« Deux points physiques, disons un trait sur une règle et un autre sur le corps à mesurer, peuvent au mieux être étroitement rapprochés. Ils ne peuvent coïncider, c'est-à-dire se fondre en un point. Si banale que puisse être cette remarque dans un autre contexte, elle est importante pour la question de la précision des mesures. Elle nous rappelle, en effet, qu'il conviendrait de décrire une mesure dans les termes suivants : nous constatons que le point du corps à mesurer se situe entre deux graduations ou marques sur la règle ou encore, que l'aiguille de notre appareil de mesure se situe entre deux graduations sur le cadran. Nous pouvons alors, soit considérer ces graduations ou marques comme nos deux limites optimales d'erreur, soit commencer à estimer, par exemple, la position de l'aiguille dans l'intervalle entre les graduations afin d'obtenir ainsi un résultat plus précis. Dans ce cas, nous supposons que l'aiguille se situe entre deux graduations imaginaires. Il reste donc toujours un intervalle, un écart. (...) Mais (...) quel avantage peut-il y avoir à remplacer en quelque sorte une graduation sur un cadran par deux graduations - les deux limites de l'intervalle - quand pour chacune de ces limites doit de nouveau se poser la question de savoir quelles sont en les limites de précision ?
Il est clair qu'il est inutile de donner les limites
de l'intervalle si ces deux bornes ne peuvent à leur tour être fixées avec un
degré de précision excédant largement celui que nous pouvons espérer atteindre
pour la mesure initiale ; entendons : fixées dans leurs propres intervalles
d'imprécision qui devraient en conséquence être de plusieurs ordres de grandeur
plus petits que l'intervalle qu'elles déterminent pour l'évaluation de la
mesure primitive. En d'autres termes, les limites de l'intervalle ne sont pas des
limites précises ; ce sont en réalité de très petits intervalles dont les
limites sont à leur tour des intervalles plus petits encore et ainsi de suite.
» (In : Karl Popper, "La logique
de la découverte scientifique". Editions Payot, 1973. Chapitre 6, "Les
degrés de falsifiabilité", section 37, "Domaines logiques. Notes sur
la théorie des mesures", page : 124).
Celui qui prétend faire une mesure
"absolument précise" ne peut donc éviter ceci : considérer que
les deux points qu'il utilise sont "parfaitement précis" et
absolument semblables de façon arbitraire. Pourquoi ?
Cela nous paraît évident et assez facile à
expliquer une fois compris les arguments de Popper : un point, au fond,
qu'est-ce que c'est, sinon une sorte de "tâche", ou un
"rond", ou toute autre forme limitée et unique en son genre ? Aussi
petit que puisse être un point donné, il a donc forcément une étendue, ou une
dimension, si l'on peut dire. On peut même tenter de mesurer cette dimension :
quelle est la taille du point que nous voulons mesurer afin de nous assurer de
sa parfaite précision, (c'est-à-dire parvenir à démontrer qu'il se suffit en
quelque sorte à lui-même en n'étant dépendant d'aucun autre élément de mesure
effectué à partir d'autres points...) ?
Partant de là, l'on s'aperçoit tout de
suite que ce projet de mesure d'un unique point exige nécessairement deux
autres points (dans le cas le plus simple...), donc un intervalle pour estimer
sa "dimension". Si le point à mesurer ressemble à un cercle, on
peut estimer le diamètre de ce cercle avec deux autres points de telle sorte
que le diamètre du cercle représente aussi un intervalle. Et ces deux
autres points de cet intervalle, ou bien nous décidons de les "fixer"
arbitrairement pour stopper la régression à l'infini, (c'est le début du
dogmatisme), ou bien nous admettons (et il n'y a pas d'autre choix) que la
régression à l'infini dans notre tentative de définir une mesure
"absolument précise" à partir d'un ou deux points aussi petits
soient-ils est rigoureusement inévitable.
Nous pensons que cette argumentation sur le
problème (insoluble) de la précision des mesures est essentiel pour comprendre l'impossibilité
et l'échec total du "déterminisme scientifique" dévasté par Karl
Popper, et par voie de conséquence, l'impossibilité et l'échec total, a priori,
de toute doctrine, ou tout projet de faire science qui se fonderait sur une
croyance en la possibilité d'un "déterminisme scientifique" ou d'un
déterminisme prima faciae absolu excluant tout hasard et tout non-sens comme en
psychanalyse. Car celui qui exclut le hasard en psychanalyse ne peut éviter
d'admettre qu'il exclut aussi toute imprécision (?..).
Cependant, s'il y a un "refus de la
logique" à nous accorder l'accès à la définition d'une mesure a
priori absolue (et donc à sa réalisation), nous devons admettre que si à la
place du mot "logique" nous mettons le mot "nature", ce
n'est pas parce que la nature nous "refuse" un accès à la précision
absolue, qu'elle "fait n'importe quoi", donc qu'elle est
"hasardeuse". (Voir le document de Daniel MARTIN, ici.) Comme il l'écrit à la page
30 de son document très complet : "Il n'y a pas de hasard dans la
position ou la vitesse d'un corpuscule de Mécanique quantique, il y a de l'imprécision,
c'est-à-dire un refus de la nature de nous accorder la possibilité de précision
infinie qui satisferait notre esprit. Il ne faut donc pas confondre le
déterminisme statistique, avec son choix d'élément et son imprécision (flou par
superposition pour une variable continue), et le hasard (où la nature ferait
n'importe quoi)". Cependant ce "refus de la Nature" n'est
toujours qu'une interprétation humaine, et non la réponse directe de la Nature,
car la Nature ne parle jamais à l'être humain, ni à aucun scientifique, elle ne
lui a jamais "parlé" ni ne lui "parlera" jamais. Faute
de connaître davantage la mécanique quantique, nous prendrons toutefois le
risque d'affirmer ceci (ce qui pourra, bien entendu, être complètement réfuté
par un spécialiste de la mécanique quantique) : libre à nous d'interpréter
cette imprécision en mécanique quantique comme du hasard !
Car le fait d'affirmer un prétendu "refus de la Nature" à nous accorder la précision absolue, d'une part, et, d'autre part, à prétendre savoir si oui ou non elle ne peut jamais "faire n'importe quoi", donc de ne pas laisser de possibilité au hasard dans ses déterminations (...), relève toujours de l'interprétation humaine tendant à "faire parler la Nature" comme ça lui convient ; cette possibilité étant offerte, justement lorsque le scientifique en est réduit à invoquer de l'imprécision faute de mieux, autrement dit d'autres explications causales avec des preuves corroborées par des tests jugés "suffisamment précis" (...).
Voilà, selon nous, une conduite intellectuelle tout à fait arbitraire et dogmatique : lorsque le scientifique fait "parler la Nature" à sa guise, en profitant de manière fallacieuse de tout l'espace disponible offert par l'imprécision (...) pour y déployer toutes les interprétations qu'il souhaite. En fait, cet espace d'imprécision devient aussi un espace d'indétermination totale.
De façon quelque peu paradoxale, c'est selon nous, également une conséquence logique des postulats théoriques dotés d'un déterminisme prima faciae absolu : l'irréfutabilité qui en découle conduit aussi à l'indétermination la plus totale : comme il est impossible de s'orienter dans un sens ou dans un autre, les plus "optimistes" peuvent toujours trouver loisible de dire tout ce qu'ils veulent, ou tout et n'importe quoi, comme les psychanalystes, puisque dans ce lieu d'indétermination totale, (ou de déterminisme prima faciae absolu...), il ne peut logiquement exister aucun moyen de mettre leurs interprétations ou pseudo-explications en échec ...
Car le fait d'affirmer un prétendu "refus de la Nature" à nous accorder la précision absolue, d'une part, et, d'autre part, à prétendre savoir si oui ou non elle ne peut jamais "faire n'importe quoi", donc de ne pas laisser de possibilité au hasard dans ses déterminations (...), relève toujours de l'interprétation humaine tendant à "faire parler la Nature" comme ça lui convient ; cette possibilité étant offerte, justement lorsque le scientifique en est réduit à invoquer de l'imprécision faute de mieux, autrement dit d'autres explications causales avec des preuves corroborées par des tests jugés "suffisamment précis" (...).
Voilà, selon nous, une conduite intellectuelle tout à fait arbitraire et dogmatique : lorsque le scientifique fait "parler la Nature" à sa guise, en profitant de manière fallacieuse de tout l'espace disponible offert par l'imprécision (...) pour y déployer toutes les interprétations qu'il souhaite. En fait, cet espace d'imprécision devient aussi un espace d'indétermination totale.
De façon quelque peu paradoxale, c'est selon nous, également une conséquence logique des postulats théoriques dotés d'un déterminisme prima faciae absolu : l'irréfutabilité qui en découle conduit aussi à l'indétermination la plus totale : comme il est impossible de s'orienter dans un sens ou dans un autre, les plus "optimistes" peuvent toujours trouver loisible de dire tout ce qu'ils veulent, ou tout et n'importe quoi, comme les psychanalystes, puisque dans ce lieu d'indétermination totale, (ou de déterminisme prima faciae absolu...), il ne peut logiquement exister aucun moyen de mettre leurs interprétations ou pseudo-explications en échec ...
Celui qui ne croit pas au hasard pourra
toujours dire, en effet, que la "Nature ne fait pas n'importe
quoi", et qu'elle "nous refuse seulement un accès à la
précision absolue" sans jamais pouvoir exclure totalement la
possibilité du hasard, puisque nous ne disposons d'aucun moyen de mesure donc
de jugement suffisamment précis a priori qui puisse rendre compte avec une
certitude absolue de toute l'étendue de la précision que "nous refuse la
Nature" : nous ne pourrons jamais être certain dans tout ce qui peut
échapper à la Nature dans ses "calculs", si le hasard n'a pas joué un
rôle, et par conséquent, nous ne serons jamais en droit d'en exclure
l'hypothèse voire même la possibilité avec certitude.
En somme, dans tout le "champ" ou
"l'étendue" d'une imprécision de mesure de quoique ce soit, si l'on
était en situation d'affirmer avec certitude (...) où se trouve exactement la
limite de l'étendue liée à l'imprécision pour en exclure totalement la
possibilité du hasard, ce serait fort paradoxalement, que nous aurions, par la
même occasion, résolu le problème de la précision.
Ceci nous amène à dire qu'il est
logiquement impossible de distinguer avec toute la précision requise (...), (dans
ce que nous aurions imputé à de l'imprécision), là où "s'arrête"
(...) l'imprécision et là où "commence" (...) le hasard. Imprécision
et hasard seront toujours liés, et nous ignorerons toujours jusqu'à quel point,
à moins que nous ayons acquis l'intelligence du Démon de Laplace...
... En d'autres termes : ne pouvons
donc savoir dans ce qui est imputé à de l'imprécision si nous pouvons exclure
la possibilité du hasard, parce qu'il nous est à jamais interdit par la logique
de savoir où donc se trouve avec une précision absolue, (c'est cela qui
nous est interdit de justement pouvoir connaître), cette fameuse limite
"précise" entre ce qui relève du hasard, et ce qui relève de
l'imprécision ; entendu que toute imprécision dans le résultat d'un
tel projet d'identification de cette limite, validerait le droit de plaider en
faveur de l'existence possible, ou "probable" du hasard....
Ce qui est imprécis comporte bien entendu,
et logiquement, une part d'inconnu, et cette part d'inconnu, peut, à son tour, logiquement
contenir une part potentiellement accessible à la connaissance, et une autre
qui lui restera à jamais inaccessible. Et dans ces deux parties, les effets
du hasard pourront toujours être invoqués, que ce soit à titre d'hypothèses
réfutables, ou irréfutables.
Ni le hasard, ni l'imprécision ne peuvent
faire partie des sciences de la Nature, en tant qu'explications de la Nature.
Ce ne sont toujours que des pseudo-explications de la Nature. Des formules telles que, "la Nature
est imprécise", ou "la Nature est hasardeuse", ne nous
fournissent aucune véritable description et explication des comportements
possibles de la Nature, car seules les lois causales corroborées par des
tests peuvent remplir cette double fonction. Autrement dit : ce qui demeure,
même à titre provisoire, dans l'inconnu, (le hasard, l'imprécision), ne peut
constituer une information cruciale pour la connaissance, sauf à offrir la
possibilité d'émettre des questions, des hypothèses métaphysiques, lesquelles
restent sans réponse tant qu'aucun test n'a pu être échafaudé pour les mettre à
l'épreuve.
Des hypothèses irréfutables liées au hasard
ou à l'imprécision n'ont donc, dans leur statut d'irréfutabilité, aucun
lien commun avec le statut d'irréfutabilité de la théorie de l'inconscient de
la psychanalyse. Parce que cette théorie de l'inconscient prétend avoir des
pouvoirs descriptifs et explicatifs sur la nature humaine tout en étant
irréfutable, alors qu'aucune théorie de l'imprécision ou du hasard qui soit
réfutable (ou irréfutable), ne puisse y prétendre.
"Connaître avec une relative
précision", n'exclut
pas, bien sûr, la connaissance, mais exclut en partie temporairement une
autre partie de la connaissance qui lui est indissociablement liée : celle
encore cachée, ou encore dérobée à l'observation humaine dans le domaine de
l'imprécision, domaine encore inconnu et qui ne peut donc se prêter à une
exclusion certaine, et a priori, de la possibilité du hasard, d'une part, et
d'autre part, de "l'inconnaissable pour toujours".
(Patrice Van den Reysen).
*
Mon roman, "HOAG, un témoignage du futur":



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Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.
Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".
Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.
Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :
"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".
Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".
Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".