samedi 20 décembre 2014

Le langage et l'inconscient. (Patrice Van den Reysen).










Charlatan. Chris Van MOORSEL.


"L'inconscient" de la psychanalyse, n'est qu'un "rêve de dément issu de la langue, et non de la tête" (...).


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(Pour reprendre le jugement de Schopenhauer sur la philosophie hégélienne, jugement qui peut fort bien s'appliquer à la psychanalyse, et en particulier, la psychanalyse lacanienne).




La vérité ne nous parle pas. La Nature ne nous dit rien de ses « vérités ». Nous suivons encore Karl Popper… C’est toujours nous qui faisons « parler » la Nature, avec nos théories,  nos hypothèses, nos tests, et les interprétations de leurs résultats.

Le problème est le même, selon nous, en ce qui concerne le langage animal. C’est encore les hommes qui par les significations qu’ils lui attribuent, font « parler » certains animaux, pour tenter de les comprendre. C’est-à-dire que le filtre du langage humain, vis-à-vis du langage animal, ou de toute autre chose, est nécessaire, inévitable, parce que l’on ne peut pas non plus sentir la vérité. Nous ne croyons pas que la vérité soit affaire de sensations.

Le langage est ce qui nous permet d'énoncer des descriptions de toutes choses. Il est l'outil de la raison, et cet outil ne peut donc jamais être semblable ou identique au réel qu'il peut décrire. Si un phénomène naturel quelconque se produit sous les yeux d'un individu doué du langage, il peut le décrire à l'aide de celui-ci. Mais ses descriptions ne sont que le reflet de ses connaissances, de sa mémoire, et de la façon dont il se représente ce qu'il voit. L'action de décrire ne peut donc être parfaitement identique à  l'objet, puisqu'il y a une mise à distance évidente avec lui.

La tâche de la Science consiste aussi à réduire de plus en plus cette distance entre les énoncés descriptifs qu'elle corrobore et les phénomènes qu'elle étudie. Lorsque nous sentons quelque chose, et si nous n'étions dotés, a priori du langage et des termes universels qu'il contient, nous ne pourrions décrire nos sensations.

Bien souvent, ils nous arrive de sentir des choses comme des douleurs physiques, par exemple, et dans l'instant nous ne décrivons rien. Cependant, la sensation peut bien être identifiée comme désagréable par rapport à une autre qui serait son contraire. Mais dès que nous voulons accéder à la connaissance de nos sensations (car nous ne croyons pas que l'on puisse parler de connaissance sans un langage qui soit exprimé, et sortit du "Monde 2" subjectif, de l'individu), il nous faut d'abord pouvoir les décrire par un langage déjà formé avant nous, avec des termes universels déjà connus, ou bien en inventer de nouveaux. Par conséquent, l'acte de la connaissance humaine commence par la mise à distance, par le langage descriptif, et ses premières hypothèses sur les objets ressentis ou perçus. Ce qui ne signifie nullement que la connaissance débute par ces sensations ou ces perceptions. Car un individu qui n'aurait jamais entendu parler des termes "désagréable" et "agréable", et qui serait donc supposé totalement incapable de mettre un mot sur les sensations apparentées, ne pourrait opérer cette mise à distance par le langage, laquelle permet, par reproduction d'une ou plusieurs anticipations, de renouveler d'autres expériences contrôlées sur ce qui est désagréable ou agréable. La connaissance humaine n'est donc possible que parce qu'il y a d'abord le langage, donc la mémoire des mots, de certains énoncés qui sont à chaque expérience mis à l'épreuve par les sensations reconnues ou non par les mots et les énoncés déjà mémorisés.

Ainsi, personne ne peut par le langage avoir la "sensation" (...) de son inconscient, telle que cette sensation soit absolument et immédiatement identique à lui. Personne ne peut "parler l'inconscient". Tout comme la nature, c'est toujours un individu qui le "fait parler", mais qui peut ignorer, ou feindre d'ignorer, qu'il ne peut savoir de quoi il parle à propos de cet inconscient. Nos mots, nos phrases, tous nos énoncés, ne sont pas directement de prétendues "preuves" d'un inconscient. L'être humain n'a pas un accès direct à la vérité sur la nature des choses, quelles qu'elles soient, précisément parce qu'il lui faut un langage pour décrire puis tenter d'accéder à la connaissance de ces choses. Ensuite, pour établir la preuve qu'un langage serait identique ou à peu près (...) identique à un inconscient qui le déterminerait, il faut un métalangage sur ce langage objet, comme l'a magistralement démontré Alfred Tarski dans sa théorie de la vérité comme correspondance avec les faits. Et ensuite, il faut des tests corroborant des preuves indépendantes pour établir la valeur descriptive du métalangage sur le langage objet en tant que ce dernier serait bien "identique" à un inconscient déterministe...

Le langage, avec sa fonction argumentative (K. Popper) est sans doute ce qui sépare le plus l’animal de l’être humain.

Donc, certains ont cru pouvoir « parler » l’inconscient. S’ils admettent que cet inconscient peut être un « autre » à l’intérieur de nous-mêmes, comme une créature qui selon son déterminisme tiendrait sans faillir toutes les ficelles de notre conscience, alors, nous voyons une impossibilité indépassable à pouvoir « parler » cet inconscient, puisque que la parole humaine ne peut pas être inconsciente, il ne peut y avoir d’identité absolue et d'immédiateté entre la parole et cet inconscient.

Dire que les mots, les phrases, les énoncés, les théories, les hypothèses, « trahissent » toujours (…) notre « inconscient », c’est, par ce verbe, faire usage de la conscience. D’un langage conscient. Entre cette affirmation que nos verbalisations trahissent notre inconscient et l’inconscient lui-même, il faut des preuves indépendantes. Mais ces preuves, pour être établies puis exprimées seront à leur tour dépendantes de l’usage du langage et de son insoluble imprécision par rapport aux faits. Ainsi,  nous pensons que celui qui prétend justifier sans preuve indépendante l’existence d’un inconscient, à travers ses « traductions » dans le langage humain, ne peut que trouver dans chaque mot une confirmation lue à la lumière de sa théorie de l’inconscient et non une preuve. Mais il aura aussi la charge de la preuve de démontrer en quoi l’inconscient peut être responsable des imprécisions de notre langage pour le « traduire » ; et celui qui s’engagerait dans une telle démarche devrait s’assurer que lui-même contrôle toutes les imprécisions possibles qui pourraient être dues à son inconscient et qui seraient susceptibles de le faire échouer dans son projet : c’est-à-dire de l’empêcher de mesurer avec toute la précision souhaitée, en quoi consistent, justement, les imprécisions qu’il tenterait d’élucider !...

Ceux qui ont donc affirmé pouvoir parler « l’inconscient » (comme Jacques Lacan) ont cru en cette chose impossible : qu’une certaine vérité (absolue pour la psychanalyse) puisse "parler" ou se manifester (...) immédiatement par le biais du langage humain.

Une théorie de l’inconscient, telle que la conçoivent les psychanalystes est donc une théorie où la possibilité du bavardage sur les causes possibles de la pensée consciente et son actualisation dans le langage est logiquement infinie, mais dans le sens où l’on peut dire tout ce que l’on veut, et y compris prétendre justifier la chose, son contraire, et le non-dit. Un bavardage sans limite, et sans jamais aucune preuve indépendante, aucun risque de mise à l’épreuve qui puisse mettre fin à un type d’interprétations délirantes plutôt qu’à un autre. Nous pensons même que cette théorie de l'inconscient rend l'approche de la conscience "indécidable".

Le  langage humain, ne peut être parfaitement et immédiatement identique à aucune vérité, il ne peut qu’être un outil pour tenter d’y accéder afin de s’en approcher de toujours plus près … Mais l’accumulation d’interprétations sur l’inconscient à partir de sa prétendue « traduction » dans le langage conscient, ne constitue aucun progrès de la connaissance objective dans ce domaine, puisque il n’y a rien qui puisse être exclut, selon cette théorie, comme cause d’une pensée consciente, en dehors d’une cause inconsciente.



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Sur ce site, on peut lire, entre autres dogmes, ceci :

A : "L'inconscient structuré comme un langage entraîne la formule bien connue de la fin des années cinquante : " un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant ", formule à lire à partir de ce qu'elle implique comme effacement pour le sujet. L'être parlant n'est que représenté par le signifiant, révélant le paradoxe ontologique qui fait que le terme " sujet " désigne à proprement parler non un être, mais un manque-à-être vidé des bouchons des identifications imaginaires du moi, des rationalisations cogitantes de la philosophie, des espoirs substantialistes de la biologie."

Question :

Quelles preuves indépendantes, quels tests et selon quelles conditions initiales reproductibles sont à l'appui de toutes ces affirmations depuis les débuts de la psychanalyse ?

Réponse :

Aucune preuve, aucun test. Selon Jacques Lacan, le sujet n'existe donc pas vraiment. La conscience, le libre-arbitre, tout ça... n'est qu'illusion, puisque le "signifiant représente le sujet (à sa place, à son insu), pour un autre signifiant". Toujours la même question : comment est-il démontré de manière valide et objective, donc avec des preuves indépendantes et reproductibles de façon intersubjectivement contrôlées (et dans un cadre extra-clinique, cela va de soi), d'une part, que ce qui est estimé "signifiant" l'est bien pour le sujet, à un niveau "inconscient", et, d'autre part, comment s'opèrent les relations de cause à effet entre ce premier niveau de "signifiant" (qui représente le sujet), et le second niveau, "l'autre signifiant" ?... Toujours la même réponse : rien n'a été démontré de manière valide, et du reste, rien de ce genre qui repose sur le déterminisme psychique prima faciae absolu n'est démontrable.

B : "Que tout le réel du sujet ne soit pas symbolisable, formulable en mots, n'interdit cependant pas de reconsidérer ce reste à partir d'un inconscient réélaboré pour inclure le hors sens, spécifiquement celui de la jouissance du corps, hétérogène au signifiant, mais lui étant nouée. C'est à l'encontre d'une définition de l'inconscient comme pur discours à déchiffrer par une machine linguistique que Lacan émancipe l'inconscient de la référence exclusive au signifiant en mettant en lumière comment se nouent les effets du réel de la jouissance, le corps et la structure de l'appareil inconscient."

Question :

Comment Lacan a-t-il procédé pour "réélaborer" la théorie de l'inconscient ? Quelles hypothèses ? Quels tests ? Donc, quelles réfutations et quelles corroborations qui aient pu être contrôlées et répétées par d'autres de manière indépendante ?

Réponse :

Aucun test. Aucune corroboration, ni aucune réfutation contrôlée de manière indépendante. "Inclure le hors sens", ne doit être compris, épistémologiquement parlant que par cette voie : reformuler la théorie, sans le moindre test valide, pour qu'elle absorbe une contradiction possible, et devienne encore plus élastique, et irréfutable. Désormais pour Lacan, et puisqu'il y avait, non seulement, le "non-sens", mais aussi le... "hors-sens" (..!), les choses sont maintenant totalement absorbées par le délire du déterminisme psychique prima faciae absolu. Il n'y a aucun résultat (scientifique) qui ait été fourni par les lacaniens depuis Jacques Lacan qui soit susceptible d'avoir démontré sur la base de preuves validement administrées en dehors de tout cadre clinique que "la structure de l'appareil inconscient" serait la cause "d'effets du réel de la jouissance" (...) avec d'autres effets sur le corps. En l'absence de telles preuves, l'accusation de dogmatisme ou d'affirmations péremptoires et arbitraires reposant sur le sophisme post hoc ergo propter hoc devient incontournable.

C : "Par son activité de chiffrage, à mesure du déroulement de la chaîne parlée, l'inconscient produit du sens."

Toujours les mêmes questions, et les mêmes réponses (il n'y a aucune preuve que l'inconscient, tel qu'il est envisagé par les psychanalystes, soit producteur de sens, et nous continuons d'affirmer que sous cette forme psychanalytique il est impossible qu'il le soit en n'étant qu'une construction superfétatoire délirante issue de Sigmund Freud et "élargie" par Jacques Lacan). Comment a été démontrée de manière valide et extra-clinique "l'activité de chiffrage" de cet inconscient ? Comment ont été démontrées de manière valide (...), de possibles relations de cause à effet entre cet inconscient qui serait "producteur de sens", et l'individu qui parle, c'est-à-dire, "la chaîne parlée", et tout en respectant les caractéristiques (logiquement impossible à respecter, d'ailleurs...) du déterminisme psychique absolu et excluant prima faciae, tout hasard, tout non-sens, et ... tout "hors-sens" ?


(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).





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