Extraits :
"La théorie du genre au programme.
“On ne naît pas femme : on le devient.” Cette phrase prononcée par Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe (1949) a des relents d’existentialisme : “L’existence précède l’essence”,
comme disait son maître Jean-Paul Sartre ; l’être humain serait à
l’origine parfaitement indéterminé et pourrait choisir d’être ceci ou
cela en vertu des choix inconditionnés qu’il effectuerait librement ;
mais elle peut être aussi interprétée d’un point de vue
environnementaliste selon lequel nous serions entièrement déterminés par
les circonstances du milieu et de la société, sans que l’hérédité ait
la moindre importance dans la formation de notre identité. En tout cas,
la phrase en question est d’une stupidité qui n’a d’égal que sa
célébrité, car on est en réalité du sexe féminin, ou du sexe masculin,
non seulement dès la naissance, comme les parents s’en aperçoivent juste
après l’accouchement, mais neuf mois plus tôt, à l’instant fatidique de
la conception, quand le spermatozoïde rencontre l’ovule qu’il féconde,
selon qu’il lui apporte un chromosome X ou un chromosome Y. Si Simone de
Beauvoir avait écrit : “Homme ou femme, peu importe !” ou quelque chose du même acabit, l’erreur aurait été moins grossière."
(...)
La négation de la biologie est caricaturale quand Bourdieu étudie les différences sexuelles, dans La Domination masculine.
Il veut à toute force faire accroire que les différences sociales entre
les deux sexes n’ont strictement rien à voir avec la biologie, et il
entend “démonter les processus qui sont responsables de la transformation de l’histoire en nature, de l’arbitraire culturel en naturel”[9]. Son délire environnementaliste l’amène aux pires absurdités. Il consacre de longues pages à ce qu’il appelle “la construction sociale des corps”,
ce qui signifie que les données de la biologie sont secondaires. Et il
aboutit à cette admirable formule, qui a été remarquée aussi bien par Valeurs actuelles[10] que par Le Canard Enchaîné[11], selon laquelle “les différences visibles entre les organes sexuels masculin et féminin sont une construction sociale” (la phrase complète fait onze lignes, mais nous avons extrait la pépite de sa gangue)[12]. Judith Butler ne cite pas ce passage de Bourdieu, mais d’autres de Monique Wittig qui sont du même acabit.
On saisit ici ce qui fait l’essentiel de la théorie du genre. Le mot “sexe” en français, comme son équivalent anglais (sex), désigne primo “la conformation particulière qui distingue l’homme de la femme”, du point de vue biologique, et, secundo,
“la qualité d’homme ou de femme” et la “catégorie sociale qui regroupe
les personnes de même sexe au sens biologique du mot”. On pourrait
concevoir que, par convention, on parle de “genre” (en anglais, gender)
pour cette second acception du mot sexe, le mot genre désignant, d’une
part, une catégorie grammaticale (genre masculin ou féminin), d’autre
part “tout groupe d’êtres ou d’objets présentant des caractères
communs”. Mais cette convention n’est pas innocente ; elle a été mise au
service d’une thèse scientifique contestable, puis d’un projet
politique qui ne l’est pas moins. Elle a été adoptée en premier lieu par
un psychologue américain, John Money, dans les années 1950. Il étudiait
les transsexuels et avait cru pouvoir conclure que la différence
homme-femme était due à l’éducation plus qu’à la biologie. Elle a été
popularisée par le psychanalyste américain Robert Stoller dans les
années 1960. Elle est ensuite devenue le thème central du mouvement des
femmes homosexuelles aux Etats-Unis, avec Judith Butler, puis, sous
l’influence des diverses coteries homosexuelles à travers le monde, elle
s’est imposée comme la doctrine officielle de l’ONU et de l’UNESCO à la
conférence sur les femmes qui s’est tenue en 1995 à Pékin. Il a fallu à
la France attendre un président et un gouvernement de droite pour
qu’elle s’y ralliât en 2011.
Judith Butler en a donné la version la plus radicale, sinon la plus accomplie. C’est la “théorie performative du genre” ou “théorie de la performativité du genre”. L’adjectif “performatif” (ou le substantif “performativité”) est un anglicisme (performative) tiré de la philosophie du langage de l’Anglais John Langshaw Austin (1911-1960). On devrait dire en bon français : “autoréalisateur”.
Selon Austin, un énoncé est performatif ou autoréalisateur quand il se
réalise en s’énonçant. Ainsi, quand on dit : “Je vous promets”, ou “je
vous autorise”, la promesse ou l’autorisation étant constituée par le
fait même de le dire.
Le
performatif est aujourd’hui très en vogue dans la gauche
intellectuelle, parce qu’il permet de soutenir, en extrapolant, que ce
sont les mots qui font les choses, et non l’inverse, comme le pensait le
sens commun. Appliqué au sexe, devenu genre, la théorie performative de
Butler prétend expliquer pourquoi, selon Beauvoir, on devient homme ou
femme. C’est parce que l’on est désigné comme garçon ou fille, homme ou
femme, qu’on le devient. Ce n’est donc pas par hasard que l’on convoque
une catégorie grammaticale, le genre, pour supplanter une catégorie
biologique, le sexe. Ici, la linguistique devient une forme d’alchimie.
La formule magique du genre a le pouvoir de nous faire homme ou femme.
“Comment le langage produit-il lui-même le “sexe” comme une construction fictive qui soutient (les) divers régimes de pouvoir ?”, demande Judith Butler (Trouble dans le genre, p. 54). “La
construction de la catégorie “femme” comme sujet cohérent et stable
n’est-elle pas (...) une régulation et une réification des rapports de
genre ?” (p.66) “Lorsqu’on théorise le genre comme une
construction qui n’a rien à voir avec le sexe, le genre devient lui-même
un artefact affranchi du biologique, ce qui implique que homme et masculin pourraient tout aussi bien désigner un corps féminin qu’un corps masculin, et femme et féminin un corps masculin ou féminin.” (p. 68)
Butler
nous donne encore sa définition personnelle, quelque peu absconse, du
genre : contrairement à ce que l’on pourrait penser, “le genre n’est
pas à la culture ce que le sexe est à la nature ; le genre, c’est aussi
l’ensemble des moyens discursifs/culturels par quoi la “nature sexuée”
ou un “sexe naturel” est produit et établi dans un domaine
“prédiscursif”, qui précède la culture, telle une surface politiquement
neutre sur laquelle intervient la nature après coup.” (p. 69) On
nous fera crédit, espérons-nous, d’avoir entrepris d’extraire
préalablement la pensée de Butler de sa gangue, pour lui donner un sens,
car ce passage n’en a pas, à notre avis. Sokal et Bricmont écrivent à
propos des auteurs dont s’inspirent Butler : “En particulier, nous
voulons “déconstruire” la réputation qu’ont ces textes d’être difficiles
parce que profonds. Dans bien des cas, nous pouvons démontrer que,
s’ils semblent incompréhensibles, c’est pour la bonne raison qu’ils ne
veulent rien dire.”
Nous estimons que les élucubrations qu’alignent Judith Butler dans Trouble dans le genre et d’autres ouvrages, comme Le pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif,
sont à peu près toutes du même tonneau et, si elles ne sont pour ainsi
dire jamais sensées, c’est que bien souvent elles n’ont tout simplement
pas de sens."
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Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.
Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".
Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.
Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :
"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".
Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".
Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".