samedi 5 août 2017

Un retentissant Prix LYSSENKO (2012), décerné à : Luc Chatel, Eric Fassin et Judith Butler.
















Extraits : 


"La théorie du genre au programme.

On ne naît pas femme : on le devient.” Cette phrase prononcée par Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe (1949) a des relents d’existentialisme : “L’existence précède l’essence”, comme disait son maître Jean-Paul Sartre ; l’être humain serait à l’origine parfaitement indéterminé et pourrait choisir d’être ceci ou cela en vertu des choix inconditionnés qu’il effectuerait librement ; mais elle peut être aussi interprétée d’un point de vue environnementaliste selon lequel nous serions entièrement déterminés par les circonstances du milieu et de la société, sans que l’hérédité ait la moindre importance dans la formation de notre identité. En tout cas, la phrase en question est d’une stupidité qui n’a d’égal que sa célébrité, car on est en réalité du sexe féminin, ou du sexe masculin, non seulement dès la naissance, comme les parents s’en aperçoivent juste après l’accouchement, mais neuf mois plus tôt, à l’instant fatidique de la conception, quand le spermatozoïde rencontre l’ovule qu’il féconde, selon qu’il lui apporte un chromosome X ou un chromosome Y. Si Simone de Beauvoir avait écrit : “Homme ou femme, peu importe !” ou quelque chose du même acabit, l’erreur aurait été moins grossière."

(...)

La négation de la biologie est caricaturale quand Bourdieu étudie les différences sexuelles, dans La Domination masculine. Il veut à toute force faire accroire que les différences sociales entre les deux sexes n’ont strictement rien à voir avec la biologie, et il entend “démonter les processus qui sont responsables de la transformation de l’histoire en nature, de l’arbitraire culturel en naturel[9]. Son délire environnementaliste l’amène aux pires absurdités. Il consacre de longues pages à ce qu’il appelle “la construction sociale des corps”, ce qui signifie que les données de la biologie sont secondaires. Et il aboutit à cette admirable formule, qui a été remarquée aussi bien par Valeurs actuelles[10] que par Le Canard Enchaîné[11], selon laquelle “les différences visibles entre les organes sexuels masculin et féminin sont une construction sociale” (la phrase complète fait onze lignes, mais nous avons extrait la pépite de sa gangue)[12]. Judith Butler ne cite pas ce passage de Bourdieu, mais d’autres de Monique Wittig qui sont du même acabit.

On saisit ici ce qui fait l’essentiel de la théorie du genre. Le mot “sexe” en français, comme son équivalent anglais (sex), désigne primo “la conformation particulière qui distingue l’homme de la femme”, du point de vue biologique, et, secundo, “la qualité d’homme ou de femme” et la “catégorie sociale qui regroupe les personnes de même sexe au sens biologique du mot”. On pourrait concevoir que, par convention, on parle de “genre” (en anglais, gender) pour cette second acception du mot sexe, le mot genre désignant, d’une part, une catégorie grammaticale (genre masculin ou féminin), d’autre part “tout groupe d’êtres ou d’objets présentant des caractères communs”. Mais cette convention n’est pas innocente ; elle a été mise au service d’une thèse scientifique contestable, puis d’un projet politique qui ne l’est pas moins. Elle a été adoptée en premier lieu par un psychologue américain, John Money, dans les années 1950. Il étudiait les transsexuels et avait cru pouvoir conclure que la différence homme-femme était due à l’éducation plus qu’à la biologie. Elle a été popularisée par le psychanalyste américain Robert Stoller dans les années 1960. Elle est ensuite devenue le thème central du mouvement des femmes homosexuelles aux Etats-Unis, avec Judith Butler, puis, sous l’influence des diverses coteries homosexuelles à travers le monde, elle s’est imposée comme la doctrine officielle de l’ONU et de l’UNESCO à la conférence sur les femmes qui s’est tenue en 1995 à Pékin. Il a fallu à la France attendre un président et un gouvernement de droite pour qu’elle s’y ralliât en 2011.

Judith Butler en a donné la version la plus radicale, sinon la plus accomplie. C’est la “théorie performative du genre” ou “théorie de la performativité du genre”. L’adjectif “performatif” (ou le substantif “performativité”) est un anglicisme (performative) tiré de la philosophie du langage de l’Anglais John Langshaw Austin (1911-1960). On devrait dire en bon français : “autoréalisateur”. Selon Austin, un énoncé est performatif ou autoréalisateur quand il se réalise en s’énonçant. Ainsi, quand on dit : “Je vous promets”, ou “je vous autorise”, la promesse ou l’autorisation étant constituée par le fait même de le dire.

Le performatif est aujourd’hui très en vogue dans la gauche intellectuelle, parce qu’il permet de soutenir, en extrapolant, que ce sont les mots qui font les choses, et non l’inverse, comme le pensait le sens commun. Appliqué au sexe, devenu genre, la théorie performative de Butler prétend expliquer pourquoi, selon Beauvoir, on devient homme ou femme. C’est parce que l’on est désigné comme garçon ou fille, homme ou femme, qu’on le devient. Ce n’est donc pas par hasard que l’on convoque une catégorie grammaticale, le genre, pour supplanter une catégorie biologique, le sexe. Ici, la linguistique devient une forme d’alchimie. La formule magique du genre a le pouvoir de nous faire homme ou femme.

Comment le langage produit-il lui-même le “sexe” comme une construction fictive qui soutient (les) divers régimes de pouvoir ?”, demande Judith Butler (Trouble dans le genre, p. 54). “La construction de la catégorie “femme” comme sujet cohérent et stable n’est-elle pas (...) une régulation et une réification des rapports de genre ?” (p.66) “Lorsqu’on théorise le genre comme une construction qui n’a rien à voir avec le sexe, le genre devient lui-même un artefact affranchi du biologique, ce qui implique que homme et masculin pourraient tout aussi bien désigner un corps féminin qu’un corps masculin, et femme et féminin un corps masculin ou féminin.” (p. 68)

Butler nous donne encore sa définition personnelle, quelque peu absconse, du genre : contrairement à ce que l’on pourrait penser, “le genre n’est pas à la culture ce que le sexe est à la nature ; le genre, c’est aussi l’ensemble des moyens discursifs/culturels par quoi la “nature sexuée” ou un “sexe naturel” est produit et établi dans un domaine “prédiscursif”, qui précède la culture, telle une surface politiquement neutre sur laquelle intervient la nature après coup.” (p. 69) On nous fera crédit, espérons-nous, d’avoir entrepris d’extraire préalablement la pensée de Butler de sa gangue, pour lui donner un sens, car ce passage n’en a pas, à notre avis. Sokal et Bricmont écrivent à propos des auteurs dont s’inspirent Butler : “En particulier, nous voulons “déconstruire” la réputation qu’ont ces textes d’être difficiles parce que profonds. Dans bien des cas, nous pouvons démontrer que, s’ils semblent incompréhensibles, c’est pour la bonne raison qu’ils ne veulent rien dire.

Nous estimons que les élucubrations qu’alignent Judith Butler dans Trouble dans le genre et d’autres ouvrages, comme Le pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif, sont à peu près toutes du même tonneau et, si elles ne sont pour ainsi dire jamais sensées, c’est que bien souvent elles n’ont tout simplement pas de sens."








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