des faits" (N. Oreskes). La position de Naomi Oreskes, malgré les apparences qu'elle tente de présenter maladroitement ou de manière foncièrement contradictoire, est une défense d'une conception complètement dépassée du travail de la science, mais aussi une défense des plus dangereuse du relativisme, du dogmatisme, et demeure pseudo-scientifique. C’est sous le masque d’une promotion apparemment valide mais fausse du travail collégial inhérent à toute science, quelle tente au contraire d’en diffuser une représentation à ce propos idéologique en entretenant une confusion sur le rôle que doit jouer l’usage du rationalisme critique par l’intermédiaire d’un déni inadmissible et même grotesque que cette forme de rationalisme fut toujours le cheval de bataille de Karl Popper lequel argumenta toute sa vie que de manière sine qua non tout travail scientifique devait être collectif, mais sur la base de tests indépendants et intersubjectivement contrôlés plutôt que sur celle de collections de faits. En fin de compte, Naomi Oreskes nous semble souhaiter que l'épistémologie devienne une idéologie entièrement conforme et soumise aux besoins du consensus promu par le GIEC autour des causes des changements climatiques, afin que toute critique, tous les opposants à ce consensus soient réduits au silence, ce qui est naturellement antinomique avec la pensée scientifique et l'évolution normale de toutes les sciences dignes de ce nom ; pensée et évolution qui exigent logiquement ce que Popper nommait le “scepticisme dynamique”, donc une controverse des théories scientifiques qui soit sans cesse réactivée par des "tests toujours renouvelés et toujours affinés", théories qui ne puissent être soi-disant "justifiées" ou "vérifiées" par des "collections de faits". (K. Popper ; "La logique de la découverte scientifique". Editions Payot, Paris 1973, page : 237).

*           *


Dans cet article nous reprendrons, point par point, certains des arguments développés par Naomi Oreskes, géophysicienne reconvertie dans l’histoire des sciences à l’université de Harvard et auteur d’un livre intitulé : “Why trust science ?”. Ed. Princeton Universtiy Press, 2019, dans le numéro 554 de décembre 2019 de la revue française “La Recherche”.
 
 
*

Sur la prétendue "collections des faits" comme méthode de la science, répondons tout de suite à Naomi Oreskes en citant Friedrich A. Von Hayek, (puisqu'elle semble ne pas aimer Karl Popper...) :

"(...) L'idée fausse que la science est simplement la compilation de faits observés a conduit à cantonner la recherche dans le constat de ce qui est. Alors que la valeur principale de toute science est de nous dire quelles conséquences découleraient de situations en partie différentes de ce qu'elles sont". (In : Friedrich A. Von Hayek. "Droits, législation et liberté". Tome 1 : "Règles et ordres". Editions PUF, Quadrige, Paris, octobre 1995, page : 19).

Sur la soi-disant valeur incontestable d'un consensus scientifique à propos des causes des changements climatiques contre lequel il serait "criminel" de s'opposer ou d'être "sceptique" : 

"Le désir de s'instruire fut frustré aussi longtemps que les idées dominantes restèrent obligatoires pour tous. Les croyances et l'éthique de la majorité barraient la route à tout novateur. Mais, dès que la liberté industrielle eut ouvert la voie au libre usage des connaissances nouvelles, dès que tout homme capable de courir un risque eut reçu la possibilité de tenter n'importe quelle expérience, souvent à l'insu des autorités chargées de surveiller l'enseignement, alors, et alors seulement la science put faire les immenses progrès qui, au cours des cent cinquante dernières années, ont changé la face de l'univers". (In : Friedrich A. Von Hayek. "La route de servitude". Editions PUF, Quadrige, Paris, mai 1993, page : 19).


*


A la lecture détaillée et in extenso de cet article, pages 5 - 8 de la revue citée précédemment, nous avons relevé quelques uns des traits caractéristiques de la méthode de la désinformation du public. Cette méthode consiste notamment à mêler plus ou moins habilement et de manière séduisante par l’usage d’exemples apparemment autant percutants que pertinents, des affirmations vraies avec les contre-vérités les plus grossières, sinon même les plus grotesques.


De toute évidence, cette scientifique soutient l’idéologie dominante autour du consensus dit “scientifique” promu par le GIEC concernant les causes du réchauffement climatique. Sans aucun doute informée et consciente de la montée des avis sceptiques et opposés au dogmatisme du GIEC, Naomi Oreskes, semble avoir choisi une autre tactique que celle du terrorisme intellectuel ou la méthode de la psychiatrisation (ou de la criminalisation) des critiques de ce consensus soi-disant “scientifique". En fait de "consensus", il s'agit plutôt d'une doxa idéologique contrôlée par une organisation politique : le GIEC qui applique une forme de sélection puis de censure de la connaissance scientifique en matière de climatologie.


La méthode de Naomi Oreskes, comme nous allons le constater, consiste, ni plus ni moins qu’en une tentative de remise à la mode du positivisme logique et une défense plus ou moins voilée du relativisme comme fondements essentiels et réalistes de la méthode scientifique.


Par ailleurs, elle enfourche également le même cheval de bataille qui n’a jamais cessé de se briser les jambes ou de s’essouffler avant la fin de son parcours, - comme nous le démontrerons -, c’est-à-dire ce que défendent depuis toujours les promoteurs des pseudosciences : l’épistémologie de Popper, son critère de démarcation, autrement dit, la réfutabilité scientifique ne seraient pas applicables dans le travail réel du scientifique, et plus étonnant encore : la méthode hypothético-déductive de contrôle serait non valide d’un point de vue épistémologique !


Ce sont-là de très graves contre-vérités, des affirmations d’un tel niveau de fausseté que l’on a toutes les peines du monde à s’abstenir de suspecter, soit une volonté délibérée de tromper le public, de mentir, soit d’ancrer dans l’esprit des lecteurs qu’une méthode statistique inductiviste est valide pour “faire science” en climatologie scientifique, (ou dans toutes les sciences).


En d’autres termes ce que prétend pouvoir défendre Naomi Oreskes, est que la climatologie peut se dire “scientifique”, même s’il existe des arguments absolument imparables développés depuis longtemps par Karl Popper, contre la méthode inductive, en faveur de l’unité de la méthode scientifique hypothético-déductive, et contre le relativisme, sur lequel Karl Popper n’a pas tari d’arguments indiscutables pour le présenter comme l’une des plus grandes menaces de l’activité scientifique.


*


Il s’agit donc, d’une interview de Naomi Oreskes dans ce numéro de “La Recherche”.


Nous numéroterons les questions, non en fonction de leur ordre posé dans la revue, mais en fonction de celles que nous avons choisies :


Question posée (page 6) :


1.“Quelles idées fausses nous faisons-nous sur ce qu’est la science ?”


Réponse de N.O. :


“La principale idée fausse consiste à invoquer “la méthode  scientifique” au singulier. (...) Si l’on constate l’histoire des sciences, on constate qu’il y a toute une variété de méthodes”.


Notre réponse :


Le critère de démarcation de Popper pose problème non pas parce qu'il serait difficile ou impossible à appliquer, mais parce que tout objet de recherche ne se prête pas nécessairement à des investigations authentiquement scientifiques. (Il est illusoire de vouloir être scientifique, là où l'on ne peut l'être).


Sur la base d'arguments logiques, il soutient par ailleurs une « unité de la méthode scientifique », laquelle implique que cette méthode  serait fondamentalement identique quel que soit le projet dans lequel s'insèrent des objectifs de scientificité. En effet, Karl Popper « ne prétend pas qu'il n'y ait aucune différence d'aucune sorte entre les méthodes des sciences théoriques de la nature et celles de la société (...) mais que les méthodes dans les deux domaines sont fondamentalement les mêmes. ».


Les arguments de Popper pour soutenir sa thèse épistémologique sont eux-mêmes dépendants de ses thèses en philosophie de la connaissance car il a toujours défendu l'idée que les problèmes relatifs à l'épistémologie et à la méthode scientifique n'en étaient que des « cas particuliers ».


En conséquence, cette « unité de la méthode scientifique » dont parle Karl Popper repose sur les arguments suivants :


· il ne peut absolument pas y avoir d'observation qui soit « pure des faits », (dans aucun domaine, qu'il soit scientifique ou non) ; c'est-à-dire où l'apriori de la théorie, du préjugé, ou de la conjecture ne guide toujours consciemment ou inconsciemment le chercheur ou l'individu dans ses observations sur le monde réel. Il s'oppose, (par ce principe du primat de la théorie sur l'observation), à la notion de "données de sens" ou de "sense data", chère aux philosophes positivistes du Cercle de Vienne. Dans son livre "La poursuite de la Vérité", le grand logicien Willard Van Orman Quine aborde le premier chapitre de son ouvrage en affirmant que : "partant des impacts sur nos surfaces sensorielles, nous avons fait jaillir par notre création collective et cumulative, au fil des générations, notre théorie systématique du monde extérieur".


· cependant, Quine souligne page 35, que : "L'épistémologie traditionnelle cherchait dans l'expérience sensorielle un fondement capable d'impliquer nos théories sur le monde, ou au moins de les doter d'un surcroît de probabilité. Sir Karl Popper a longuement souligné, au contraire, que l'observation sert seulement à réfuter les théories et non à les étayer. Nous venons de voir schématiquement pourquoi il en va bien ainsi".


· ce sont donc toujours les théories qu'il faut pouvoir évaluer dès qu'elles prétendent décrire, expliquer, ou prédire des phénomènes ou des occurrences, et il faut que ces théories, ces préjugés, conjectures, etc. soient formulées pour se prêter à des évaluations scientifiques, lesquelles consistent toujours en des tests indépendants qui soient non seulement contrôlables mais aussi répétables de manière intersubjective ; afin de garantir au mieux le côté non accidentel et impersonnel de la connaissance scientifique (parce que l'une des tâches du rationalisme critique appliqué à l'activité scientifique consiste justement à pouvoir sans cesse mettre en doute la valeur impersonnelle des procédures et des résultats qui prétendent être « scientifiques »). La logique de la découverte scientifique de Karl Popper tente donc d'éliminer au maximum le subjectivisme, le psychologisme, et par suite toute possibilité de « science privée », quoiqu'elle ne fut jamais défendue comme un ensemble de prescriptions, mais seulement des indications.


· toutes les théories générales (et en particulier celle dites « scientifiques ») ont nécessairement et quelle que soit la nature des ambitions ou des projets scientifiques qui y sont affiliés, la forme logique d'énoncés universels au sens strict, ou d'« énoncés à propos de tous » (tous les cas passés, présents, et futurs susceptibles d'entrer dans la base empirique de ces énoncés).


· ces énoncés ne peuvent donc être limités dans le temps et ils sont par conséquent, tous, logiquement incertains et logiquement réfutables mais pas toujours empiriquement réfutables.


· par conséquent, tout objet d'observation, tout objet d'étude, que ce soit dans un cadre non scientifique ou même dépendant d'une communauté de scientifiques, n'est identifiable et formulable que sur la base d'une théorie universelle ou d'hypothèses réfutables (condition sans laquelle elles ne peuvent être soumise à des tests), sachant que les noms communs qui sont même utilisés dans ces énoncés universels et parce qu'ils ne peuvent être « constitués » (ainsi que le démontre également Popper dans "La logique de la découverte scientifique") dépendent eux aussi de théories universelles strictes. Les énoncés universels au sens numérique, parce qu'ils ne se réfèrent "qu'à une classe finie d'éléments spécifiques dans une région spatio-temporelle, individuelle (ou particulière) et limitée" ne peuvent exprimer que des tendances locales et non des lois universelles requises par l'objectivité et la nécessaire intemporalité des théories scientifiques.


· si ce sont donc bien les théories qu'il faut évaluer, alors, aucune théorie qui soit irréfutable (logiquement et/ou empiriquement) ne peut s'appliquer aux faits. Et cela quel que soit le contexte de recherche scientifique, c'est-à-dire, quel que soit l'objet de recherche. En définitive, et si l'on admet le point de vue de Popper, l'argument du sociologue J.C. Passeron selon lequel la sociologie travaillerait à partir d'énoncés universels au sens numérique, plutôt qu'au sens strict, ne permet pas de justifier que la sociologie puisse accéder au statut de science.



*


Dans la suite de sa réponse à cette question sur les idées fausses de la science, Naomi Oreskes poursuit :


“(...) La méthode hypothético-déductive, celle à laquelle on pense naturellement lorsqu’on parle de méthode scientifique, n’est pas valide d’un point de vue épistémologique. Pourquoi ? (...) Selon cette méthode la théorie vient avant l’expérience. Si l’expérience confirme la théorie, alors le scientifique peut dire que sa théorie est vraie. C’est là que le problème éclate. Les historiens ont montré en pratique, et les philosophes en théorie, qu’une théorie vraie peut faire des prédictions fausses et vice versa. Le système astronomique de Ptolémée constitue un exemple très clair. Tous les scientifiques sont aujourd’hui d’accord : cette théorie est fausse. Pourtant elle fait des prédictions justes. En particulier, elle a permis de prédire avec succès l’heure et la date des éclipses. (...)”.


Notre réponse à ces affirmations :


Non. C’est la méthode inductive qui ne peut pas être valide. L’on ne peut de manière valide affirmer ou prétendre justifier une théorie universelle à partir du dénombrement de faits aussi nombreux soient-ils, observables à partir de ce qu’elle énonce a priori. Par exemple, ce n’est pas parce que nous aurions observé dix millions de cygnes blancs en utilisant la théorie, “tous les cygnes sont blancs”, pour réaliser cette observation, que nous pourrions prétendre avoir “vérifié” ou “justifié” la théorie. Pourquoi ? Parce que les énoncés universels ne peuvent être limités dans le temps. Observer d’autres cygnes blancs, des milliards et des milliards encore, si c’était possible, ne vérifierait jamais la théorie universelle “tous les cygnes sont blancs”. D’un point de vue logique, la méthode consistant à croire que l’on peut vérifier des généralisations à partir de cas particuliers, même “bien observés”, donc la méthode inductive, est donc, indiscutablement non valide. Karl Popper a abondamment démontré dans quasiment tous ses ouvrages pourquoi le positivisme logique est mort et enterré, et même pourquoi la méthode inductive n’est qu’un mythe dans la théorie de la connaissance : il n’y a jamais eu aucune créature vivante “de l’amibe à Einstein” (K. Popper. In. “La connaissance objective”) qui ait pu former une quelconque connaissance donc apprendre quoique ce soit sur la base de la méthode inductive, et aucune créature vivante ne peut ni n’apprendra jamais rien sur la base de cette méthode..


Puisque l’induction est un mythe, et demeure non valide, également parce que toute justification de l’induction sombre dans la régression à l’infini, (K. Popper. In : “La logique de la découverte scientifique”), étant donné que pour justifier un principe d’induction, il faut sans arrêt un autre principe d’un niveau supérieur, etc., il ne reste plus que la méthode hypothético-déductive de contrôle, la seule qui puisse être épistémologiquement valide dans tous les contextes possibles de constitution d'une connaissance empirique.


Lorsque Naomi Oreskes affirme, nous citons encore : “(...) une théorie vraie peut faire des prédictions fausses et vice versa. Le système astronomique de Ptolémée constitue un exemple très clair. Tous les scientifiques sont aujourd’hui d’accord : cette théorie est fausse. Pourtant elle fait des prédictions justes. En particulier, elle a permis de prédire avec succès l’heure et la date des éclipses. (...)”.


Naomi Oreskes se trompe, et a visiblement bien mal compris ce qu’a pourtant très clairement démontré Karl Popper. Certes, la théorie de Ptomlémée est depuis longtemps réfutée par une théorie plus englobante, plus riche en contenu informatif, comme celle de Nicolas Copernic, mais ce qu’explique Popper, est que réfuter une théorie ne consiste pas à démontrer qu’elle serait soi-disant entièrement fausse. Une théorie réfutée par des tests inédits conserve toujours sa valeur informative corroborée dans les limites mises en évidence justement par la théorie concurrente qui a permis de les dépasser. La nouvelle théorie, celle qui réfute l’ancienne, devient donc, comme le dit Popper, un “cas limite” de la précédente ! Ainsi, tout le monde sait que la théorie de la relativité d’Einstein réfute la mécanique newtonienne, cependant, tout le monde sait aussi que cette mécanique reste “vraie” dans les limites où elle peut s’appliquer, et du reste, nous l’appliquons en permanence.. Mais lorsque Naomi Oreskes affirme plus avant qu’une théorie peut faire des prédictions fausses et vice versa, elle se trompe encore dans la dernière partie (“vice versa”) : une théorie qui est considérée comme corroborée par des tests, ou comme réfutant par son contenu corroboré (par de nouveaux tests inédits) une théorie précédente et concurrente doit être considérée à son tour comme réfutée si après avoir tenté une prédiction en l’utilisant, cette prédiction se révèle impossible ou fausse suite à des tests répétés et intersubjectivement contrôlés. Une théorie qui fait des prédictions fausses, est une théorie réfutée. Par exemple, si l’on admet comme “vraie” la théorie “tous les cygnes sont blancs”, et que l’on se sert de cette théorie pour prédire l’observation de cygnes blancs à un endroit précis et selon des conditions initiales de prédictions précises ; et bien si ce sont des cygnes noirs que l’on observe, notre théorie est réfutée, et donc fausse, mais, il faut le souligner, pas entièrement fausse. Il faut admettre désormais la nouvelle théorie : “tous les cygnes sont blancs ou noirs”.


L’historien des sciences Imre Lakatos, lequel fut un disciple de Karl Popper puis devint l’un de ces critiques les plus rigoureux, ne peut lui aussi éviter d’appliquer la logique de la réfutation, y compris dans sa méthodologie des programmes de recherche scientifiques. A sa manière, Lakatos confirme bien le point de vue de Karl Popper, selon lequel une théorie qui fait des prédictions fausses doit être considérée comme réfutée. Certes, pour Lakatos, une théorie peut se développer dans un “océan d’anomalies”, mais elles doivent être éliminées par la portée descriptive et prédictive de son “heuristique positive” au fur-et-à-mesure que cette heurisitique est confrontée au “modus tollens”, c’est-à-dire au choc des mises à l’épreuve expérimentales. Donc, pour Lakatos, dès que l’heuristique positive d’un programme de recherche échoue à produire des prédictions inédites ou multiplie les prédictions fausses, le programme est considéré comme entrant en “dégénérescence” puis supplanté par un autre programme de recherche concurrent. Lakatos déniait, à tort, que deux programmes de recherche concurrents puissent être départagés par des “expériences cruciales de falsification”, ainsi que l’envisageait Karl Popper qui du reste à fourni une vingtaine d’exemples historiques de ce type (Voir dans "Le réalisme et la science", au début de l'ouvrage)... De plus, il est impossible que l’on ne puisse trouver des hypothèses qui ne puissent être controversées entre deux programmes de recherche concurrents travaillant de surcroît dans le même objectif.


*


Question suivante posée (page 6) à Naomi Oreskes :
 
2. “Il existe d’autres façons de définir la méthode scientifique que vous déconstruisez également. Par exemple, le philosophe Karl Popper affirme, dans son livre “La logique de la découverte scientifique” (1934), qu’une théorie n’est scientifique que si elle peut être réfutée par l’expérience.”
 
 
Réponse de Naomi Oreskes :
 
“Oui, c’est l’idée de réfutabilité (...). Les scientifiques devraient donc chercher à réfuter leurs théories. La réfutabilité est une notion puissante, très attirante pour de nombreux chercheurs. Mais, encore une fois, elle échoue à décrire le travail de recherche. Ce n’est pas ce que les scientifiques font en pratique. Ils collectent autant d’indices qu’ils peuvent en faveur de leur idée. Pour eux, c’est le rôle de leurs collègues de les critiquer, de trouver des failles. (...)”.
 
 
Une réponse de John C. Eccles, Prix Nobel de médecine :
 
"Il est fort regrettable que la plupart des chercheurs qui travaillent sur le cerveau pratiquent toujours la seule induction et croient que la science consiste à accumuler des faits observables par l'expérience, d'où émanerait la vérité scientifique. La littérature consacrée au cerveau est révélatrice à cet égard d'une immense collecte de faits sur le sens duquel nul ne s'interroge à la lumière d'hypothèses scientifiques. Popper a montré dans The logic of Scientific Discovery (1958) que l'induction n'était pas une méthode scientifique viable. Les avancées de la science viennent idéalement du raisonnement hypothético-déductif, qui consiste à formuler une hypothèse relative à une situation, puis à l'éprouver au moyen de connaissances pertinentes et de sa capacité d'explication."
(in: John C. ECCLES. "Comment la conscience contrôle le cerveau". Edition: Fayard. Collection: le temps des sciences. 1997. Préface).
 
 
Une autre réponse de John C. Eccles :
 
"Jusqu'en 1945, j'entretenais, à propos de la recherche scientifique, les idées conventionnelles suivantes: premièrement, les hypothèses résultent de la collecte scrupuleuse et méthodique de données expérimentales. Il s'agit de la conception inductiviste de la science, qui remonte à Bacon et Mill. La plupart des scientifiques et des philosophes croient encore que c'est là la véritable méthode scientifique. Deuxièmement, les qualités d'un scientifique sont évaluées en fonction de la fiabilité des hypothèses qu'il a développées, celles-ci devant forcément être élargies par l'accumulation de nouvelles données, et servir aussi - comme on l'espérait - de fondements fermes et sûrs pour de nouveaux développements théoriques. Un scientifique préfère parler de ses données expérimentales, et considérer les hypothèses comme de simples échafaudages. Finalement - et c'est le point le plus important -, il est extrêmement regrettable, et c'est un signe de défaillance, qu'un scientifique s'engage en faveur d'une hypothèse réfutée par de nouvelles données, au point qu'on doive en fin de compte l'abandonner complètement.

C'était mon problème. J'avais longtemps défendu une hypothèse, avant de comprendre qu'elle devrait être vraisemblablement rejetée, et cela me déprimait énormément. En fait, j'avais été mêlé à une controverse à propos des synapses: à cette époque, je croyais que la transmission synaptique entre les cellules nerveuses était en grande partie de nature électrique. Je reconnaissais l'existence d'une composante chimique lente et tardive, mais je pensais que la transmission rapide par les synapses s'effectuait par voie électrique. C'est alors que Popper m'apprit qu'il n'y avait rien d'infamant, du point de vue scientifique, à ce que ses propres hypothèses soient reconnues comme fausses. C'était la plus belle nouvelle que j'avais entendue depuis longtemps. Popper m'a même persuadé de formuler mes hypothèses, concernant la transmission électrique excitatrice et inhibitrice par les synapses, avec suffisamment de précision et de rigueur pour qu'elles incitent à la réfutation (...) A présent, je peux même me réjouir de la falsification d'une théorie de prédilection, car une falsification de ce genre représente un succès scientifique."
(in: Karl R. POPPER. "Toute vie est résolution de problèmes", tome1: "Questions autour de la connaissance de la nature". Edition: Actes Sud. 1997. Pages: 29 - 30).



Notre réponse :


Comme nous l’avons déjà dit précédemment, il est impossible que la construction de toute connaissance ne procède de la même logique : celle des essais et des erreurs contrôlées, autrement dit la méthode hypothético-déductive de contrôle. Ce sont toujours les mêmes raisons logiques qu’il faut invoquer et elles demeurent indiscutables. La première c’est qu’il ne peut y avoir de prétendue “sense data”, ou de données “pures des sens”. Ce qui implique que toute observation est une hypothèse de sélection nécessairement guidée par une théorie, un préjugé théorique, une idée, une représentation quelconque des faits. Cette logique dépasse le cadre de la méthode scientifique et le détermine. Elle conditionne de  manière sine qua non tout type de projet scientifique, absolument tous. Aucune créature vivante douée d’intelligence, ne peut réaliser une observation “pure des faits”, ce sont donc toujours les théories qui guident les observations qu’il faut soumettre à l’évaluation. Autrement dit à des tentatives de mise à l’épreuve, dont la logique nécessaire et indiscutable reste la tentative de réfutation. Pourquoi ? Parce que la connaissance sur la couleur de cygnes, par exemple, si l’on admet qu’ils doivent tous être “blancs” ne progresse pas grâce à l’observation d’autres cygnes blancs. Seule l’observation contrôlée, répétée, et non accidentelle d’un cygne non-blanc peut enrichir le contenu descriptif de la théorie “tous les cygnes sont blancs”. C’est justement cet enrichissement inédit de contenu qui constitue une réfutation. Réfuter consiste donc aussi et le plus souvent en science, à montrer qu’une théorie est incomplète, dit moins de choses sur les faits qu’une théorie qui a pu prouver par l’intermédiaire de tests sa plus grande portée descriptive, ou son contenu empirique plus riche. 
 
Aucun énoncé universel au sens strict, donc aucune théorie scientifique ne pourra jamais être "complète", "achevée" donc certaine ; c'est-à-dire apte à décrire certains faits de manière parfaitement précise et donc aussi parfaitement globale. L'on ne peut donc accepter que ce "consensus scientifique" sur les causes des changements climatiques puisse être soi-disant justifié par des théories "achevées" ou parfaitement précises et "complètes pour toujours", car ce serait une posture constituant un obstacle des plus décisifs contre tout progrès ultérieurs de la connaissance en climatologie scientifique. Ensuite, la seule voie possible pour espérer des progrès en climatologie scientifique reste et consistera encore et toujours en des tentatives renouvelées, inédites, de mise à l'épreuve de tout ou partie du contenu de ce "consensus scientifique". Concrètement, il n'est pas scientifique de croire pouvoir s'arrêter définitivement à affirmer que les seules causes possibles (ou les causes primordiales) des changements climatiques connues aujourd'hui ou depuis des décennies ne soient que le fait de la pollution de l'atmosphère par les gaz à effet de serre, les émissions  gaz carbonique, etc. Il faut envisager d'autres tests qui risquent de réfuter cette position.

*


Revenons encore sur le problème de la méthode inductive :


Il suffit de reprendre cette affirmation d’Oreskes qui est tout à fait significative de sa conception complètement dépassée de la méthode scientifique. Elle dit : “ils (les scientifiques) collectent autant d’indices qu’ils peuvent en faveur de leur idée”.


Si l’on en croit Naomi Oreskes, nous sommes donc bien revenu à l’erreur du positivisme logique du Cercle de Vienne, et à l’erreur de l’induction pourtant déjà mise en lumière de manière géniale il y a quelques siècles par... David Hume ! (cité par Popper, dans “La connaissance objective”) : « Persuadez une bonne fois pour toutes les hommes de ces deux principes, il n’y a rien dans un objet considéré en lui-même qui puisse nous apporter une conclusion qui le dépasse ; et même après l’observation d’une fréquente ou constante conjonction d’objets, nous n’avons aucune raison de tirer aucune inférence au sujet d’aucun objet autre que ceux dont nous avons eu l’expérience » (Popper, 1991 p. 156).


De plus, l’erreur de Oreskes est encore plus flagrante en concluant sa phrase par “en faveur de leur idée”. C’est-à-dire que selon elle, les scientifiques cherchent des biais de confirmations d’hypothèses, des confirmations directement lisibles à la lumière de ce qu’énonce a priori leur préjugé théorique pour prétendre ainsi tenir une méthode de vérification scientifique ou de “justification”. Par exemple, ce serait donc en observant un nombre déterminé de cygnes blancs qu’il serait justifié de croire que la vérité de la théorie “tous les cygnes sont blancs” est scientifiquement établie ! Ou encore, ce serait sur la base de l’observation de quelques personnes de couleur identifiées comme “mauvaises” sur la base d’un préjugé raciste, qu’une théorie raciste universelle serait aussi “scientifiquement” justifiée !...


Mais de toute façon Naomi Oreskes est bien obligée de reconnaître que la théorie ou le préjugé théorique précède toujours l’observation, parce qu’il ne peut y avoir d’observation pure des faits. Autrement dit, Naomi Oreskes ne peut éviter de reconnaître qu’il est totalement impossible que l’esprit humain soit sans mémoire, une tabula rasa, un seau vide, ou une pâte à modeler, et que par conséquent, les faits de l’extérieur ne soient identifiables par lui sans une hypothèse théorique qui guide cette identification !
 
 
*

Donc, ce sont toujours et encore les théories qu’il faut tester.  Ce qui implique qu'aucun "consensus" ou "paradigme" scientifique ne peut éviter de se soumettre au risque de la réfutation s'il veut avoir une chance de conserver son label de scientificité. Parce que seule la réfutabilité des théories constitutives d'un "consensus scientifique" peut démontrer qu'il n'est pas figé ou entend s'imposer comme un dogme, une idéologie, mais qu'il offre au contraire toujours la possibilité d'être dépassé par la mise à l'épreuve renouvelée des théories qui le justifient temporairement au titre de "consensus scientifique". Seul le fait d'admettre que les théories constitutives d'un consensus scientifique puissent être faillibles, donc réfutables puis enrichies par de nouveaux faits, peut maintenir ce consensus au sein de la Science dont la quête de la Vérité ne peut logiquement jamais être achevée. 
 
En somme, si des théories explicatives des changements climatiques sont scientifiques, elles doivent toujours pouvoir enrichir leur contenu empirique grâce à des tests "toujours renouvelés et toujours affinés" (K. Popper. "La logique de la découverte scientifique") : il serait absurde de croire que notre savoir sur les causes des changements climatiques puisse rester figé, ou qu'il ne nous apprenne rien de plus que ce que l'on savait il y a par exemple un siècle. Et, compte tenu de l'imprédictibilité de la connaissance scientifique, ce serait aussi un point de vue pessimiste autant qu'absurde d'affirmer que d'ici trois siècles, par exemple, la connaissance sur les causes des changements climatiques soit exactement la même qu'aujourd'hui...
 
*


Les théories, les consensus et autres paradigmes scientifiques doivent subir des épreuves de vérité contrôlées de manière intersubjective au moyen de tests encadrés et répétables par une communauté de chercheurs. Et ces épreuves de vérité, puisqu’il n’est pas valide de procéder par généralisation inductive par le biais d’une méthode statistique quelconque, nécessitent de manière sine qua non la méthode hypothético-déductive de contrôle préconisée par Karl Popper. Donc en théorie, il est totalement impossible que cette méthode ne puisse fonctionner, et ce n’est d’ailleurs pas ce qu’affirmait Pierre Duhem qui était de surcroît un falisficationniste naïf, ni même Willard Van Orman Quine qui sont cités par elle, d’autant que Quine avait donné raison à Popper de manière tout à fait explicite, comme nous l’avons cité plus haut.


A la fin de son affirmation, Naomi Oreskes nous parle des “failles” que devraient ensuite trouver les autres scientifiques dans le travail de collecte inductiviste des données susceptibles de soi-disant justifier ou de vérifier “scientifiquement” une théorie universelle. Mais de quelle nature doivent être ces “failles” ? Si je prétends que ma théorie, “tous les cygnes sont blancs” est prétendument vérifiée parce que j’aurais observé par exemple dix millions de cygnes blancs, ce ne serait pas parce que l’on observerait plus aucun cygne blanc demain que ma théorie serait bonne à jeter à la poubelle. Pourquoi ? Parce que rien n’aurait permis de démontrer que ma théorie était fausse grâce à l’observation non accidentelle d’un seul cygne non blanc, étant donné que l'on aurait cherché aucun cygne non blanc mais seulement des cygnes blancs ! Maintenant, si par l’usage de ce terme de “failles”, Oreskes entend des réfutations possibles de ma théorie sur les cygnes blancs, (par exemple des tests qui démontreraient  l’existence de cygnes non blancs), alors elle ne peut que conforter la méthode hypothético-déductive de contrôle contre la méthode inductive et elle se contredit une fois encore...



*


Mais voici le reste des affirmations de plus en plus consternantes de Naomi Oreskes :


“Suivant Popper, je devrais dire que j’ai réfuté ma théorie et rejeter cette dernière. Cependant, en pratique, la première chose que j’imagine est qu’il y a un problème avec mon dispositif expérimental. (...). Parfois, avec beaucoup de travail, on peut arriver à identifier l’erreur expérimentale. Mais c’est souvent impossible. Et si l’hypothèse théorique en question est très bien établie par ailleurs, (...), alors, malgré le résultat de mon expérience, je ne vais pas rejeter cette hypothèse”.


Notre réponse :


Pour Karl Popper, les théories doivent être testées sur la base de conditions initiales d’expérimentations reconnues et admises intersubjectivement comme “non problématiques”. Et s’il était si souvent “impossible” de détecter l’erreur expérimentale, alors, jamais la science n’aurait fournit autant de possibilités de progrès technologique sur la base de connaissances aussi complexes et difficiles à tester que le sont par exemple, la physique atomique, la mécanique quantique, la biologie, l’astronomie, l’astrophysique, etc..


Nous pourrions citer encore l’exemple flagrant du programme de recherche OPERA mené par le CERN et portant sur des neutrinos supraluminiques. En effet, les scientifiques du CERN pensaient pouvoir observer des particules plus rapides que la vitesse de la lumière, théorie particulièrement difficile à tester, s’il en est... Les scientifiques du CERN ont donc d’abord effectué des tests sur des paquets de neutrinos, mais eût égard à la possible imprécision des mesures, ils furent obligés de recommencer les tests, mais cette fois, neutrino par neutrino, pour constater l’échec de cette tentative inédite de réfutation de la célèbre théorie d’Einstein : aucun neutrino observé et se déplaçant d’un point à un autre n’est allé plus vite que la lumière.


Dans son livre, “Le réalisme et la science”, Karl Popper nous livre, comme  nous l'avons dit plus haut, vingt exemples tirés de l’histoire des sciences. Ils démontrent l’existence indiscutable d’expériences cruciales de réfutations. Et “La logique de la découverte scientifique” de Popper appuyée sur tous ses autres arguments issus de la philosophie de la connaissance, démontre  qu’il n’est rigoureusement pas possible d’envisager autre chose que des tentatives de réfutation intersubjectivement contrôlées pour “faire science”, étant donné, répétons-le encore, l’impossibilité d’accéder à une quelconque forme de connaissance, fut-elle subjective, par la méthode de l’induction ou de la collection des faits.


*


Maintenant voici sans aucun doute l’une des plus graves, des plus grotesques affirmations éhontées tellement elle est fausse, de Naomi Oreskes, toujours page 6 de la revue :


Naomi Oreskes :


“Avoir un bon esprit scientifique consiste à être ouvert à cette critique. C’est l’oeuvre de la communauté scientifique. Cet aspect collectif a été quasiment ignoré par Popper”.


Notre réponse :

Vous avez bien lu : elle a écrit : “cet aspect collectif a été quasiment ignoré par Popper” (!).


Citons Popper lui-même :


« De quelle manière pouvons-nous espérer déceler et éliminer l’erreur ? » est, à mon avis, la suivante : « Par la critique des théories ou des suppositions formulées par d’autres et- pourvu que nous y soyons entraînés – par celle de nos propres théories ou conjectures »


(In : Karl POPPER. « Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique ». Éditions Payot, Paris, 1985, pages : 48 – 56).


« C’est la tradition qui représente – si l’on exclut la connaissance innée – la source à l’évidence la plus importante, en qualité comme en quantité, pour notre savoir. Nous avons pris la majeure partie de ce que nous savons par l’exemple, par des relations par la lecture d’ouvrages, mais aussi en apprenant à critiquer, à admettre et à accepter la critique, et à respecter la vérité. »


(In : Karl POPPER. « Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique ». Éditions Payot, Paris, 1985, pages : 48 – 56).


« Ceux parmi nous qui refusent d'exposer leurs idées au risque de la réfutation ne prennent pas part au jeu scientifique. »


(Karl R. POPPER, "La logique de la découverte scientifique", Edition Payot, 1973, chapitre 10 : "La corroboration, ou comment une théorie résiste à l'épreuve des tests", pages 286 - 287).


« (…) Le langage est une institution sociale sans laquelle le progrès scientifique est impensable, puisque sans lui il ne peut y avoir ni science ni développement et progrès d’une tradition. L’écriture est une institution sociale, et en sont aussi les organisations d’édition et de publication et tous les autres instruments institutionnels de la méthode scientifique. La méthode scientifique elle-même a des aspects sociaux. La science, et plus spécialement le progrès scientifique, est le résultat non pas d’efforts isolés mais de la libre concurrence de la pensée. Car la science réclame toujours plus de concurrence entre les hypothèses et toujours plus de rigueur dans les tests, et les hypothèses en compétition réclament une représentation personnelle, pour ainsi dire : elles ont besoin d’avocats, d’un jury et même d’un public. Cette incarnation personnelle doit être organisée institutionnellement si nous voulons être sûrs qu’elle ait de l’effet. Et il faut dépenser pour ces institutions et les protéger par la loi. Finalement, le progrès dépend dans une large mesure de facteurs politiques, d’institutions politiques qui sauvegardent la liberté de pensée : de la démocratie. »


(In : Karl POPPER. « Misère de l’historicisme ». Editions Agora, Presses Pocket. Paris, 1988, pages : 194 – 195).


« La méthode des sciences est caractérisée par une exigence de débat public, qui se présente sous deux aspects. Le premier est que toute théorie, si inattaquable qu’elle apparaisse à son auteur, peut et doit inviter à la critique ; l’autre est que, pour éviter les équivoques et les malentendus, elle doit être soumise à l’expérience dans des conditions reconnues de tous. C’est seulement si l’expérimentation peut être répétée et vérifiée par d’autres, qu’elle devient l’arbitre impartial des controverses scientifiques. »


(In : Karl R. POPPER. « La société ouverte et ses ennemis ». Tome 2. Hegel et Marx. Editions du Seuil, Paris, 1979, pages : 146 – 151).


« Ce qu'on peut appeler l'objectivité de la science n'est pas une question d'individus, intéressant les hommes de science pris à part, mais une question sociale qui résulte de leur critique mutuelle, de la division du travail amical-hostile entre scientifiques, de leur collaboration autant que de leur rivalité. Elle dépend donc partiellement d'une série de conditions sociales et politiques qui rendent la critique possible ».


(In : Dario ANTISERI citant Karl POPPER. « La Vienne de Popper ». Editions PUF, Paris, 2004, page : 56).



*


Le reste des affirmations de Naomi Oreskes ne dévie pas en matière de défense du relativisme et d’une conception totalement erronée de la méthode scientifique. Si c’était pour écrire des erreurs pareilles, je me demande comment de telles choses ont pu être publiées dans une revue de la réputation de “La Recherche” et d’autres choses plus graves encore... :


Questions posée à Naomi Oreskes dans la revue :


3. “Pensez-vous qu’on ne souligne pas assez le caractère social de la recherche scientifique” ?


Naomi Oreskes :


“Absolument. Regardez la principale tactique utilisée par les “marchands de doute” climato sceptiques : elle consiste à créer l’illusion d’un débat scientifique en mettant en face de chaque climatologue invité dans les médias une personne affirmant qu’elle ne pense pas que cela soit vrai. Mais la fiabilité des résultats de la climatologie ne tient pas l’opinion, ni même au travail particulier de tel ou tel climatologue, elle tient au travail collectif de milliers de scientifiques depuis plus de cinquante ans.”


4. “Selon vous, il est crucial que les communautés scientifiques soient diverses. Pourquoi ?”


Naomi Oreskes :


“Pour bien critiquer une idée, il faut qu’elle soit analysée d’une multitude d’angles différents”.


Notre réponse :


A. “Il faut qu’une théorie soit analysée (...)” nous dit Naomi Oreskes. Mais que signifie pour elle l’emploi du verbe “analyser” ? Faut-il que l’on analyse une théorie sur la base de la collection des faits qui l’étayent ? C’est-à-dire sur les faits qui lui sont le plus statistiquement favorables parce qu’ils ont pu être relevés à la lumière de ce que la théorie énonce a priori ? Faut-il donc par exemple que l’on analyse que les milliers de cygnes blancs que l’on a observés furent bien des cygnes et qu’ils furent tous blancs ? Et pourquoi ferions-nous une telle analyse, si ce n’était pour nous assurer qu’aucun d’entre eux ne risque de réfuter notre préjugé théorique initial, notre théorie universelle initiale sur la couleur des cygnes ?... Ou si ce n’était pour écarter, occulter et passer sous silence, justement, tous les cas défavorables à notre théorie (des cygnes non blancs), afin de la présenter au public comme la soi-disant seule et unique possibilité d’envisager notre problème afin qu’elle apparaisse comme un “consensus” indiscutable et “vérifié” aux yeux de l’opinion ?


B. Ou bien Naomi Oreskes a-t-elle voulu dire que notre théorie doit subir des épreuves de vérité, autrement dit, des tests. Mais a quoi donc servirait des tests dont la logique ne consisterait pas précisément en des tentatives de réfutations en mettant notre théorie, ou notre “consensus” (...) à l’épreuve de la controverse face, comme elle le dit enfin, à des “angles différents”? Que peuvent être d’ailleurs, ces “angles différents” si ce n’est d’autres théories, d’autres hypothèses concurrentes qui puissent être mises à l’épreuve pour examiner si l’on observerait toujours, par exemple, la même couleur chez les cygnes (blancs) au risque d’en trouver d’une autre couleur à partir d’un “angle de vue” (une théorie) différent ?.. 


C. L’existence “d’angles (de vue) différents” est nécessaire pour motiver la logique de la réfutation scientifique et il n’y a pas ou plus de science sans l’existence d’au moins une hypothèse alternative, (un “angle de vue différent”). Comme l'écrivit Popper dans "Misère de l'historicisme", l'on ne peut rien apprendre sur les chenilles à partir d'une seule et unique chenille. 

     Exemple : 

         Si nous cherchons la cause d’un phénomène X quelconque, ou par exemple pourquoi les oiseaux peuvent voler, nous pouvons, sur la base “d’angles différents” (...) autrement dit d’approches théoriques différentes (ou concurrentes) collectionner une multitude de faits capables de les étayer chacune séparément. 
 
       Par exemple, la théorie X1, affirmant que “tous les oiseaux volent parce qu’ils battent des ailes, se trouvera confirmée par un taux de probabilité mathématique très élevé y compris par un observateur qui ignorerait tout de la force de portance aérodynamique ! 
 
         Mais une autre approche, (un “angle différent”...), comme par exemple la théorie X2 affirmant que si “tous les oiseaux volent c’est à cause de la force de portance générée par leur battement d’ailes, (ce qui est bien différent de X1 qui ignore la force de portance comme cause connue), trouvera elle aussi, un fort taux de probabilité mathématique pour être étayée après avoir été corroborée par des tests.
 
         L’on comprend alors que la seule manière d’avoir découvert une loi causale expliquant le vol des oiseaux grâce à la force de portance n’a pu se limiter à un type particulier de théorie permettant un type spécifique et affilié d’observations ou, en l'occurrence, de biais de confirmation
 
          Il a fallu émettre une hypothèse : celle de l’action de la force de portance sous certaines conditions initiales précises, répétables et contrôlables. Mais il dût être nécessaire que ces conditions initiales de testabilité, lesquelles contenaient les paramètres constitutifs de la possible production de la force de portance, (surface de référence, vitesse de déplacement, masse volumique du fluide, ...), furent soumises à d’hypothétiques limites quantifiables lesquelles constituèrent le risque de la réfutation (si par exemple l’on n’avait pas tenu compte de la vitesse de déplacement pour tester une théorie sur la production de la force de portance, ce qui constituait bien une théorie concurrente de celle qui en tenait compte, évidemment.). 
 
          L’on a pu dire qu’une force de portance aérodynamique est générée dès lors que les paramètres en permettant sa création atteignent de façon combinée certaines limites relativement précises. Et surtout qu’une force de portance aérodynamique ne peut être produite sans tenir compte d’une certaine masse volumique du fluide, et sans une certaine vitesse de déplacement, et sans une certaine surface de référence. 
 
         Tout cela pour dire que c’est une combinaison jusqu’alors inconnue de la masse volumique d’un fluide, de la vitesse de déplacement et de la surface de référence qui a constitué un “angle du vue différent” (donc une théorie concurrentielle), par rapport à un autre “angle de vue” qui ne tenait compte que du seul battement d’ailes... 


D. Mais Imre Lakatos, bien que critique de Popper, donne une façon de considérer le problème assez pertinente quoiqu’il ne peut éviter lui aussi la logique de la réfutation. Selon lui, deux programmes de recherche peuvent s’affronter et être concurrents pour expliquer un phénomène à partir “d’angles de vue différents” lesquels, selon Lakatos, sont leurs “heuristiques négatives”. Elles sont séparément testées, pour chaque programme, par l’intermédiaire de leurs “heuristiques positives” respectives, lesquelles doivent supporter le choc des mises à l’épreuve expérimentales successives. Dès lors que l’un des deux programmes ne parvient plus à supporter ce choc, ou s’il ne parvient plus à prédire de nouveaux faits permettant de le corroborer, via son “heuristique positive”, Lakatos considère qu’il est “supplanté” par son concurrent. Mais dans le système de Lakatos, c’est toujours la logique de la réfutation qui opère et non la collection de faits.


Comme on le constate, que ce soit de A à D, Naomi Oreskes souhaitant prêcher une méthode consensuelle comme étant bien la caractéristique essentielle de la science, ne peut éviter l’épistémologie poppérienne. Et par suite la méthode hypothético-déductive de contrôle, via des tentatives de réfutations. Le travail collectif des chercheurs, comme elle l’écrit, consiste en science, non à collectionner des faits susceptibles d’étayer, de confirmer une théorie de départ, mais à offrir la possibilité d’une controverse entre des “angles (de vue) différents” donc opposés, ce qui veut dire des façons controversées et concurrentielles d’approcher les problèmes. Par conséquent des théories potentiellement contradictoires guidant des “collections de faits” opposables grâce à des tests. Ce qui signifie, des théories susceptibles de créer le doute, et même d’encourager le scepticisme dynamique sur un paradigme ou un “consensus” considéré comme (faussement) bien établi sur la base d’une “collection de faits” !


Comment se fait-il que Naomi Oreskes évoque tout à coup le rôle crucial de la critique sans parler de l’importance majeure de l’usage du “rationalisme critique” dont Karl Popper fit pendant toute sa vie la cheville ouvrière du travail scientifique et de la méthode scientifique, laquelle ne pouvait logiquement éviter d’être pour lui, spécifiquement collégiale ? Il semble que Naomi Oreskes se soit rendue compte qu’elle ne peut éviter le recours, logique, à la méthode des tests de Karl Popper, à la méthode des réfutations scientifiques (méthodologiques) et intersubjectivement contrôlées. Si elle a lu “La logique de la découverte scientifique” de Popper, comment a-t-elle pu éviter de se rendre compte du rôle absolument crucial que joue la discussion méthodologique et le contrôle intersubjectif des tests pour Popper, donc, par conséquent et contrairement à ce qu’elle a affirmé à propos de Popper, l’importance vitale, et logiquement incontournable de l’aspect collectif du travail scientifique pour ce philosophe !?


Nous avons maintenant d’excellentes raisons de penser que Naomi Oreskes cherche par tous les moyens à refouler l’épistémologie de Popper, sans vraiment pouvoir y parvenir. Il lui faut faire taire cette épistémologie si menaçante pour les vues dogmatiques et largement pseudo-scientifiques qu’elle défend. Il faut à tout prix soustraire le “consensus” sur les causes du réchauffement climatique au risque de la réfutation ; au risque de nouvelles mises à l’épreuves, ou comme l’écrit Popper à la fin de “La logique de la découverte scientifique”, au risque de nouveaux tests, “toujours renouvelés et toujours affinés”. (P. 287)


Citons Popper à la fin de son oeuvre majeure : 


“Elle (la science) s’achemine plutôt vers le but infini encore qu’accessible de toujours découvrir des problèmes nouveaux, plus profonds et plus généraux, et de soumettre ses réponses, toujours provisoires, à des tests toujours renouvelés et toujours affinés”.


En toute logique, la (vraie) science ne peut proposer que des réponses provisoires, et d’ailleurs Naomi Oreskes admet aussi l’impossibilité d’atteindre la certitude dans les sciences de la Nature, semble-t-il et évidemment en climatologie. Alors ? Pourquoi considérer que l’actuel “consensus” sur les causes du réchauffement climatique ne pourrait être susceptible d’être remis en questions sur la base de nouveaux tests selon une logique de réfutation, au lieu de se fier toujours à des collections de faits qui ne pourraient encore qu’inutilement le “confirmer” ?


Les scientifiques qui pensent et qui osent dire que les causes revendiquées par le GIEC “ne sont pas vraies”, doivent donc pouvoir s’exprimer, être écoutés attentivement, et leurs idées soumises à des tests, en concurrence avec les présupposés du GIEC ! C’est cela le vrai débat scientifique. C’est comme cela que doit fonctionnner le rationalisme critique.


Certes, il est vrai que la science ne peut jamais être le fruit d’un travail isolé. La réfutabilité scientifique, selon Karl Popper, exige que la réfutabilité logique soit d’abord démontrée, (l’on peut déduire de la formulation d’une théorie, une sous-classe de falsificateurs virtuels), ensuite la réfutabilité empirique, (il est possible de réaliser des tests empiriques), et ensuite la réfutabilité méthodologique, (il est possible de répéter les tests, de les contrôler de manière intersubjective afin de s’assurer qu’il ne s’agit pas de résultats accidentels et non reproductibles, de tricheries, d’erreurs de manipulation, etc.). Par conséquent, pour Karl Popper, le travail scientifique est éminemment social, et il exige la libre controverse des idées. Il exige ce que Karl Popper a défendu pendant toute sa vie, le rationalisme critique. Enfin, comme il le précise dans ses ouvrages, son critère de démarcation doit avant tout être compris comme un critère méthodologique de démarcation, étant donné que pour Popper, ce sont toujours, in fine, les discussions méthodologiques entre chercheurs qui permettent d’avaliser ou non les méthodes et les résultats des tests.



Ce n’est pas parce qu’une communauté de personnes, y compris dans un cadre qui a la réputation d’être “scientifique”, travaille sur la base de la méthode inductive et la collection des données, (comme nous l’a décrit Naomi Oreskes), que la nature de leur travail est “scientifique”, mais exactement le contraire.


Nous avons expliqué, à la lumière des arguments de Popper, que la méthode inductive n’est qu’un mythe dans la théorie de la connaissance, qu’aucune créature douée d’intelligence, n’a pu, ne peut, ni ne pourra jamais vérifier aucune théorie universelle sur la base de la méthode inductive, et plus encore, que la méthode inductive ne permet pas de construire des connaissances objectives, ou même subjectives. Parce que la théorie précède toujours l’observation et parce qu’il ne peut absolument pas exister de prétendue “sense data” ou de données tirées de l’extérieur qui soient d’emblée épurée de toute activité de sélection a priori par l’esprit humain. Mais cette action de sélection réalisée lors de toute observation, grâce à notre système d’attentes perceptives (K. Popper. In “La connaissance objective”), n’est possible qu’à partir de notre mémoire, (notre “mémoire implicite” selon Erik Kandel), laquelle a engrangé tout un ensemble d’idées, de théories, de préjugés, de représentations.


Nous n’observons rien à partir de rien. C’est impossible. Ce sont les théories qui guident les observations et les "collections de faits" qu'il faut mettre à l'épreuve, ce qui implique qu'une "collection de faits" ne peut être une méthode et fin en soi pour approcher de la vérité, mais à la rigueur un moyen pour mettre à l'épreuve une théorie de manière répétée ou pour s'assurer qu'une théorie résiste bien à des tentatives de réfutations répétées et réalisées à partir de faits appartenant tous à la même classe.


Donc, comme l’affirme avec raison Karl Popper, toute observation a valeur d’hypothèse. Personne n’apprend quoique ce soit, dans quelque domaine que ce soit, scientifique ou non, sur la base d’une collection de faits, donc de la méthode inductive. C’est bien cette méthode (inductive) qui n’est pas valide sur le plan épistémologique, et non la méthode hypothético-déductive de contrôle, comme l’a prétendu Naomi Oreskes.. Et pour y revenir encore, si Oreskes affirme que : “ils (les scientifiques) collectent autant d’indices qu’ils peuvent en faveur de leur idée”, il faut donc bien qu’elle admette, (et elle l’admet, puisqu’elle emploie le mot “idée”..), qu’il existe une “idée” qui ne peut éviter le statut d’hypothèse universelle puisque elle doit permettre de relever des indices appartenant tous à la même classe ! Autrement dit, tous ces indices dont parle Naomi Oreskes, doivent tous posséder les mêmes caractéristiques “quasi-légales” (K. Popper, in : “La logique de la découverte scientifique”).


Les climato sceptiques tels que le Professeur Marcel Leroux (décédé), François Gervais, Vincent Courtillot, etc. Sont tous des scientifiques sérieux et reconnus dans leurs domaines. Leurs connaissances sont issues et fondées elles aussi par une longue tradition de recherche en climatologie scientifique ou en géophysique, et Vincent Courtillot rappelle, lui aussi, les manquements tout à fait significatifs à la démarche de Karl Popper, imputables au GIEC. Karl Popper, et son épistémologie rigoureuse, est donc une nouvelle fois l’ennemi à abattre. Karl Popper dont le prix Nobel de médecine Peter Medawar dira qu’il est le “plus grand philosophe des sciences de tous les temps”, dont Jacques Monod écrira l’élogieuse préface de son oeuvre maîtresse, “La logique de la découverte scientifique”, et qui fut reconnu par Albert Einstein, John C. Eccles (qui reconnaîtra sa “dette méthodologique” envers lui dans son livre “Comment la conscience contrôle le cerveau”), Karl Popper encore reconnu par Schroedinger, Hayek, Lorentz, Monod, Curie, etc., etc., etc... Karl Popper, l’éternelle bête noire des défenseurs des pseudosciences, du relativisme, et de l’obscurantisme.


La possibilité du doute, de la controverse, et d’un scepticisme dynamique (K. Popper) est donc logiquement requise, une nécessité vitale pour l’activité scientifique. Le doute, la controverse, la libre concurrence des idées, les sceptiques dynamiques, sont les moyens incontournables du “rationalisme critique”. Ce rationalisme critique, consiste justement à défendre une opinion opposée à un “consensus” bien établi, ou un paradigme en vigueur et accepté par tous. Il consiste donc à avoir une attitude sceptique.


Galilée était seul contre l’Inquisition, mais Galilée avait raison, madame Oreskes.


Sur le scepticisme : Voilà les idées de Popper, au sujet du “scepticisme dynamique”. (Cf. Karl Popper. In : “La connaissance objective”. Editions Aubier, Paris, 1991, pages : 169 - 172) :


“Le scepticisme se définit comme une doctrine pessimiste quant à la possibilité de la connaissance. Mais la conception qui est ici proposée affirme avec optimisme la possibilité du développement de la connaissance, et donc de la connaissance. Elle rejette simplement l’attribution à la connaissance du qualificatif de “certaine” que le sens commun prend pour sa caractéristique essentielle, et elle montre que certitude et connaissance diffèrent toutes deux de ce que prétend à leur sujet la théorie du sens commun. On ne saurait qualifier de sceptique un homme qui croit en la possibilité d’un développement illimité de la connaissance. (...) On pourrait fort bien traduire scepsis par “examen critique” (bien qu’on le fasse rarement) et identifier le “scepticisme dynamique” avec “l’examen critique vigoureux”, ou même en l’occurrence “l’examen critique optimiste”, pour autant que cet optimisme ait une base entièrement rationnelle. Il n’a certainement pas grand-chose à voir avec le désir de connaître là où l’on ne peut rien connaître.”


Karl Popper, dans le même ouvrage, page : 178 :


“Toute tentative pour conserver la théorie du sens commun dans sa totalité et son intégralité - le réalisme plus l’épistémologie du sens commun - est vouée à la ruine. Ainsi, grâce au scepticisme méthodologique sur le point de départ, on casse la théorie du sens commun en deux parties au moins, le réalisme et l’épistémologie - et on peut rejeter et remplacer cette dernière par une théorie objective qui utilise le premier”.


*


Conclusion :


La démarche de Naomi Oreskes relève d’une méthode “d’inquisition sophistiquée” grâce à un mélange parfois habile mais aussi grotesque de faussetés, d’idées vraies et d’idées qui ne peuvent pas être vraies sur l’épistémologie et la méthode scientifique. Cette démarche vise à protéger le GIEC et son dogme “consensuel” sur les causes du réchauffement climatique, des rigueurs de l’épistémologie poppérienne, quitte pour cela à en dire n’importe quoi...


La science, madame Oreskes, ne survit pas sans le doute, le scepticisme dynamique, la possibilité de la libre concurrence des idées, des controverses, et du droit à la parole de ceux qui disent “que ce n’est pas vrai” (...).


Votre conception de la méthode scientifique est indiscutablement dépassée, ou ouvre la porte de la plus dangereuse menace pour la Science : le relativisme. Pourquoi ? Parce que vous ne reconnaissez pas le fait qu’une logique de la découverte scientifique est démontrable sur la base d’arguments logiques indiscutables, comme une invalidation définitive de la méthode inductive et par suite de la méthode de la collections des faits. Parce que bien qu’ayant noté que la théorie vient avant l’expérience, vous ne paraissez pas du tout être consciente ou vous ignorez que quel que soit la nature, scientifique ou non, d’une observation, la théorie, le préjugé, l’hypothèses, viennent toujours avant l’observation.. Ce qui implique qu’il est valide est même indiscutable de promouvoir comme le fit Karl Popper une “unité de la méthode scientifique”, parce que toutes les sciences doivent évaluer des théories plutôt que des “collections de faits”, lesquelles de toute façon sont impossibles à réaliser sans une théorie générale qui les guide....


Même si quelques différences existent d’une science à une autre, il est logiquement impossible qu’une science digne de ce nom ne tente d’évaluer les théories qui guident les observations de faits susceptibles de les corroborer ou de les réfuter, via des tests d’un certain genre, comme le démontra Popper, des tests intersubjectifs, indépendants, répétables et contrôlables par une communauté de chercheurs.


Ce que la logique de la découverte scientifique de Popper exige et justifie de surcroît avec des arguments logiques, c’est que l’activité scientifique authentique ne peut absolument pas éviter d’être autre chose que collégiale, donc impliquer doute une dimension sociale et institutionnelle de la preuve.


La méthode pour prétendre approcher de la Vérité scientifique, de la vérité objective est fondamentalement la même pour toutes les sciences, ce qui veut dire qu’une science ne peut prétendre définir une méthode entièrement spécifique en dehors de la logique valide fondant une épistémologie. Celle démontrée par Popper, peut même être “anhistorique” et se passer de tout exemple pratique, puisque l’épistémologie de Popper n’est qu’un guide, une série de repères, de critères, et non une somme d’injonctions dogmatiques et arbitraires.


La manière de juger de l’approche de la vérité scientifique, ne peut être seulement relative ou soumise aux desiderata du GIEC ou aux promoteurs d’une autre science, elle doit reposer sur une épistémologie aussi impersonnelle et objective que possible, donc, nous le répétons, sur une épistémologie fondée sur la logique comme celle de Karl Popper, laquelle reste toujours la meilleure de toute l’histoire des idées jusqu’à aujourd’hui.


La science n’est plus la science, sans le “rationalisme critique” de Karl Popper, sans la méthode hypothético-déductive de contrôle, sans des tests intersubjectifs, “toujours renouvelés et toujours affinés” (K. Popper. “La logique de la découverte scientifique”).


Comme l’a inlassablement défendu Karl Popper tout au long de sa vie, et contrairement à ce que vous dites de manière éhontée, madame Oreskes, la science n’est pas la science sans un travail collégial, et sans notamment ce que Popper nomme des “discussions méthodologiques” pour valider ou non les méthodes et les résultats des tests.


Seulement, madame Oreskes, la science n’est pas non plus la science si ses chercheurs se bornent à une collection de données, et s’ils rejettent de manière systématique, hors de leur temple, les sceptiques les plus “vigoureux”, les plus critiques, les plus audacieux.


La théorie de la vitesse de la lumière d’Einstein, madame Oreskes, est forcément la théorie scientifique la plus consensuelle de toutes les théories scientifiques connues, puisque toute créature vivante est dépendante de la vitesse de la lumière pour réaliser n’importe quelle observation ! Et ce n’est pas pour autant, madame Oreskes, que s’est dressée contre les chercheurs du programme de recherche “OPERA” (CERN) une lamentable et pseudo-scientifique levée de boucliers parce qu’ils ont osé (...) tester des neutrinos supraluminiques ! Bien au contraire : ces tests particulièrement “sceptiques” (...) au sujet de ce qu’Einstein lui-même considérait comme un “absolu indépassable” furent encouragés et discutés. Ils ont été renouvelés, exactement comme le préconise Karl Popper, mais ils ont permis de corroborer une nouvelle fois la théorie d’Einstein au lieu de la réfuter...


Partant de là, et en comparant l’attitude du GIEC vis-à-vis de ses sceptiques avec celle de la communauté des chercheurs autour du programme “OPERA”, on a vite compris que le GIEC n’est qu’une nouvelle Inquisition moderne, et fort dangereuse pour la recherche de la vérité et du progrès des connaissances scientifiques en climatologie et en particulier sur les causes du réchauffement climatique.


Le GIEC et ses scientifiques, n’auraient-ils donc rien fait d’autre que de trouver ce qu’ils voulaient trouver, que de collectionner les faits, les statistiques ne pouvant que conforter leurs théories, au lieu de chercher des tests inédits risquant de les réfuter ?


Rappelez-vous toujours de cela, madame Oreskes :


Face à l’Inquisition, Galilée était seul. Il était le seul “sceptique dynamique”, et pourtant, il avait raison.


*


Le GIEC, via Naomi ORESKES, paraît utiliser la réputation des universités de Harvard et de Princeton pour justifier d'écarter la menace des arguments de Karl Popper afin d'immuniser les méthodes de recherche contre toute critique épistémologique valide dans le but de justifier les causes du réchauffement climatique qu'il promeut.


Nous avons démontré dans cet article qu'il s'agit d'une campagne de désinformation épistémologique laquelle défend ce qui est épistémologiquement indéfendable : le positivisme logique comme méthode dans les sciences de la Nature, par la "collection de faits". 


Cette méthode positiviste (erronée et fondée sur une doctrine épistémologique non valide : l'induction), favorise, non la diffusion de points de vue scientifiques et leur controverse consensuelle, mais des positions idéologiques, lesquelles ouvrent la voie au relativisme et au dogmatisme représentant les plus graves menaces contre la (vraie) Science.


Contrairement à ce que défend, (avec le GIEC), Naomi Oreskes, toute science nécessite logiquement un "scepticisme dynamique" et l'usage d'un rationalisme critique sur des théories concurrentes en présence, méthodologie qui fut argumentée par Karl Popper dans toute son oeuvre...



(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).


*




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Psychanalystes, dehors !

Archives du blog