samedi 27 juin 2020

L’épistémologie n’est pas l’histoire des sciences.






(Avec cet article, nous ne pouvons prétendre avoir entièrement cerné le "profil épistémologique" du Pr. Didier Raoult. Certes, il commet selon nous une erreur en débutant l'une de ses conférences par l'affirmation que, je la cite : "l'épistémologie c'est l'histoire des sciences", mais, et contrairement à ce qu'ont affirmé d'autres commentateurs, le Pr. Didier Raoult travaille selon les critères méthodologiques de Karl Popper (quoiqu'il soit aussi un adversaire, disons, "relatif" de la méthodologie). Le Pr. Didier Raoult, n'est pas un positiviste qui croit en la méthode inductive.
 
Mais tout dernièrement, le 16 juin 2021 lors d'une interview télévisée menée par Pierre Morandini, l'on apprend que le Pr. Didier Raoult a demandé un contrôle indépendant de tous ses travaux et de ceux de son équipe auprès de l'Université d'Aix-Marseille. Voilà donc une attitude typique d'un vrai, d'un grand scientifique, chose d'ailleurs dont nous n'avons jamais douté à propos du Pr. Raoult. 
 
La modification de notre présente introduction est faite ce même jour, parce qu'elle doit envisager une erreur possible d'interprétation de notre part des propos du Pr. Raoult lors de l'introduction de cette conférence où il affirme que, je le cite : "l'épistémologie c'est l'histoire des sciences", chose que nous contestons respectueusement dans ce papier).

(Ce qui est en bleu et souligné renvoie à d'autres articles que nous avons écrits sur ce blog).
 
 
 
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L'arbitre suprême de toute science, et au-delà, de toute forme de connaissance prétendant à une valeur universelle démontrable et démontrée, est l'épistémologie fondée sur la logique. Dans ce cas, l'épistémologie peut donc jeter une lumière sur l'histoire des sciences, une prise de recul, une compréhension, une évaluation. Elle ne peut donc lui être confondue ou identique.

 

"En résumé, la méthode expérimentale puise en elle-même une autorité impersonnelle qui domine la science. Elle l’impose même aux grands hommes au lieu de chercher comme les scolastiques à prouver par les textes qu’ils sont infaillibles et qu’ils ont vu, dit ou pensé tout ce qu’on a découvert après eux."
(In : Claude BERNARD. « Introduction à l’étude de la médecine expérimentale ». Editions Champs, Flammarion, Paris, 1984, pages 74 – 78).

 

Commentaires : 

C. Bernard écrit : "(...) la méthode expérimentale est en elle-même une autorité impersonnelle qui domine la science (...)". Nous sommes d'accord avec cette affirmation de Claude Bernard, car seule la méthode hypothético-déductive de contrôle a une chance d'être valide et efficace pour le progrès de la connaissance scientifique contre la méthode inductive. Cependant, il existe une autorité supérieure encore à la méthode expérimentale, c'est l'épistémologie fondée sur la logique qui permet d'en justifier la valeur intemporelle et impersonnelle. Et ensuite, il existe encore une autre autorité supérieure à cette épistémologie, ce sont les arguments logiques qui la justifient. (Aucune autre science, ou une sociologie ou une forme quelconque de psychologie ne peut justifier le fait d'être aussi une épistémologie qui se voudrait objective et apte à juger de la valeur scientifique des sciences sans courir le risque d'être juge et partie et de s'autoriser fallacieusement d'elle-même. Aucune science ne peut donc s'autoriser d'elle-même). Mais, dès lors que ces derniers arguments sont valides, il n'existe pas d'autre autorité supérieure à eux : ils se suffisent à eux-mêmes et sont eux aussi intemporels et universellement valides.

 

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"La vérité (objective) transcende toute autorité humaine". (Karl Popper)


Par exemple : 

- Même si vous n'êtes pas d'accord, du haut votre "autorité", avec la théorie de la vitesse de la lumière d'Albert Einstein, cette théorie va quand même s'appliquer à vous, que cela vous plaise ou non, jusqu'à ce qu'elle soit reconnue comme réfutée par des tests inédits, validés par une communauté de chercheurs.

- Même si vous n'étiez pas d'accord avec le fait qu'en mathématiques, l'ensemble des entiers naturels est infini, le fait qu'il soit bien infini, va s'appliquer à vous, que cela vous plaise ou non, et même pour toujours...

- Même si vous n'étiez pas d'accord avec le principe d'Archimède, ce principe va aussi s'appliquer à vous, que cela vous plaise ou non (...), jusqu'à ce que l'on valide une réfutation..

- Etc., etc., etc.....


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« Si ce n'est pas de manière rationnelle et par la critique que la science progresse, comment espérer que des décisions rationnelles puissent être prises dans d'autres domaines ? Une mise en cause désinvolte d'un terme logico-technique mal compris a ainsi conduit d'aucuns à des conclusions philosophiques, voire politiques, d'une portée considérables et d'un effet désastreux » (Karl Popper. "Le réalisme et la science". Traduction de Alain Boyer et Daniel Andler. Editions Hermann, 1990, page : 5).

« Ce qu'on peut appeler l'objectivité de la science n'est pas une question d'individus, intéressant les hommes de science pris à part, mais une question sociale qui résulte de leur critique mutuelle, de la division du travail amical-hostile entre scientifiques, de leur collaboration autant que de leur rivalité. Elle dépend donc partiellement d'une série de conditions sociales et politiques qui rendent la critique possible ». (In : Dario ANTISERI citant Karl POPPER. « La Vienne de Popper ». Editions PUF, Paris, 2004, page : 56).

Les propos de Popper ci-dessus ne signifient pas que si des vicissitudes sociales et politiques peuvent rendre l'usage de la critique impossible, ou alors difficile, de telles vicissitudes relatives à l'histoire peuvent aussi justifier de déclarer comme non valides les règles logiques démontrées comme étant indiscutablement valides et qui fondent une épistémologie puis la méthode scientifique. 

Ce n'est pas parce qu'un régime totalitaire ou l'attitude autoritaire de certains décideurs politiques, par exemple, ont temporairement pour conséquence le rejet du rationalisme critique et par suite de toute tentative de réfutation valide de ce qui peut être admis comme un "inébranlable consensus", que la logique de la découverte scientifique impliquant de manière sine qua non la mise à l'épreuve de toute théorie scientifique, ou de tout "consensus scientifique" par de nouvelles hypothèses et de nouveaux tests, devient non valide.

 
 

 

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L'Histoire n'est ni le "tribunal du monde" (Hegel) ni de la science si une écriture puis une lecture de l'histoire est incapable de se détacher d'un relativisme lié à des intérêts à l'écrire puis à la lire selon une perspective plutôt qu'une autre. Mais, la formule de Hegel réduisait plutôt les hommes à de simples objets qui seraient manipulables par une sorte d'entité abstraite placée au-dessus d'eux. Cependant, il n'y a pas d'entité abstraite qui puisse posséder une réalité, une vie concrète sans des individus bien réels, car "seul l'individu pense, seul l'individu raisonne, seul l'individu agit", écrivait Ludwig Von Mises.

"Pour Popper, "une des pires erreurs est de croire qu'une entité abstraite est concrète. Il s'agit de la pire des idéologies". L'erreur dans laquelle sont tombés et tombent toujours les collectivistes consiste à prendre une construction théorique abstraite pour un objet concret." (In : Dario Antiseri. "La vienne de Popper", éditions PUF. Philosopher en sciences sociales. 1° édition, janvier 2004, page : 106).

"Il est illusoire de croire qu'il est possible de visualiser des ensembles collectifs. Ils ne sont jamais visibles ; la connaissance qu'on peut en avoir vient de ce que l'on comprend le sens que les hommes agissants attachent à leurs actes". La propension à hypostasier les concepts, c'est-à-dire attribuer une substance et existence réelle à nos constructions mentales, constitue une tentation contre laquelle il faut continuellement lutter. Et "cette erreur est illustrée de la façon la plus éclatante par l'usage qui est fait du terme société par les différentes écoles pseudo-scientifiques. Il n'y a vraiment rien de mal à utiliser ce terme pour renvoyer à l'idée de coopération entre individus qui unissent leurs forces dans un but déterminé. C'est un aspect précis des actions des divers individus qui constitue ce que l'on appelle la société ou la "grande société". Mais la société en tant que telle n'est ni une substance, ni un pouvoir, ni un être agissant. (...) La société n'existe pas indépendamment de la pensée et des actions des personnes. La société n'a pas "d'intérêts" et n'aspire pas à en avoir. Cela vaut pour toutes les autres entités collectives". Cette propension à hypostasier les concepts collectifs représente le pire ennemi d'une connaissance scientifique valide". (In : Dario Antiseri. "La vienne de Popper", éditions PUF. Philosopher en sciences sociales. 1° édition, janvier 2004, page : 114).

Donc, la société ou l'Histoire, (puisque le terme "Histoire" est aussi un terme collectif, comme "société", "armée", "police", etc.), comprise comme le fit Hegel, n'existe pas et ne peut pas même exister. Elle ne peut être comprise comme "un monde sans sujet connaissant" échappant à toute appréhension humaine, à l'identique du "Monde 3" de Karl Popper, (monde de la science et de la connaissnce objective), parce qu'elle ne peut fonder, (comme dans les sciences de la nature), des théories qui permettent des prédictions.

En d'autres termes, l'historicisme et le mythe du destin ne peuvent être valides. Si la loi de la vitesse de la lumière a une valeur universelle corroborée dont les conséquences potentiellement connaissables échappent encore à toute possibilité humaine de prédire comment réfuter cette loi, il n'existera jamais aucune "loi historique", puisqu'il est impossible de savoir si un seul fait de l'Histoire peut se répéter selon un même prototype du passé : l'Histoire ne se répète jamais selon un même prototype du passé.

Le seul moyen de comprendre l'Histoire en général et l'histoire des sciences en particulier, puis de comprendre les sciences, réside dans une lecture puis une évaluation permises par un outil intellectuel doté d'une valeur impersonnelle, intemporelle et "ahistorique" démontrée, sans que jamais cette démonstration elle-même ne sombre dans la régression à l'infini pour sa propre justification. Par conséquent, l'usage d'arguments logiques valides est rigoureusement incontournable pour justifier d'une démonstration qu'une épistémologie, juge de toute science et aussi de l'Histoire, possède bien une valeur d'arbitrage impersonnelle et intemporelle (ahistorique).

L'épistémologie, si elle veut être juge et arbitre de toute forme de connaissance, doit être fondée sur la logique. A ce titre elle peut donc être juge arbitre de l'écriture de l'Histoire, de l'Histoire des sciences, et de toute autre forme de connaissance prétendant à l'objectivité, que ce soit de manière temporelle ou universelle. Donc, l'épistémologie doit permettre de décider si la présentation d'un fait historique ou d'une théorie scientifique peut mettre tout le monde d'accord (jusqu'à nouvel ordre), ou "transcender toute autorité humaine".

Dario Antiseri, citant Karl Popper : 

"En réalité, l'objectivité des sciences n'équivaut pas à celle du savant, "Ce qu'on peut appeler l'objectivité scientifique repose uniquement et exclusivement sur la tradition critique, qui, en dépit des résistances, rend souvent possible la critique d'un dogme qui prévaut. Autrement dit, l'objectivité de la science, n'est pas une question d'individus, intéressant les hommes de science pris à part, mais une question sociale qui résulte de leur critique  mutuelle, de la division du travail amicale-hostile entre scientifiques, de leur collaboration autant que de leur rivalité. Elle dépend donc partiellement d'une série de conditions sociales et politiques qui rendent cette critique possible". (In : Dario Antiseri. "La vienne de Popper", éditions PUF. Philosopher en sciences sociales. 1° édition, janvier 2004, page : 56)


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Bien que Karl Popper ait démontré que le “jeu de la science est logiquement sans fin”, son arbitrage, son évaluation, ne sont pas  conformes à celui qui concerne, par exemple, les activités sportives. Parce que ces dernières, si elles peuvent évoluer en fonction des progrès technologiques, des mentalités (publics et pratiquants), ou des facteurs économiques ayant des conséquences sur la technologie puis la spectacularisation du sport, doivent aussi s’adapter à ces évolutions en changeant les règlements. Cependant, si l'arbitrage des pratiques sportives est toujours intimement lié à leurs histoires, (l'on arbitre plus tout à fait un match de football des années cinquante comme on le fait aujourd'hui), ce lien n'empêche nullement que l'arbitrage sportif puisse être impartial, détaché de tout intérêt autre que celui de voir triompher les meilleurs.

Ainsi, l’arbitrage des activités physiques et sportives est-il le reflet de l’évolution historique de ces pratiques et y demeure intimement lié  en ce sens qu’il y participe de manière spécifique pour chaque époque : l’arbitrage sportif est donc une conséquence de l’évolution des pratiques sportives, alors que l’arbitrage épistémologique des sciences peut engendrer des conséquences sur la manière de comprendre leur histoire et leurs pratiques. 

Cet arbitrage épistémologique offre aussi la possibilité de réécrire et de comprendre l'histoire des sciences et de ses méthodes : un partisan de l'induction aura une écriture opposée à celle d'un partisan de la méthode hypothético-déductive de contrôle, comme le fut Karl Popper. Imre Lakatos, a proposé une écriture et une compréhension de l'histoire et de la méthodologie des sciences différente de celle de Karl Popper, sur la base des "programmes de recherche scientifiques" (notion pourtant empruntée à Popper),  en examinant comment évoluent leurs "heuristiques positives" jusqu'à ce qu'un programme n'entre en dégénérescence et qu'il ne soit supplanté par un autre qui lui est concurrent ; et Thomas Kuhn a lui aussi sa propre réécriture et compréhension de l'histoire des sciences grâce à la notion de "paradigme scientifique", quoique la notion de "paradigme" puisse être intégrée dans l'épistémologie de Popper, à cette différence notable que pour Popper, un changement de paradigme serait le fruit d'expériences cruciales de falsification entre deux grandes théories ou paradigmes scientifiques concurrents, alors que pour Kuhn, et selon la critique de Lakatos contre lui, ces changements seraient irrationnels, (mais Lakatos conteste aussi le fait que les progrès scientifiques soient le fruit "d'expériences cruciales de falsification" entre deux programmes de recherche scientifiques).

L'épistémologie fondée sur la logique de Karl Popper peut éclairer les scientifiques sur leur manière de travailler, (dans la préface de "La logique de la découverte scientifique, Jacques Monod, Prix Nobel de médecine, écrit que tout scientifique pourrait découvrir "le mouvement de sa pensée" dans l'ouvrage de Popper...), et pour certains d'entre eux (sinon même l'immense majorité, espérons-le...), les motiver à modifier, voire à changer leurs méthodes de recherche, comme ce fut le cas pour le Prix Nobel de médecine, John C. Eccles, lequel  reconnu "sa dette méthodologique" envers Popper en essayant de réfuter plus systématiquement ses théories au sujet des interactions envisageables entre le corps (le cerveau) et l'esprit (la conscience).

Dans le domaine des sciences de la nature, puisque tout dépend initialement de la manière dont l’être humain envisage l’identification et la discrimination des meilleures hypothèses à tester pour parvenir à corroborer des théories universelles et des classifications donnant ensuite lieu à des applications pratiques, alors, “l’arbitre” doit être celui qui peut démontrer et expliquer que ce qu’il y aurait de permanent dans l’entendement humain détermine et peut garantir une approche objective et tout aussi permanente, universelle, des sciences et du progrès de leurs connaissances. Ainsi, selon Karl Popper, il n'y aurait jamais eu de méthode inductive, comme activité "permanente" (et opérante) dans la fonctionnement de l'entendement humain, considérant même que l'induction n'est qu'un mythe dans la théorie de la connaissance. Pour Karl Popper, ce qui serait "permanent" et par suite opérant de manière intemporelle, serait donc la méthode hypothético-déductive de contrôle. Karl Popper démontre qu'il n'y a jamais eu d'induction, de méthode inductive qui puisse être efficace pour l'apprentissage et l'adaptation à l'environnement de toute créature vivante, ("de l'amibe à Einstein", écrit-il dans "La connaissance objective"), donc à former des connaissances, et assume le "meurtre du positivisme logique" (Cf. "La quête inachevée").

 


La recherche ou l’approche de la Vérité objective ne peut se faire sans l’entendement humain, c’est évident. Et ce qui est considéré comme une “règle” ou une vérité objective dans un sport quelconque n’est pas une règle de l’entendement, bien que ce soient des règles de l’entendement qui président à la découverte de toute nouvelle règle dans tous les sports.

Ensuite, si la connaissance de certaines règles de l’entendement peut elle aussi évoluer, (par exemple grâce aux progrès des neurosciences ou des sciences cognitives), l’évolution de ces connaissances est abordable par la compréhension de la méthodologie utilisée laquelle est identifiable par une logique qui se situe donc en amont. Karl Popper a démontré que certaines règles logiques s’appliquent et qu’elles sont immuables, comme par exemple celles-ci : les énoncés universels de la science sont tous invérifiables avec certitude ; et il est impossible qu’une observation soit “pure” des faits, etc.


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Mais si l'épistémologie doit être à ce point complètement indépendante de l'histoire des sciences, donc sans jamais se référer au travail réel des scientifiques, (ce qui semble absurde...), où se trouverait donc la pertinence puis l'efficacité de son arbitrage que nous estimons devoir être, qui plus est "impartial", indépendant, impersonnel ? 

Autrement dit, s'il n'y avait vraiment aucun exemple pris dans l'histoire des sciences qui puisse rendre compte et illustrer comment cette épistémologie a pu être un arbitre aussi intransigeant, pertinent et efficace, comment serait-il possible, non seulement de comprendre l'évolution de la connaissance scientifique au cours de son histoire, et dans ce décours temporel de porter un jugement sur ce qui a bel et bien été "scientifique" par rapport au "pseudo-scientifique" ?

En tenant compte de l'oeuvre de Karl Popper, la réponse à ces problèmes se trouve dans ses arguments contre la méthode inductive et la prétendue cueillette des faits ou "collections de faits" qui en découle (voir, par exemple, les conceptions de Naomi Oreskes), donc dans les arguments logiques qui justifient de manière indiscutable certaines thèses en philosophie de la connaissance permettant l'invalidation que fait Karl Popper de la méthode inductive : il n'y a tout simplement jamais eu de méthode inductive qui fut possible (ou qui le deviendrait) dans aucun type de formation de connaissance, que ce soit pour une connaissance scientifique ou une autre. 

En conséquence, la méthode inductive ne peut pas servir de fondement à une illustration de l'histoire de la croissance de la connaissance scientifique et même de la façon dont une créature vivante accède à la connaissance de son milieu, s'y adapte et y apprend.

Il en résulte que dans le travail réel des scientifiques, ou dans "la science normale", l'impossibilité démontrable de manière indiscutable par des arguments logiques de tout recours à une méthode inductive où le scientifique accèderait à la connaissance en dehors de toute tentative de mise à l'épreuve d'une hypothèse, (donc sans le recours à la méthode hypothético-déductive de contrôle), est le meilleur fondement possible à une illustration de l’épistémologie dans son oeuvre d'arbitrage et de validation de la méthode par “conjectures et réfutations” utilisée par les scientifiques, mais pas nécessairement de toute l'histoire des sciences, puisque beaucoup de scientifiques ont cru et croient encore pouvoir démontrer la valeur universelle d'explications scientifiques sur la base de la méthode inductive ou du positivisme logique.

La seule possibilité de reconstruction rationnelle historique de la science normale (et de ce que font réellement les scientifiques) pour comprendre ce qui s'est passé au cours de l'histoire des sciences ne pourrait donc éviter d'identifier un recours exclusif par les scientifiques à l'utilisation de la méthode des conjectures et réfutations contrôlées par des tests préconisée par Karl Popper.



Ce sont des arguments logiques indiscutables contre la méthode inductive, arguments intemporels et ahistoriques, qui offrent la possibilité à une épistémologie fondée sur la logique d'être elle aussi intemporelle et ahistorique. 

Cette épistémologie peut donc être totalement indépendante d'une histoire des sciences qui ne comprendrait le travail réel des scientifiques qu'à la lumière d'un usage permanent ou même temporaire de la méthode inductive, mais ne peut qu'être illustrée que par une histoire des sciences laquelle au contraire comprendrait ce que font réellement les scientifiques à partir de la méthode hypothético-déductive de contrôle par des tests, "toujours renouvelés et toujours affinés" (K. Popper). 

En somme, tout ce qui ne correspond pas à cette épistémologie et à la méthodologie qui peut en être déduite ne devrait pas (...) être inclus dans l'histoire de sciences, (puisque même ceux qui ont cru utiliser la méthode inductive, n'ont pu réellement le faire étant donné qu'aucune "collection de faits" n'est possible sans une théorie a priori qui permette justement une collection de faits), celle du travail réel des scientifiques, mais demeure aussi hors de la science, pseudo-scientifique ou métaphysique. 

Cependant, il faut répéter que ce qui, en l'occurrence, pose problème, c'est, comme nous l'avons dit plus haut, que certains scientifiques ont réellement cru parvenir à corroborer des lois scientifiques ou que les théories universelles pouvaient être "justifiées" sur la base de la méthode inductive alors que c'est impossible.


 

Bien que l’histoire ne soit pas une science, ceux qui veulent l’écrire sont soumis à des règles méthodologiques pour établir des faits historiques reconnus, comme celle-ci : le seul témoignage de l’existence d’un fait du passé n’est pas une preuve que ce fait se soit réellement produit parce qu’une preuve n’est établie de façon crédible que si l’on est parvenu à démontrer de manière valide la correspondance d’un témoignage avec des faits ("un jugement est vrai lorsqu'il correspond aux faits". Alfred Tarski ; Karl Popper).  

L’épistémologie définissant des règles méthodologiques impersonnelles (parce que l'on ne peut être "juge et partie") est donc juge de toute tentative de mise en correspondance d’un témoignage ou d'un énoncé avec des faits. Elle est donc juge d'une écriture valide de l’histoire et juge de la corroboration ou de la réfutation des théories des sciences.


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Il n’est pas admissible qu’une science définisse une épistémologie et des règles méthodologiques affiliées qui lui soient entièrement spécifiques, donc "relatives" en choisissant par exemple de justifier de la prétendue validité de la méthode inductive, donc d'une certaine approche de la théorie de la connaissance et de la logiqueUne science digne de ce nom ne peut donc jamais prétendre "s'autoriser d'elle-même" ou d'une lecture partiale de l'histoire des sciences, ainsi que d'une compréhension tout aussi partiale voire erronée de la théorie de la connaissance et de la logique.

Par exemple, il n’est pas admissible qu’une science ne reconnaisse que temporairement certaines règles méthodologiques par rapport à une autre science parce que les scientifiques qui tenteraient de la construire ou de la faire progresser s’apercevraient qu’ils échouent systématiquement à imaginer de nouvelles hypothèses ou a en corroborer au lieu d’admettre qu’il est vain de vouloir s’acharner à continuer d'être “scientifique” dans un domaine de recherche où c’est impossible.

Autre exemple : la psychanalyse ne peut se dire “scientifique” avec des méthodes radicalement différentes d’autres sciences comme la physique, la biologie, l’astronomie, etc., comme l’impossibilité de fournir des preuves indépendantes. Parce que ce qui doit être tenu pour une ou des “preuves” objectives susceptibles de garantir la valeur universelle d’une théorie permettant certaines observations et prédictions doit aussi déterminer la validation de toute forme de connaissance sur des faits de la Nature (nature humaine comprise). 

Cela suppose que tout individu doit pouvoir admettre et faire admettre à d’autres que “c’est bien une preuve” selon des critères qui ne dépendent pas de lui ou de l’univers spécifique de la science où ces preuves doivent être admises comme telles. Dans la négative, une semblable situation rendrait la possibilité à n’importe quel individu, à une science et à des scientifiques d’être “juges et partie” en dehors d’un contrôle institutionnel permettant d’encadrer et de valider les productions scientifiques ou qui prétendent l’être.

Ce qui doit être admis par tout le monde (les scientifiques, ceux qui jugent la science et les citoyens qui bénéficient de ses avancées) comme une procédure valide d’administration des preuves (scientifiques), donc aussi comme des preuves objectivement valides, doit impérativement transcender toute autorité humaine (K. Popper) et donc s’affranchir au mieux de toute intrusion du subjectivisme, du psychologisme, et surtout du relativisme, ennemi mortel de la Science.

La seule solution envisageable dans ce but reste donc que cette épistémologie soit fondée sur la logique, comme celle de Karl Popper, et que les arguments logiques qui la fondent soient indiscutablement valides et démontrables en tant que tels sans que cette démonstration ne sombre dans aucune régression à l'infini.

Certes, d’une science à l’autre il peut exister quelques différences d’ordre méthodologiques, mais l’épistémologie fondée sur la logique permet de démontrer de manière indiscutable que la méthode de toutes les sciences reste fondamentalement identique. Ce type d’épistémologie permet donc de justifier d’une “unité de la méthode scientifique” (K. Popper).


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Voici donc maintenant le seul point important à propos duquel nous serions en désaccord avec une affirmation du Pr. Raoult, selon laquelle, nous le citons : “l’épistémologie c’est l’histoire des sciences” :

Autrement dit, pour le Pr. Raoult, il semble que l’épistémologie serait identique à l’histoire des sciences et que c’est donc une discipline qui en quelque sorte se confondrait avec les diverses vicissitudes de l’histoire des sciences et donc aussi avec tout l’environnement social et humain qui peut la déterminer ou en conditionner les possibilités d’émergence, de constitution, de divulgation, de continuation et de survie.

Mais cette affirmation nous semble impliquer au moins ceci : c’est que si l’épistémologie était bien identique à l’histoire des sciences, alors à une époque donnée où l’on n’aurait pas encore perçu ni même accepté que la méthode inductive du positivisme logique fut une erreur de compréhension de la formation de toute connaissance, (y compris scientifique), les théories scientifiques se seraient donc bien construites par l’observation directe, (donc par “collections de faits bien observés” pour justifier les théories universelles en allant du particulier au général), c’est-à-dire sans que l’on ait pu admettre ou que l’on ait compris que ce fut toujours la théorie qui guida l’observation (K. Popper).

En somme la façon dont les scientifiques auraient construit leurs connaissances puis les auraient fait admettre au monde aurait donné entièrement raison aux représentants du positivisme logique, comme par exemple à Auguste Comte, puis plus tard aux membres du Cercle de Vienne, et cela malgré l’éclairage de génie que fournit David Hume dans son “Enquête sur l’entendement humain” où, en une phrase il devint selon Karl Popper le premier philosophe de l’histoire à exprimer de la manière la plus claire le caractère non valide de la méthode inductive procédant du particulier au général :

« Persuadez une bonne fois pour toutes les hommes de ces deux principes, il n’y a rien dans un objet considéré en lui-même qui puisse nous apporter une conclusion qui le dépasse ; et même après l’observation d’une fréquente ou constante conjonction d’objets, nous n’avons aucune raison de tirer aucune inférence au sujet d’aucun objet autre que ceux dont nous avons eu l’expérience » (David Hume, cité par Popper, “La connaissance objective”, Aubier, Paris, 1991, p. 156).

Mais l’oeuvre de Karl Popper a apporté une solution, non seulement au “problème de Hume” (le problème de l’induction), mais encore au “problème de Kant” (le problème de la démarcation”) puis a mis fin à la polémique l’opposant aux membres du Cercle de Vienne où il fut admis comme “l’opposition officielle”, pour enfin écrire avec raison dans “La quête inachevée” qu’il devait assumer le “meurtre du positivisme logique”.


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Karl Popper a démontré que l’épistémologie fondée sur la logique est intemporelle, “ahistorique”, et qu’elle peut donc fort bien se passer d’exemples pris dans l’histoire des sciences, en en étant indépendante et impartiale comme doit l’être tout arbitre digne de ce nom.  

Et c'est vraiment ce dont l'humanité a un impérieux besoin en matière de Sciences et aussi de Justice : d'arbitres, de juges, aussi impartiaux que possible.  

Nous avons dit et répété déjà plusieurs fois cette idée essentielle de Karl Popper : "La vérité transcende toute autorité humaine". Il s'agit, bien entendu de la vérité objective lorsqu'elle est reconnue comme valide. Dans le domaine de la justice, la Vérité doit (ou devrait) donc transcender aussi l'autorité d'un juge, d'un procureur, des avocats, des prévenus, des parties civiles, et de l'opinion publique,...de tout le monde. Le seul moyen pour qu'elle y parvienne est un combat contre l'intrusion de toute forme de psychologisme. Par exemple, décider de la culpabilité (ou de l'innocence) d'un accusé sur la seule base de témoignages de "bonne foi" est, selon nous, l'exemple type et l'un des plus graves de cette introduction du psychologisme dont nous parlons. Un témoignage n'est pas une preuve. Et "un jugement est vrai, lorsqu'il correspond aux faits" (A. Tarski ; K. Popper).



Cependant, il faut convenir de certaines différences entre la possibilité et la nécessité d'une validité intemporelle de l'arbitrage épistémologique en Science, par rapport au domaine juridique. En effet, si l'arbitrage épistémologique des sciences doit être intemporel, il ne nous semble pas possible que ce qui fonde les décisions et les actions des juges puisse également être intemporel dans tous les cas : la manière d'apprécier et de juger moralement des actions humaines ne peut que varier, s'adapter, dans beaucoup de cas à diverses contraintes qui peuvent influencer la morale elle-même, quoiqu'il nous semble impossible qu'il n'existe tout de même pas des invariants moraux dotés d'une valeur intemporelle, comme l'interdiction du tuer son prochain ou de porter atteinte à l'intégrité physique ou mentale de la jeunesse.

Mais, dans le domaine des sciences, cela implique que l'on doit pouvoir toujours retrouver la méthode des "essais et erreurs contrôlés", ou méthode par "conjectures et réfutations contrôlées", ou des procédures de réfutation ou l'usage de la méthode hypothético-déductive dans toute reconstruction historique rationnelle du travail des scientifiques du passé. Une histoire des sciences valide ne devrait (...) être qu'une illustration de l'épistémologie de Karl Popper et ceux qui pensent démontrer qu'au contraire cette histoire ne peut l’illustrer sont dans l'erreur, parce que, comme nous l'avons dit plus haut, les thèses de Popper se fondent sur des arguments logiques indiscutables. Et tout cela doit sembler fort péremptoire, mais…

L’un des arguments logiques les plus connus de l’oeuvre de Popper pour valider sa pensée épistémologique consiste à démontrer de manière indiscutable qu’il ne peut y avoir d’observation “pure des faits”, ce qui veut dire que toute observation est toujours précédée, déterminée par la théorie, un préjugé théorique quelconque, et bien entendu que cela a toujours été le cas et que cela le sera toujours. Cet argument a comme conséquence qu'il n'y a donc jamais, stricto sensu, "d'évidence" car rien ne "tombe sous le sens". Autrement dit, il n'y a pas de prétendues "sense data" comme le croyaient les philosophes du Cercle de Vienne, et à partir d'elles, aucune "collection de faits" qui puisse justifier des théories universelles.

Cet argument veut donc dire cette chose très importante, (comme le démontre aussi Popper notamment dans “La connaissance objective”), c'est que jamais aucune créature vivante de “l’amibe à Einstein” n’a jamais rien appris ni n’apprendra jamais rien par la méthode inductive et que toute formation de connaissance, tout apprentissage ont toujours consisté, consistent et consisteront toujours en la résolution de problèmes, résolution qui ne peut rigoureusement pas éviter d’en passer par l’usage de la méthode hypothético-déductive de contrôle, autrement dit par la méthode des “conjectures et réfutations” contrôlées par des tests dont la logique est toujours (a toujours été, et sera toujours) une ou plusieurs tentatives de réfutations.  


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Une épistémologie se doit donc d'être intemporelle et ahistorique pour prétendre à un arbitrage aussi indépendant et impersonnel que possible de toutes les sciences, (ou de tous les projets de "faire science"), alors que les théories scientifiques elles, même si elles peuvent avoir une valeur universelle corroborée par des tests ne peuvent garantir par aucun argument logique d’être absolument intemporelles, parce qu’elles doivent toujours pouvoir courir le risque d’être un jour réfutées par de nouveaux tests selon des conditions initiales inédites d'expérimentation.

En résumé : l’épistémologie fondée sur la logique peut être intemporelle et absolue. Mais les théories universelles de la science sont intemporelles et relatives à des tests “toujours renouvelés et toujours affinés” (K. Popper).

Cependant, l'on objectera encore une fois (...) que l'épistémologie elle-même peut être relative aux tests scientifiques dès lors qu'elle ne permettrait plus de les comprendre, non seulement dans ce qui a pu en initier la construction, mais aussi la méthodologie et donc la logique qui a pu la justifier... C'est-à-dire qu'elle deviendrait dépendante des sciences pour sa justification. Et que par conséquent, l'épistémologie devrait se calquer sur l'histoire des sciences ! (Ce qui viendrait contredire toute la position que nous avons défendue). Mais, avec Karl Popper, nous avons déjà répondu à ce problème plus haut. 

Si c'était donc le cas, (que l'épistémologie ne permette plus de comprendre les pratiques scientifiques), alors il faudrait s'interroger sur de nouvelles règles épistémologiques impartiales et ahistoriques nouvellement adaptées aux nouveautés scientifiques en matière de méthodologie, ces nouvelles règles étant issues de la recherche en épistémologie ! Et de telles règles intemporelles et ahistoriques seraient donc à nouveau nécessaires : des règles impartiales pour tous les types de sciences afin d'éviter au maximum l'intrusion de tout relativisme et de tout psychologisme dans le travail réel des scientifiques ou qu'une science ne puisse se juger elle-même (être juge et partie d'elle-même), en dehors de tout arbitrage indépendant.

Les quelques arguments de Karl Popper fournis plus bas, démontrent qu'il est impossible que de tels changements radicaux apparaissent : que son épistémologie ne soit, tout à coup, plus du tout capable de comprendre et de juger du travail réel des scientifiques. Tout au plus faudrait-il trouver une nouveauté logique puis épistémologique qui rende encore plus sévère le critère de démarcation de Karl Popper afin de garantir toujours mieux une protection contre l'intrusion du relativisme et du psychologisme. Ainsi, ce critère de démarcation ne peut plus être réfuté et du reste, il n'a jamais été réfutable. Mais la logique, lorsque elle est valide, n'est pas réfutable, elle est éternellement valide...

Comme on le voit : il n'y a pas d'autre possibilité que celle offerte par Karl Popper. Une société a un impérieux besoin d'un arbitrage impartial de toute science. Il lui faut donc une épistémologie d'un genre bien particulier, c'est-à-dire qui ne soit jamais affilié spécifiquement aux seuls besoins et autres intérêts d'une science en particulier.


Ainsi, ces quelques autres arguments logiques de Popper pour valider son épistémologie sont intemporels (valides pour toujours) et absolus :

  • le fait qu’il soit à jamais impossible de vérifier (avec certitude) les énoncés universels au sens strict de toute science ;  
  • qu'il est pour toujours impossible qu'il y ait une observation qui soit "pure des faits" : toute observation est toujours précédée par la théorie.
  • que toute science se doit de corroborer ce type même d’énoncés (et non des énoncés universels au sens numérique comme le prétendaient Bourdieu et Passeron pour justifier la scientificité de leur sociologie) ;
  • que l’accès à la précision absolue dans toute mesure est à jamais impossible ;
  • que l’accès à la certitude est du même coup définitivement impossible dans toute forme de connaissance de la Nature (nature humaine comprise) ;
  • par conséquent qu’aucune réfutation ni aucune corroboration de toute connaissance de la Nature ne sera jamais certaine ou définitive ;
  • et que “le jeu de la science” sera toujours logiquement sans fin. (Etc., etc.).

Donc, voici pourquoi avec l’épistémologie de Popper l’humanité dispose de cet “arbitre intemporel et ahistorique” pour évaluer la valeur scientifique de toutes les théories scientifiques : celles du passé, du présent, et du futur. Et voilà aussi pourquoi l’épistémologie n’est pas l’histoire des sciences, ou l’histoire des théories scientifiques et de tous les aléas qui en accompagnent la formation.

(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).



P.S. : la psychanalyse n'est l'épistémologie de rien, et la science de rien. C'est une "théorie zéro" (Mikkel Borch-Jacobsen).


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Karl Popper : 

"Selon certains, parmi lesquels même quelques-uns de mes anciens élèves, ma philosophie des sciences serait réfutée par les faits, à savoir ceux de l'histoire des sciences. C'est une erreur qui porte à la fois sur ces faits historiques et sur les prétentions de ma méthodologie.

Comme j'ai essayé de le mettre en lumière dès 1934, je ne considère pas la méthodologie comme une discipline empirique, susceptible d'être testée, par exemple par la confrontation avec les faits de l'histoire des sciences. La méthodologie est en réalité une discipline philosophique ou métaphysique, peut-être même, dans une certaine mesure, un programme de portée normative. Elle se fonde en grande partie sur le réalisme métaphysique et sur la logique de la situation, à savoir celle du scientifique sondant la réalité inconnue derrière les apparences et soucieux d'apprendre par ses erreurs.

Néanmoins, j'ai toujours pensé que ma théorie du développement des sciences (une réfutation suivie de l'apparition d'un problème nouveau, auquel succède une théorie nouvelle, éventuellement révolutionnaire) présentait le plus haut intérêt pour l'historien des sciences, puisqu'elle conduisait à une révision de sa manière d'interpréter l'histoire, et ce d'autant plus qu'à l'époque (en 1934) la plupart des historiens défendaient une théorie inductiviste des sciences dont ils sont à présent, même ceux qui me critiquent, en grande partie revenus.

Que ma théorie, dans la mesure où elle est juste, puisse présenter de l'intérêt pour les scientifiques et les historiens n'est guère surprenant ; en effet, nombre d'entre eux, à mon avis la plupart, partagent ma conception réaliste de l'univers et se font des buts de la science la même idée que moi : parvenir à des explications toujours meilleures.

(...)

Comme je l'ai dit, je n'ai jamais considéré ma théorie de la science comme une théorie historique ou susceptible d'être étayée par des faits, historiques ou autres. Néanmoins, je doute qu'il existe une théorie de la science qui puisse jeter autant de lumière sur l'histoire des sciences que celles des réfutations suivies de reconstructions à la fois révolutionnaires et conservatrices".

(Karl Popper. "Le réalisme et la science". Traduction par Alain Boyer et Daniel Andler. Editions Hermann, Paris, 1990, pages : 7, 12-13).


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Mon roman, "HOAG, un témoignage du futur":











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