« Rien ne nous prouve que nous mourrons. Un homme – ou une femme – jeune et en bonne santé aurait plutôt tendance à se sentir immortel. Par une sorte de miracle évident et le plus souvent passé sous silence à cause de son évidence même, chacun de nous pense et agit comme s’il n’allait jamais mourir. Spinoza en rajoute : « L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie. »
L’ennui est que notre vie se confond avec notre mort. « Philosopher, nous dit Montaigne au rebours de Spinoza, c’est apprendre à mourir. » Et encore : « mourir est la plus grande besoigne que nous ayons à faire. » Tout être vivant signe, en naissant, un pacte tacite avec la mort. Vivre, c’est mourir. Et mourir est une chance : ne peuvent être appelés à mourir que ceux qui ont vécu. Nous sommes des morts en sursis. Proust, en une formule saisissante, parle quelque part des vivants comme de morts qui n’ont pas pris leurs fonctions. »
(In : Jean D’ORMESSON. « C’est une chose étrange à la fin que le monde ». Editions Robert Laffont, Paris, 2010, pages : 240).
* * *
Commentaires :
L’on pourrait critiquer la valeur universelle des propos de D’Ormesson. « Rien ne nous prouve que nous mourons », écrit-il. Effectivement, par « prouver », il faut entendre, que rien ne nous convainc tout à fait que nous allons mourir nous-mêmes, même si nous avons, en face de nous, quelqu’un de proche, et qui est mort. C’est sans doute une question d’éducation, de contexte socio-culturel, et aussi de sensibilité, liée au vécu personnel.
Nous croyons que dans nos sociétés occidentales, les gens acceptent beaucoup moins la mort que dans les sociétés tribales. Tout ce que la Science nous a permis d’échafauder comme théories, et puis comme technologies nous permettant d’améliorer sans cesse notre espérance de vie, prouve bien, (semble-t-il) que nous « détestons mourir », voire que nous n’admettons pas de mourir. Nous n’admettons tout simplement pas la mort, puisque l’effort scientifique est constant pour lutter contre elle. Il est cependant notable de remarquer que le corps médical, (dans l’immense majorité des cas), rejette l’euthanasie pour une personne qui demande sa propre fin. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les médecins rejettent la mort. Cela peut vouloir dire qu’ils soutiennent la vie comme ils le peuvent, jusqu’à ce que « Dame Nature » soit la plus forte.
Nous croyons que dans nos sociétés occidentales, les gens acceptent beaucoup moins la mort que dans les sociétés tribales. Tout ce que la Science nous a permis d’échafauder comme théories, et puis comme technologies nous permettant d’améliorer sans cesse notre espérance de vie, prouve bien, (semble-t-il) que nous « détestons mourir », voire que nous n’admettons pas de mourir. Nous n’admettons tout simplement pas la mort, puisque l’effort scientifique est constant pour lutter contre elle. Il est cependant notable de remarquer que le corps médical, (dans l’immense majorité des cas), rejette l’euthanasie pour une personne qui demande sa propre fin. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les médecins rejettent la mort. Cela peut vouloir dire qu’ils soutiennent la vie comme ils le peuvent, jusqu’à ce que « Dame Nature » soit la plus forte.
Dans la plupart des cas (…), seule la maturité permet d’accepter sa propre mort.
Cependant, je crois qu’aucun individu, aussi « mature » qu’on puisse l’imaginer, n’accepte de mourir sans avoir « vécu ». Or, il faut accepter ses propres limites, autant qu’il est possible de le faire, puisque cette acceptation ne peut être tout à fait réalisée ; et, elle ne peut l’être, puisqu’elle nécessite une connaissance de soi, un « connais-toi toi-même », (Socrate), qui, lui aussi, est logiquement impossible à réaliser en totalité, pour pouvoir prendre pleinement conscience de ses propres capacités.
Comme le disait Friedrich Von Hayek : « (…) Car ce fut toujours la reconnaissance des limites du possible, qui a rendu l’homme capable de faire pleinement usage de ses capacités » (In : F.V. Hayek, « Droit, législation et liberté », Editions P.U.F., Quadrige, Paris, 1° édition, octobre 1995, page : 9).
Cependant, je crois qu’aucun individu, aussi « mature » qu’on puisse l’imaginer, n’accepte de mourir sans avoir « vécu ». Or, il faut accepter ses propres limites, autant qu’il est possible de le faire, puisque cette acceptation ne peut être tout à fait réalisée ; et, elle ne peut l’être, puisqu’elle nécessite une connaissance de soi, un « connais-toi toi-même », (Socrate), qui, lui aussi, est logiquement impossible à réaliser en totalité, pour pouvoir prendre pleinement conscience de ses propres capacités.
Comme le disait Friedrich Von Hayek : « (…) Car ce fut toujours la reconnaissance des limites du possible, qui a rendu l’homme capable de faire pleinement usage de ses capacités » (In : F.V. Hayek, « Droit, législation et liberté », Editions P.U.F., Quadrige, Paris, 1° édition, octobre 1995, page : 9).
L’acceptation, si difficile, de la mort, dans nos sociétés occidentales, vient aussi, sans doute, et fort paradoxalement, de nos connaissances. Si nous prenons conscience des pouvoirs que nous ont donné les découvertes scientifiques, sur la mort, par rapport à disons, trois siècles, d’une part ; et si, d’autre part, nous avons aussi connaissance que le « connais-toi toi-même » est logiquement irréalisable en totalité, alors, notre connaissance scientifique, tout autant que notre connaissance épistémologique, peuvent nous rendre bien difficile, voire impossible l’acceptation totale de nos limites, afin, de façon conséquente, d’accepter aussi, « totalement », notre mort, parce que nous avons appris que la recherche de « limites » qui soient des certitudes définitives, est une quête sans fin.
Autre problème : lorsque nous disons de cet individu : « il est mort », nous employons un terme universel : le terme « mort ». C’est l’évidence. Or, comme nous le savons, ce terme, dépend d’une théorie universelle stricte, par conséquent d’une théorie potentiellement réfutable, du genre : « toutes les fois que nous avons observé, que nous observons, ou que nous observerons un individu manifestant telles caractéristiques, nous pourrons dire qu’il est mort ». Mais, les « caractéristiques » observables de la mort, de nos jours, ne le sont, qu’à la lumière d’autres théories scientifiques, elles-mêmes nécessairement réfutables, donc incertaines. En conséquence, ce n’est toujours qu’à l’aune de théories incertaines que nous décidons d’être illogiquement certains que quelqu’un est bien mort, et de l’enterrer ou de l’incinérer.
Dans un autre billet, nous avions donné un exemple, pour essayer d’être plus clair : il est tout à fait plausible d’imaginer que l’on ait pu enterrer des personnes vivantes à une certaine époque, faute de connaissances, et/ou par exemple, de moyens de réanimation, tels qu’ils sont les nôtres aujourd’hui, et, à n’en pas douter, tout le monde aujourd’hui penserait que quelqu’un est « bien mort » si on le brûlait et si l’on laissait, de surcroît, ses cendres encore se consumer jusqu’à un terme que nous jugerions « suffisant ». Tout cela pourquoi ? Bien entendu, encore et toujours (...) à cause de nos connaissances scientifiques et des moyens technologiques maîtrisés : nous ne savons tout simplement pas comment, à partir des cendres d’un individu, récupérer, par exemple, quelques éléments de son code génétique, (ou de toute autre chose que la science n’a pas encore mis en lumière…), afin de « recréer » la même personne qu’avant, (et avec toutes ses caractéristiques), un peu comme on le voit dans un des épisodes de la série des « Terminator », où un robot revient sans arrêt à la vie, même après avoir été complètement détruit, y compris par le feu !
En résumé : nous n’enterrerons toujours nos prochains qu’à l’aune de nos connaissances scientifiques les mieux corroborées, donc incertaines, c’est-à-dire sans pouvoir revendiquer la certitude absolue de leur mort : par rapport à des temps futurs, personne aujourd’hui ne peut être assuré de contester l’argument suivant : les gens qui vivront dans deux ou trois millénaires seront peut-être très étonnés de savoir que l’on décidait qu’une personne devait être jugée morte selon tels critères, à notre époque. Ce sont nos connaissances qui nous empêchent, dans nos sociétés occidentales d’accepter « totalement » la mort. Il est même illogique de l’accepter « totalement ».
Voilà des idées qui peuvent être dangereuses, si on ne les comprend pas.
Il faut, tout d'abord accepter que les meilleures connaissances dont nous disposons et celles aussi dont nous disposerons toujours, seront issues, directement, ou indirectement, de la faillibilité humaine. Et, jusqu’à présent, sans vouloir faire ombrage à la Religion Catholique, on a jamais vu personne revenir à la vie, après un certain laps de temps, ou après avoir subi un certain niveau de dommages corporels.
Il est finalement bien plus rassurant de se dire que la mort est une « certitude », pour tous, puisqu’il est illusoire de se dire : « Ah ! Si la science avait pu faire des progrès suffisants, je saurais que j’aurais une chance de survie », (il est impossible de savoir à l'avance jusqu'à quel point ils auraient dus être "suffisants"), ou encore : "Si seulement la science avait pu connaître, avant sa mort, toute la connaissance future nécessaire à sa survie, il ne serait pas mort!".
Mais pourquoi est-ce illusoire ? Toujours pour les mêmes raisons logiques :
1. Personne ne peut se placer dans un moment quelconque du futur pour être en situation de décrire, avec tout le degré de précision souhaité, le contenu empirique et logique d'un ou de plusieurs énoncés universels déjà corroborés par une science, quel qu'en soit son objet de recherche.
2. Quels que soient les progrès ultérieurs de la connaissance scientifique dans le domaine de la mort, elles seront, comme nous l’avons dit plus haut, réfutables, donc elles renverrons toujours à l’incertitude des critères choisis pour la valider. Ce sont les premiers points.
3. Un autre point important, et tout à fait déductible des premiers, c’est que nous pouvons être, par contre, absolument certains, que nous ne connaîtrons jamais l’immortalité. Parce qu’elle suppose l’infini, ou pouvoir vivre indéfiniment. Comme personne ne pourra vivre assez vieux pour vérifier « l’infini », personne ne pourra donc jamais vérifier si quelqu’un est vraiment immortel, et ce, quel que soient les progrès de nos connaissances scientifiques.
Nous sommes donc bien obligés d'en conclure par cette chose bien étrange, mais pourtant indiscutable : la mort sera toujours une incertitude, pour toute créature vivante, et pour tout observateur.
Enfin, s'il existe une religion qui dit offrir la vie éternelle de l'âme, après notre mort ; y croire ne peut relever que d'un acte de Foi. La Foi est respectable, certes, et nous la respectons.
Cependant, si Albert Einstein lui-même croyait en une certaine "religiosité" au sujet de l'activité scientifique, il demeure impossible que les théories de la vraie Science puissent être les résultats ou les produits de la Foi. Parce que la Foi est indissociable du dogmatisme, (que nous ne mêlerons pas ici, avec de l'aveuglement, à propos d'aucune religion), et le dogmatisme a toujours été, et demeurera pour toujours, l'un des pires ennemis des hommes de Science.
(Patrice Van den Reysen).
Il faut, tout d'abord accepter que les meilleures connaissances dont nous disposons et celles aussi dont nous disposerons toujours, seront issues, directement, ou indirectement, de la faillibilité humaine. Et, jusqu’à présent, sans vouloir faire ombrage à la Religion Catholique, on a jamais vu personne revenir à la vie, après un certain laps de temps, ou après avoir subi un certain niveau de dommages corporels.
Il est finalement bien plus rassurant de se dire que la mort est une « certitude », pour tous, puisqu’il est illusoire de se dire : « Ah ! Si la science avait pu faire des progrès suffisants, je saurais que j’aurais une chance de survie », (il est impossible de savoir à l'avance jusqu'à quel point ils auraient dus être "suffisants"), ou encore : "Si seulement la science avait pu connaître, avant sa mort, toute la connaissance future nécessaire à sa survie, il ne serait pas mort!".
Mais pourquoi est-ce illusoire ? Toujours pour les mêmes raisons logiques :
1. Personne ne peut se placer dans un moment quelconque du futur pour être en situation de décrire, avec tout le degré de précision souhaité, le contenu empirique et logique d'un ou de plusieurs énoncés universels déjà corroborés par une science, quel qu'en soit son objet de recherche.
2. Quels que soient les progrès ultérieurs de la connaissance scientifique dans le domaine de la mort, elles seront, comme nous l’avons dit plus haut, réfutables, donc elles renverrons toujours à l’incertitude des critères choisis pour la valider. Ce sont les premiers points.
3. Un autre point important, et tout à fait déductible des premiers, c’est que nous pouvons être, par contre, absolument certains, que nous ne connaîtrons jamais l’immortalité. Parce qu’elle suppose l’infini, ou pouvoir vivre indéfiniment. Comme personne ne pourra vivre assez vieux pour vérifier « l’infini », personne ne pourra donc jamais vérifier si quelqu’un est vraiment immortel, et ce, quel que soient les progrès de nos connaissances scientifiques.
*
Nous sommes donc bien obligés d'en conclure par cette chose bien étrange, mais pourtant indiscutable : la mort sera toujours une incertitude, pour toute créature vivante, et pour tout observateur.
Enfin, s'il existe une religion qui dit offrir la vie éternelle de l'âme, après notre mort ; y croire ne peut relever que d'un acte de Foi. La Foi est respectable, certes, et nous la respectons.
Cependant, si Albert Einstein lui-même croyait en une certaine "religiosité" au sujet de l'activité scientifique, il demeure impossible que les théories de la vraie Science puissent être les résultats ou les produits de la Foi. Parce que la Foi est indissociable du dogmatisme, (que nous ne mêlerons pas ici, avec de l'aveuglement, à propos d'aucune religion), et le dogmatisme a toujours été, et demeurera pour toujours, l'un des pires ennemis des hommes de Science.
(Patrice Van den Reysen).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.
Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".
Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.
Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :
"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".
Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".
Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".