lundi 19 février 2018

Karl R. POPPER. "L'indéterminisme n'est pas suffisant".








Introduction : 

Celui qui prétend à un déterminisme prima faciae absolu et excluant tout hasard, (et tout non-sens, comme en psychanalyse, par exemple), se rend indiscutablement responsable de réussir, à tous les coups, (et, évidemment, à n'importe quel moment et à n'importe quel endroit), par exemple, cette prédiction : avant le lancer de trois dés non pipés, il doit prédire les trois numéros qui sortiront, (et le résultat doit correspondre parfaitement à sa prédiction). Mais, pas seulement après un seul lancer, également pour tous les autres lancers, et cela, quelques soient les conditions environnantes aussi indirectement impliquées qu'elles puissent être et quel que soit le lanceur

S'il pouvait y parvenir, cela voudrait dire qu'il aurait maîtrisé avec un niveau de précision absolu, absolument toutes les connaissances nécessaires, directement ou indirectement afférentes à chaque lancer de dés... 

Si c'était possible, il aurait donc aussi résolu a priori, (prima faciae), le problème pourtant définitivement insoluble de l'accès à la précision absolue dans toute mesure au sujet de la nature, de l'être humain et des choses matérielles, (voir à ce sujet, Karl Popper, "La logique de la découverte scientifique", Editions Payot, 1973. Section 37 : "Domaines logiques. Notes sur la théorie de la mesure"). 

Ayant accompli un tel exploit, l'on voit bien qu'il aurait aussi résolu le problème du hasard, (puisqu'il est logiquement impossible de délier complètement ce qui peut relever du hasard de ce qui peut relever de l'imprécision de certaines mesures par rapport au caractère inexpliqué ou partiellement inexpliquée des causes de certains phénomènes) : en effet, le problème du hasard serait enfin résolu puisque notre super prédicteur aurait réussi à connaître avec une absolue précision  l'impossible, à savoir, où se situe la limite parfaitement précise à ce qui est attribuable à de l'imprécision dans nos connaissances et dans nos mesures, par rapport à ce qui est attribuable au hasard dans les causes partiellement expliquées d'un phénomène. 

Il aurait donc réussi, dans les faits, à être un "Démon de Laplace" ! En effet, comment ce que nous attribuons habituellement au hasard dans l'occurrence d'un seul fait, pourrait-il être encore qualifié d'"hasardeux" si nous connaissions à l'avance, absolument tous les paramètres liés à cette occurrence avec une connaissance qui aurait-elle même atteint un niveau de précision absolu ?!

En somme, tant que nous ne saurons pas comment résoudre le problème de l'accès à l'absolue précision dans les mesures, nous ne saurons pas davantage comment éliminer la possibilité du hasard. Or, il est rigoureusement démontrable de manière indiscutable que nous ne saurons jamais comment résoudre le problème de l'imprécision des mesures...

Nous invitons nos lecteurs à consulter notre article sur Karl Popper et le problème de la certitude (lien).


*               *


Karl POPPER : 



Le déterminisme et l’indéterminisme en physique.



Le titre de cet essai est L’indéterminisme n’est pas suffisant, c’est-à-dire insuffisant pour la liberté humaine. Mais j’ai encore à faire, au moins, une esquisse du déterminisme classique (ou déterminisme physique ou déterminisme du Monde 1) et cet indéterminisme qui en est l’opposé. De plus, j’ai encore à montrer pourquoi ces deux idées sont insuffisantes pour une discussion de la liberté humaine.

Le déterminisme classique, ou le déterminisme du Monde 1, est une très vieille idée qui fut formulée le plus clairement par Laplace sur la base de la mécanique de Newton (…).

La thèse de Laplace sur le déterminisme peut être énoncée de la manière suivante. Admettons que nous connaissons exactement les masses, les positions et les vitesses de toutes les particules matérielles de l’univers à un moment donné ; nous pouvons alors en principe calculer, à l’aide de la mécanique de Newton, tout ce qui est déjà arrivé et tout ce qui arrivera dans l’avenir. Cela inclurait tous les mouvements physiques de tous les hommes et, partant, tous les mots écrits ou parlés, toute la poésie et toute la musique qui seront jamais écrites. Le calcul peut se faire avec une machine. Il faut seulement la programmer avec des lois de Newton sur le mouvement et avec les conditions initiales existantes. La machine peut être tout-à-fait sourde et ignorer les problèmes de la composition musicale. Mais elle pourra prédire quelles marques noires seraient placées sur du papier à musique blanc par tout compositeur dans le passé ou dans le futur.

Personnellement, je trouve que le déterminisme laplacien est très peu convaincant ou attirant ; et, en plus, c’est une argumentation douteuse, car le calculateur devra probablement largement dépasser l’univers en complexité, comme le fit remarquer en premier F.A. von Hayek, je crois. Mais le fait que Laplace ait tiré des conclusions justes de son idée d’un Monde 1, déterministe et causalement fermé, mérite d’être souligné. Si nous acceptons la vision de Laplace, nous ne devrions pas prétendre alors, (comme le font beaucoup de philosophes), que nous sommes néanmoins dotés d’une véritable liberté et créativité.

Cependant, le déterminisme laplacien a dû être modifié au vu de l’effondrement des efforts de Maxwell pour réduire l’électricité et le magnétisme à la mécanique de Newton par la construction d’un modèle mécanique de l’éther. Avec ces efforts, s’écroula aussi l’hypothèse de la fermeture du monde mécanique de Newton, car il s’ouvrit vers la partie électromagnétique. Cependant, Einstein, par exemple, resta déterministe. Il continua à croire, presque jusqu’à la fin de sa vie, qu’une théorie déterminisme, unifiée et fermée, était possible, théorie qui comprendrait la mécanique, la gravitation et l’électricité. En fait, la plupart des physiciens ont tendance à considérer un univers physique ouvert (donc, non causalement fermé, donc indéterministe) – par exemple, un univers physique qui serait ouvert à l’influence du Monde 2 – comme une superstition typique, soutenue peut-être uniquement par des membres spiritualistes de la Société pour la Recherche Physique. Peu de physiciens de renom prendraient cette conception au sérieux.

Mais une autre forme d’indéterminisme devint partie intégrante du credo officiel de la physique. Le nouvel indéterminisme fut introduit par la mécanique quantique qui suppose la possibilité d’événements élémentaires dus au hasard, irréductibles d’un point du vue causal.

Il y a, apparemment, deux sortes d’événements dus au hasard. L’une est due à l’indépendance de deux chaînes causales auxquelles il arrive, par hasard, d’entrer en interaction à un endroit et à un moment précis, et qui ainsi s’unissent et entraînent l’événement fortuit. Un exemple typique serait celui de deux chaînes causales, l’une dans laquelle une brique se détache et tombe, tandis que dans l’autre, un homme est amené à se mettre à un endroit où il recevra cette brique. Cette sorte d’événement fortuit (dont la théorie a été développée par Laplace lui-même dans son travail sur la probabilité) est parfaitement compatible avec le déterminisme laplacien : n’importe qui, pourvu d’avance de renseignements suffisamment complets sur les événements pertinents, aurait pu prédire ce qui ne pouvait manquer d’arriver. C’était uniquement le fait que notre savoir était incomplet qui a donné lieu à ce genre de hasard.

La mécanique quantique, cependant, introduisit des événements fortuits d’une deuxième sorte, bien plus radicale : le hasard absolu. D’après la mécanique quantique, il existe des processus physiques élémentaires qu’on ne peut pas analyser davantage en termes de chaînes causales, mais qui sont des soi-disant « sauts quantiques » ; et un saut quantique est censé être un événement absolument imprévisible qui n’est contrôlé ni par de lois causales, ni par la coïncidence de lois causales mais uniquement par des lois probabilistes. Ainsi, la mécanique quantique a introduit, malgré les protestations d’Einstein, ce qu’il décrit comme « le dieu jouant aux dés ». La mécanique quantique considère ces événements de hasard absolu comme les événements de base du Monde 1. Les différents résultats particuliers de ces événements dus au hasard, tels que la désintégration de l’atome avec l’émission radioactive qui s’ensuit, ne sont pas prédéterminés et donc ne peuvent pas être prédits, si étendue que soit entre notre connaissance des conditions pertinentes précédant l’événement en question. Bien sûr, nous pouvons faire sur ces processus des prédictions statistiques susceptibles d’être mises à l’épreuve.

Quoique je ne pense pas que la mécanique quantique ait le dernier mot en physique, je crois que son indéterminisme est fondamentalement solide. Je crois même que la mécanique classique de Newton est, en principe, indéterministe. Cela devient clair si nous introduisons des modèles physiques du savoir humain – par exemple, les ordinateurs. L’introduction dans notre univers d’un savoir humain objectif – l’introduction d’un Monde 3 – (nous ne devons pas oublier que les ordinateurs, quoi qu’inhumains, sont créés par l’homme) nous permet de prouver non seulement le caractère indéterministe de cet univers mais son ouverture essentielle ou son incomplétude.

Revenant maintenant à la mécanique quantique, j’aimerais faire remarquer que l’indéterminisme d’un dieu jouant aux dés, ou de lois probabilistes, ne parvient pas à faire une place à la liberté humaine. Car ce que nous cherchons à comprendre n’est pas uniquement comment nous pouvons agir d’une manière imprévisible et fortuite, mais comment nous pouvons agir délibérément et rationnellement. La fameuse constante probabiliste de tels événements dus au hasard, tel que le fait de poster une lettre sans adresse, peut être une curiosité intéressante, mais cela n’a rien à voir avec le problème de la liberté d’écrire une poésie, bonne ou mauvaise, ou d’avancer une théorie nouvelle, comme par exemple, une hypothèse sur l’origine du code génétique.

On doit admettre que, si la mécanique quantique a raison, le déterminisme laplacien a tort, et que les arguments de physique ne peuvent plus être utilisés pour combattre la doctrine de l’indéterminisme. Mais l’indéterminisme n’est pas suffisant.


L’indéterminisme n’est pas suffisant.

Admettons que le monde physique soit partiellement mais non complètement déterminé. C’est-à-dire, admettons que les événements se suivent conformément aux lois physiques, mais que, de temps en temps, il y ait un certain jeu dans leur enchaînement, rempli par des séquences imprévisibles et peut-être probabilistes, semblables à celles que nous connaissons pour la roulette, les jeux de dés, le jeu à pile ou face, ou la mécanique quantique. Ainsi, nous aurions un Monde 1, indéterministe, comme je l’ai suggéré. Mais rien n’est gagné pour nous si ce Monde 1 est caractérisé par la fermeture causale vis-à-vis des Mondes 2 et 3. Un tel Monde 1, indéterministe, serait imprévisible ; cependant, le Monde 2 et avec lui le Monde 3 ne pourraient avoir aucune influence sur lui. Un Monde 1, fermé et indéterministe, continuerait comme avant, quels que soient nos sentiments et nos désirs. La seule différence qui le séparerait du monde de Laplace serait qu’on ne pourrait le prédire, même si l’on savait tout sur son état actuel : ce serait un monde régi uniquement par le hasard.

Ainsi, l’indéterminisme est-il nécessaire mais insuffisant pour permettre la liberté humaine et surtout la créativité. Ce dont nous avons vraiment besoin est d’une hypothèse selon laquelle le Monde 1 est incomplet ; qu’il peut être influencé par le Monde 1 ; qu’il peut agir réciproquement avec le Monde 2 ; ou qu’il est causalement ouvert, sur le Monde 2 et donc, par la suite, sur le Monde 3.

Nous revenons ainsi à notre point central : nous devons exiger du Monde 1 qu’il ne soit pas autonome ou « fermé », mais ouvert sur le Monde 2 ; qu’il puisse être influencé par le Monde 2, de la même manière que le Monde 2 puisse être influencé par le Monde 3.


Déterminisme et naturalisme.

Il n’y a aucun doute que la prise de conscience que l’homme est un animal et que le désir de nous voir faire partie de la nature soient l’argument philosophique fondamental de l’erreur du déterminisme laplacien et de la théorie de la fermeture causale du Monde 1. Je crois que la raison est juste ; si la nature était entièrement déterministe, le royaume des activités humaines le serait aussi. Il n’y aurait, en fait, aucune action, mais tout au plus l’apparence d’actions.

Mais l’argument opposé est également solide. Si l’homme est libre, au moins en partie, la nature l’est aussi ; et le Monde 1, physique, est ouvert. Et il y a toutes les raisons de croire l’homme libre, du moins en partie. Le point de vue opposé – celui de Laplace – mène à la prédestination. Il conduit à l’idée que, il y a des billions d’années, les particules élémentaires du Monde 1 contenaient la poésie d’Homère, la philosophie de Platon et les symphonies de Beethoven, comme une graine contient la plante ; il mène à l’idée que l’histoire humaine est prédestinée et, avec elle, toutes les manifestations de la créativité humaine. Et la version de la théorie quantique est tout aussi mauvaise. Elle fait de la créativité humaine une question de simple hasard. Il y a sans doute un élément de hasard. Cependant, la théorie selon laquelle la création d’œuvres d’art ou la musique peut, en dernière analyse, être expliquée en termes de chimie ou de physique me paraît absurde. Dans la mesure où la création musicale peut être expliquée, elle doit l’être, au moins en partie, en faisant intervenir l’influence d’autres musiques (qui stimulent aussi la créativité des musiciens) et, ce qui est plus important, en faisant intervenir la structure, les lois et les contraintes internes qui jouent un rôle si important dans la musique et dans tous les autres phénomènes du Monde 3 – lois et contraintes dont l’assimilation et parfois le refus sont d’une très grande importance pour la créativité des musiciens.

Ainsi, notre liberté, et surtout notre liberté de créer est soumise clairement aux restrictions des trois mondes. Si Beethoven, par quelque infortune, avait été sourd de naissance, il ne serait pas devenu compositeur. En tant que compositeur, il soumit librement sa liberté d’inventer aux restrictions structurales du Monde 3. Le Monde 3, autonome, libre qu’il était de choisir son chemin, comme un explorateur dans l’Himalaya, mais étant aussi limité à la fois par le chemin choisi jusque là et par les suggestions et les restrictions internes du nouveau monde ouvert qu’il était en train de découvrir. (Des remarques similaires pourraient être faites au sujet de Gödel). 


(In : Karl POPPER. « L’univers irrésolu. Plaidoyer pour l’indéterminisme ». Editions Hermann, Paris 1984, pages : 101 – 105).






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Commentaires : 


Comme nous le soutenions dans notre précédent billet, intitulé, "Liberté", l'univers de l'inconnu est strictement inséparable de celui du hasard et de l'imprécision : aucune mesure suffisamment précise ne nous indiquera jamais où se situe exactement la limite entre hasard et imprécision.

A la lumière des arguments de Popper, nous sommes en droit de réaffirmer, (si nous les avons bien compris), que l'on peut assimiler la notion "d'inconnu" à celle d'indéterminisme

Ensuite, il nous semble encore plus clair, (toujours sur la base de ce que propose Popper), que l'indéterminisme reste insuffisant pour revendiquer l'existence du libre-arbitre, et c'est tout à fait ce que nous avions proposé dans notre billet sur la Liberté. 

Cependant, il demeure impossible d'éliminer l'indéterminisme, d'une part, et d'autre part de l'éliminer en tant que possibilité de l'émergence de la Liberté Humaine, même s'il existe des restrictions.

Et il est inutile de préciser encore qu'une doctrine quelconque qui éliminerait prima faciae et de manière absolue toute possibilité d'existence de l'indéterminisme, rend elle-même d'emblée impossible tout espoir d'être dotée de pouvoirs de description, d'explication et de prédiction qui soient réellement testables.

Pour reprendre enfin la célèbre formule d'Albert Einstein : "Une théorie qui explique tout, n'explique rien du tout". Et Einstein écrivit aussi : "Si la mathématique est certaine, elle ne s'applique pas à la réalité, et si elle n'est pas certaine, elle s'applique à la réalité". A la suite d'Einstein nous affirmeront qu'il est absurde de concevoir une mathématique quelconque qui pourrait, ne serait-ce que tenter "d'illustrer" ou de représenter le "psychisme inconscient". Et il est tout de même paradoxal que des psychanalystes aient tenté, avec Jacques Lacan, de mettre l'âme humaine en formules mathématiques, alors même qu'ils ont toujours manifesté leur mépris le plus total pour la mesure, et la science expérimentale. 

Mais un tel niveau de paradoxe possède au moins un contenu d'information crucial : nous avoir révélé jusqu'à quel niveau d'absurdités, sinon d'idioties, pouvait sombrer une pensée malade comme le fut celle d'un Jacques Lacan, lequel fut reconnu fort justement comme un psychopathe par Noam Chomsky... Aujourd'hui encore, les lacaniens cultivent et perpétuent cette pensée malade. Les principaux symptômes en sont leur obsession de l'inconscient, de l'interprétation vampirique, de la suggestion de faux, de la manipulation mentale, de l'infantilisation, du narcissisme, etc., sans parler de la mauvaise foi la plus crasse ; tout ce bestiaire constituant leur pitoyable modus vivendi.

La "psychanalyse" n'a donc toujours pas changé. Elle peut changer de couleurs, en fonction de ses besoins "sociologiques" ou "politiques" - sa "politique" consistant principalement à continuer de régner en tant que pseudoscience, pensée unique, et idéologie dominante dans de nombreux secteurs de la vie culturelle et sociale - mais un caméléon, reste un caméléon, même s'il change de couleur. Il faut reconnaître que cette comparaison de la psychanalyse avec le caméléon est assez avantageuse pour elle, car le caméléon n'est pas une créature métaphysique inventée par l'homme, tout simplement. 

Ce qu'il y a de problématique pour la psychanalyse, est que ses prétendues "adaptations" ne sont que des mensonges, des impostures, (ou des postures...), des tromperies sur sa réelle "marchandise". Ce qu'elle a à vendre, reste toujours la même chose : c'est elle-même, et rien d'autre, c'est-à-dire, un jeu. Mais un jeu délétère pour tout le monde, où il est prévu qu'elle ressorte gagnante à tous les coups. Ce jeu, c'est celui de "l'inconscient". Et il consiste à demander à son public, à tout le monde, "d'être inconscient" : "soyez inconscient", "vous êtes inconscient", "si vous êtes ignorant, c'est parce que vous êtes inconscient, donc la vérité (...) est en vous", etc., etc.,

Bref, pour "exister", l'inconscient de la psychanalyse nécessite d'être demandé : s'il n'y a pas cette "demande d'inconscient", (Mikkel Borch-Jacobsen), par l'autre usage également incontournable de la suggestion à son existence, cet inconscient n'existe jamais indépendamment du demandeur et de celui à qui il est demandé : il demeure impossible de prouver de manière valide et indépendante son existence, laquelle est par conséquent une co-fabrication, (Jacques Van Rillaer), superfétatoire totalement circonstancielle à la cure analytique et à son énonciation métaphysique a priori.

"L'inconscient", dans l'univers psychanalytique, n'est donc qu'un vulgaire "jeu de langue", un "jeu de mots", ou une "crachose" (...) ; et comme on va le voir dans ce qui suit, l'analyse, n'est qu'un un "jeu de dés", ou les dés sont les mots et ce qu'ils expriment, l'aléatoire et le fortuit étant contrôlés ou exclus par le psychanalyste, constamment, par l'introduction de dés pipés : les diverses formes et contextes de suggestion, de pression, de manipulation, de dénaturation fallacieuse du sens, (d'un jeu sans limite sur le sens lui-même), via une utilisation délirante du symbolisme, de la métaphore, etc., etc., lesquelles permettent de produire cette "furor interpretaticus" si symptomatique des obsessions des psychanalystes et de leur incurable besoin d'emprise sur leurs victimes.

C'est Mikkel Borch-Jacobsen, qui a, selon nous, le mieux identifié ce stratagème, essentiel, fondamental même pour la psychanalyse.

Voilà le problème de la psychanalyse : tout le monde est soi-disant "inconscient", et si l'on nie ce déterminisme par "l'inconscient", c'est que l'on est soi-même déterminé, sans coup férir, par cet "inconscient" dans ce processus même de négation... Celui qui rejette donc la théorie de l'inconscient de la psychanalyse, qui prétend en démontrer le vide explicatif, voire son absurdité ou son caractère sectaire et pseudo-scientifique, celui-là doit être en priorité soumis à une analyse, laquelle lui permettra de comprendre les ressorts de son propre "inconscient" qui sont la cause de son rejet de la théorie et de la psychanalyse.

Donc, tout le monde est "malade" sans le savoir vraiment, et surtout sans être prêt à l'accepter ce qui justifierait encore plus l'usage d'une analyse à leurs égards, afin qu'ils puissent lever ces résistances à l'interprétation analytique. En somme, que vous soyez "pour" ou "contre" la psychanalyse, cette dernière trouve toujours le moyen d'être confortée ou justifiée dans son usage.

Et les psychanalystes affirment un déterminisme strict et prima faciae de l'inconscient, mais également qu'il est impossible d'en sonder vraiment toutes les ressources, donc que ce dernier pourrait même toujours nous surprendre. Il peut par conséquent toujours servir à l'étonnement puis à l'auto déculpabilisation de l'analyste mis en demeure de reconnaître le ridicule et l'incompétence de ses interprétations, tout autant que pathologiser les contestations ou les critiques d'un patient qui se révèlerait éberlué de devoir se convaincre que la démystification du charlatanisme de son psychanalyste et de sa doctrine n'est qu'une autre forme de sa déviance, ou de sa "névrose", elles aussi produites par "l'inconscient", comme par exemple un prétendu "conflit œdipien non résolu", ou encore une "révolte contre la figure  du père", ou encore de la paranoïa, et je ne sais quoi d'autre..

Quoique s'agissant de la paranoïa, l'on en vient à se demander comment une telle conception de l'inconscient pourrait venir en aide aux paranoïaques, en leur proposant qu'à l'origine de leurs contestations ou de leurs critiques, (ou de leurs névroses), il y aurait toujours cet "Autre" qui leur aurait fait ce sale coup... Mais, pour eux-mêmes, les psychanalystes auront toujours le fameux mot de Lacan pour s'en défendre en rétorquant que "si être intelligent, c'est être paranoïaque, alors, je suis paranoïaque". (Et moi aussi, sans aucun doute, quoique je ne sois pas psychanalyste).

Ainsi, "l'inconscient" est-il la véritable "conchita", bonne à tout faire de l'analyste : en cas de besoin, personne n'est responsable, (surtout pas l'analyste, bien entendu), c'est toujours "l'inconscient", et de préférence, celui du patient. Mais de telles facultés d'absorption  et de déni des réalités ont un prix : étant donné le côté foncièrement "infini" de l'inconscient, le prix d'une analyse peut donc lui aussi être "infini", en termes de monnaie sonnante et trébuchante, (parfois  nommé le "gaz hilarant" par les psychanalystes de la première heure), et s'il n'y avait que cela... On trouve dans les excellents ouvrages de Jacques Bénesteau, Jacques Van Rillaer et de Mikkel  Borch-Jacobsen, des faits dont la gravité démontre jusqu'où peuvent conduire les ravages causés par cette "thérapie" sur ses malheureuses victimes, sans parler de la consternante absence de scrupules et d'humanité des psychanalystes. Nous conseillons vivement à nos lecteurs de lire aussi les livres de René Pommier, Frank Sulloway, Nathan Stern, Patrick Mahony, Allan Hobson, Hans Jürgen Eysenck, Frank Cioffi, Pierre Debray-Ritzen, etc.

C'est comme si un joueur prétendait avoir mis au point un jeu aux règles parfaitement rigoureuses, tout en vous disant qu'il ne peut les maîtriser lui-même lorsqu'il se trouve en situation de reconnaître qu'il y a un problème dans les règles : "ce n'est pas ma faute, c'est la faute des règles du jeu !" 

Mais ce joueur est très malin : il promet la maîtrise des règles du jeu à celui qui s'y risquerait, et qu'un jour, enfin, il pourra y jouer tout seul. Mais ce jour n'arrive jamais vraiment, car il est impossible qu'il advienne. En somme, le psychanalyste prétend, ni plus ni moins, que ses règles du jeu lui permettent de maîtriser le hasard dans tout lancer de dés. Si l'on comprend que les dés représentent le "contenu inconscient" de motivations diverses exprimées dans des "associations libres", etc. 

Donc, les victimes de la psychanalyse, reprennent les dés à chaque fois, à chaque séance, et les lancent, les lancent encore, avec leurs "associations libres", et obtiennent à chaque fois, des "confirmations" du bien fondé de la théorie : chaque combinaison est bonne pour les règles du jeu de l'inconscient.  S'il arrive que les victimes obtiennent une succession de lancers particulièrement réussie, alors, le psychanalyste en profite pour décider fièrement avec sa victime que l'analyse peut prendre fin, et qu'elle peut acquérir les dés, et s'amuser à les lancer toute seule. 

Ce qui se passe alors, c'est que la victime les relance, et parfois, une succession de mauvais résultats refait surface... C'est alors que le psychanalyste use de sa persuasion pour inviter sa victime à retourner en analyse, afin d'effectuer d'autres lancers, et ainsi de suite. Mais un "bon" analyste n'oublie pas, évidemment, d'apprendre à ses patients à lancer des dés pipés, en toute autonomie ; de tels lancers devenant la preuve que le patient est devenu analyste lui-même, et qu'il peut, dès lors, se faire le prosélyte effréné du jeu de l'analyse auprès de tout néophyte non encore converti et qui aurait un certain goût du risque...

Bien entendu, et comme nous l'avons dit précédemment, chaque combinaison obtenue est exploitable par l'analyste. Par exemple, si c'est un 6 et 2 qui sortent, il peut demander : "quel sens prennent pour vous ce 2 et ce 6 ? Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?" Ou encore, si c'est un 5 et 3 : "Vous avez remarqué les chiffres impairs ? Cela vous fait penser à quoi ?".. Ou encore, si c'est deux 6 : "C'est bien, votre inconscient s'organise. Vous voyez : nous sommes deux à reconnaître la vérité !", ainsi de suite... Amusant, n'est-ce pas ?

Mais ne doutons pas un instant que ce qu'il y a d'encore de plus amusant ou de croquignolesque, c'est qu'un psychanalyste trouverait des "motivations inconscientes absolues" au fait que j'ai choisi moi-même une combinaison avec un 2 et 6, puis une suivante avec un 5 et un 3, et la dernière avec deux 6 : ce n'était donc pas un "choix" conscient...

Puisque la psychanalyse postule un déterminisme psychique inconscient prima faciae absolu et excluant tout hasard et tout non-sens, (des "lois de calcul inconscientes" à la précision sans faille et par conséquent au pouvoir de prédiction infini), alors, que le psychanalyste prédise, à chaque coup, n'importe laquelle des combinaisons que je pourrais écrire plus tard, ici, sans se tromper d'un seul chiffre, ni même de leur ordre d'apparition, et bien sûr, sans avoir effectué la moindre tentative de suggestion ou de manipulation quelconque. Sans oublier le fait qu'il devra aussi ne pas invoquer "l'inconscient", le sien, ou le mien, pour se justifier en cas d'une seule erreur dans le résultat d'une seule de ses prédictions, en utilisant l'argument selon lequel la mesure des conditions initiales qui aurait présidé à certains des calculs de mon "inconscient" lors de l'une ou l'autre des prédictions, n'était pas "suffisamment précise".

Une précision : je ne joue pas aux dés. Je n'y ai jamais joué avec aucun psychanalyste, et je n'y jouerais jamais. Et mes non, ne peuvent être des "oui déguisés en non". Et par dessus tout, jamais je ne jouerais mon âme avec personne sur quelques coups de dés.

Voilà ce qui, sans doute, attire tellement les victimes de la psychanalyse et qui les piège : ce ne sont pas vraiment les dés qui, au départ, sont pipés, (tout le monde a des souvenirs, des rêves, des émotions, etc., Quoique le psychanalyste sait toujours introduire habilement des dés pipés pour montrer une succession de "mauvais lancers" et inciter à continuer l'analyse, ou bien une succession de "bons lancers" quand il a besoin de la réussite de l'analyse...) ; mais tout le jeu lui-même qui indique, par ses "règles", comment les lancer, et surtout qui prétend que tous les lancers sont déterminés, par avance, de façon absolue...

Enfin, les psychanalystes auront sans aucun doute, encore une fois, le dernier mot. Qu'on en juge : en supposant qu'ils revendiquent encore le statut de "scientificité" incontestable de la psychanalyse, (lequel la hisserait au même niveau que la physique, par exemple), pourquoi maintenant ne pourraient-ils s'identifier à Albert Einstein lui-même en utilisant une autre de ses célèbres formules ? En effet, puisque leur postulat du déterminisme psychique inconscient, exclut formellement le hasard, et que pour les lacaniens, l'inconscient, est "l'Autre", cette créature mythologique canonisée par le père de la doctrine, donc un "Dieu qui ne tolère pas d'autres dieux" (...), et bien, reprenant donc Einstein pour leur compte, ils pourraient déclarer qu'effectivement : "Dieu ne joue pas aux dés".

Je vous fiche la paix...


*


Que ce soit avec des "dés" ou avec des "cartes", un "bon" psychanalyste sait toujours sortir la bonne pour "l'inconscient" soit toujours victorieux et rester le maître du "jeu" de l'analyse : 






(Patrice Van den Reysen).





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