« (…) Si l’on examine cependant non plus ce que Freud affirme vouloir faire mais ce qu’il a fait effectivement, il semble qu’il manque à sa pratique de la science une dimension essentielle : le souci du contrôle en est absent. L’idée qu’aussi bien une analyse concrète qu’une théorie générale doivent pouvoir être testées, en fonction de critères permettant de discerner si elles sont vraies ou fausses ne semble pas avoir de sens en psychanalyse. Ce n’est pas dû seulement au dogmatisme spontané de Freud et de ses disciples, mais à la manière imprécise dont leurs théories sont formulées, qui les rend a priori compatibles avec tous les événements possibles. Comme la remarqué Popper, qui s’est fait le critique sévère de leur démarche, une théorie comme celle qui fait du complexe d’Œdipe le noyau de la névrose, et à la limite la clef du devenir humain – ou comme celle d’Adler qui confie le même rôle au sentiment d’infériorité -, peut expliquer tous les comportements imaginables, et aucun ne peut la mettre en défaut. Qu’un individu pousse à l’eau un enfant, ou au contraire se jette à l’eau pour le sauver, on peut à chaque fois en donner une explication en termes freudiens ou adlériens. « C’est précisément cette propriété – la théorie opérait dans tous les cas – qui constituait, aux yeux des admirateurs de Freud et d’Adler, l’argument le plus convaincant en faveur de leur théorie », écrit-il dans Conjectures et réfutations, « et je commençais à soupçonner que cette force apparente représentait en réalité leur point faible ».
Le contraste était grand en effet avec l’attitude des véritables scientifiques qui eux, peuvent toujours indiquer quels événements précis, observés dans des conditions fiables, remettraient en question les hypothèses qu’ils proposent : qui, en d’autres termes, ont soin de ne proposer que des hypothèses « falsifiables » empiriquement, n’ayant de contenu que dans la mesure où elles excluent certaines possibilités, et qui de surcroît, loin de chercher à les protéger à tout prix, acceptent qu’elle soient soumises à un examen critique très sévère, et abandonnées si elles entrent en conflit avec l’expérience. Par comparaison, l’infaillibilité de principe de théories comme celles de la psychologie des profondeurs ou du matérialisme historique prouve surtout selon Popper qu’elles ne disent rien de véritablement précis sur la réalité. »
(In : Renée BOUVERESSE-QUILLIOT et Roland QUILLIOT. « Les critiques de la psychanalyse ». Que sais-je ? N° 2620, Presses Universitaires de France, Paris, 3° édition, mai 1995, pages : 95 – 96).
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Psychanalystes, dehors ! Et, pour vivre heureux, vivons cachés.
Les années 2020 seront celles de l'avènement d'une nouvelle forme de totalitarisme : le totalitarisme sophistiqué dont l'un des traits les plus marquants est cette lutte, cette haine tout à fait scandaleuse et révoltante contre la liberté d'expression, via un combat acharné contre ce qui est nommé le "conspirationnisme" ou le "complotisme".
Les années 2020 seront sans doute identifiées dans l'Histoire comme une "période charnière" entre la fin d'un "ancien monde" et la naissance d'un "nouveau" dont les prémices se révèlent de plus en plus menaçants pour les libertés individuelles.
Nous estimons qu'il est pertinent, plus que jamais, de citer Antonio Gramsci :
"Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres".
Mais citons Karl Popper : "L'optimisme est toujours de rigueur".
Et nous-mêmes : "Restons citoyens, restons vigilants, mais, renonçons à la violence et à l'intolérance. Travaillons à sauvegarder la citoyenneté, à en améliorer le contenu et les pouvoirs, les libertés autant que les responsabilités".