Un complotiste éclairé, c'est une personne qui, eût égard à l'Histoire (qui ne peut, certes, être une succession ininterrompue de complots ou de conspirations, mais qui en est tout de même jalonnée), aux diverses théories existantes de la "raison d'Etat", et à certains faits tangibles et observables par tous, pose des questions.
Un tel complotiste, n'affirme jamais rien sans preuve avérée, et administrée de manière valide. Il pose des questions. Il émet des suspicions qui lui semblent rationnelles, valides et viables, sur l'existence possible (je souligne) de complots ou de conspirations. Il émet des interprétations, des argumentaires qui tendent à suggérer la possibilité de complots, mais sans jamais affirmer que des complots existent bel et bien, faute de preuves.
Par conséquent, s'opposer à (...), diaboliser, psychiatriser (...), censurer, ce type de complotisme éclairé (ou même le complotisme dogmatique ou farfelu, lequel affirme l'existence indubitable de complots, mais sans la moindre preuve ; ou bien pire, construit délibérément des "faits" qui n'existent pas pour affirmer l'existence de complots...), ne peut que procéder d'une motivation déjà intolérable par rapport à "l'esprit démocratique" et la liberté d'expression : la police de la pensée.
En démocratie, la police de la pensée est intolérable. Un vrai démocrate doit comprendre qu’il doit assumer le « fardeau de la raison » s’il veut aussi respecter la liberté d’expression. Par exemple : mêmes les pires idées ont le droit de s’exprimer, mais être libre consiste à travailler pour les réfuter de manière valide et pacifique.
Être libre ne consiste pas à empêcher que les pires idées puissent s’exprimer. Cela consiste à prendre ses responsabilités ailleurs : dans l’éducation, dans l’usage du rationalisme critique, dans la tolérance, et s’il le faut, dans certains cas, dans un usage de l’intolérance puis de la censure contre les intolérants, mais seulement après qu’on les ai laissés s’exprimer et que l’on ai tenté de les réfuter de manière pacifique et rationnelle.
Vivre en démocratie, c'est donc accepter le risque que des idées extrêmes puissent s'exprimer et ensuite accepter d'assumer la responsabilité de se dresser contre ces idées extrêmes, non par la violence, mais par l'usage de la raison. Si les dictateurs et les tyrans parviennent au pouvoir, c'est donc souvent (sinon même toujours) par manque de responsabilité citoyenne, laquelle se concrétise, par exemple, dans le "laisser faire", ou la non-participation, ou l'indifférence à la vie politique, le renoncement à l'auto-formation.
Il n’y a que dans les régimes totalitaires, où toute la population est censée « regarder vers le Chef » et s’en remettre totalement à lui que la police de la pensée est organisée pour étouffer, si possible dans l’œuf, l’expression de toute contestation du pouvoir en place.
Etouffer toute expression de la critique, et décourager, empêcher par divers moyens, dont la violence, l’usage du rationalisme critique, voilà sans doute le marqueur le plus fort de tout régime totalitaire. Dans les régimes totalitaires, la situation consiste en ce que la population est obligée d’accorder un « blanc seing » complet au Chef. C’est-à-dire « carte blanche ». Il faut suivre aveuglément le Chef (ou « Jupiter »….) et se taire.
Donc, dans un tel régime, la responsabilité individuelle, citoyenne, n’existe que pour servir le Chef.
Or, la démocratie se fonde sur l’Etat de Droit. Et l’Etat de droit se fonde sur la responsabilité individuelle, pour servir, non le « Chef », mais la collectivité et l’individu.
*
En démocratie, être à l’occasion un « complotiste éclairé » devrait être en conscience, un devoir admis par tout citoyen digne de ce nom.
(Patrice Van den Reysen. Tous droits réservés).

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.
Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".
Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.
Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :
"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".
Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".
Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".